10 Avril 2020
Lorsque je me réveille, il est 7h20. Mon bobrun dort comme un bébé. Je suis bien. Sa présence à mes côtés me fait un bien fou.
Je prends mon Jérém dans mes bras, je pose un bisou léger sur sa joue à la barbe de quelques jours. La chaleur de son corps est revigorante, sa présence olfactive est rassurante. Qu’est-ce que j’aime me réveiller et le sentir contre moi ! La simple idée de commencer la journée avec lui, de nous dire bonjour avec un bisou, de prendre le petit déj ensemble suffit à me rendre heureux comme un gosse à Noel.
Je culpabilise presque d’être aussi bien alors que tant de gens dans ma ville souffrent au même instant. Mais est-ce une raison pour m’empêcher de profiter de l’instant présent, d’être heureux ?
J’attends impatiemment son réveil pour pouvoir lui faire des bisous. Mais rien ne presse. Je ne me lasse pas de le regarder dormir, beau comme un Dieu, avec ses cheveux en vrac et sa belle petite gueule qui demeure incroyablement sexy même les yeux fermés. Je ne me lasse pas d’écouter sa respiration apaisée, régulière, de regarder le drap léger qui couvre son torse onduler au gré de ses inspirations.
Et je ne me lasse pas de constater à quel point notre relation a évolué en quelques mois.
Depuis Campan, c’est le bonheur absolu entre nous. Je n’aurais jamais osé espérer qu’un jour on se réveillerait tous les deux dans mon lit, dans ma chambre, dans la maison de mes parents, après avoir fait l’amour.
Et qu’est-ce que je suis content que Jérém et mon père aient bien accroché autour du rugby ! C’est important l’entente entre un beau-père et un beau fils ! Je rêve d’un avenir radieux avec mon bobrun, un coming out sans entraves auprès de mon père. Quand on est heureux, on rêve facilement. Car, oui, à cet instant précis, je suis heureux. Du moins dans ma vie sentimentale avec Jérém. Si seulement il avait été recruté par un club à Bordeaux, ou si j’avais pu choisir des études à Paris… Ça me manque terriblement de ne pas être avec lui tous les jours.
Lorsque Jérém émerge enfin, il a l’air un brin déboussolé. Il est tellement touchant !
« Salut toi » je lui lance.
« Salut. Il est quelle heure ? ».
« Huit heures. Tu as bien dormi ? ».
« Ça va. Toi aussi ? ».
« Je dors toujours bien quand tu es avec moi » je lui lance, en l’embrassant doucement.
Pour toute réponse, mon bobrun se glisse sur moi, prend ma tête entre ses mains et me fait plein de bisous. Les petits frottements de nos deux torses provoque en moi une montée d’excitation presque instantanée. Une tempête de frissons se déclenche dans mon corps. Et je bande en un éclair.
« Tu me fais bander, Jérém » je lui chuchote, en frissonnant de bonheur.
« Je sais, toi aussi tu me fais bander ».
« J’ai envie de toi ».
Et là, le bogoss se laisse glisser sur moi, tout en posant un délicieux chapelet de bisous sur mon torse, en s’attardant à mordiller mes tétons, en descendant lentement mais assurément vers ma queue. Lorsque ses lèvres et sa langue enveloppent mon gland, c’est un bonheur inouï.
Jérém entreprend de me pomper avec douceur, faisant monter mon excitation et mon envie de jouir à chaque va-et-vient.
Mais le bogoss a bien d’autres projets en tête. A un moment, il se relève brusquement, il glisse deux oreillers derrière ma nuque. Il s’installe à cheval sur mon torse, en appui sur ses genoux et il approche sa queue bien tendue de mes lèvres. Je regarde son torse de bas en haut et j’en suis impressionné. J’ai beau les avoir vus des dizaines de fois à poil, ce torse et ce mec m’impressionnent toujours autant.
Mais qu’est-ce qu’il est bien foutu mon Jérém, putain ! Ses pecs et ses abdos et ses biceps sont plus saillants que jamais. Qu’est-ce que ce jeune mâle donne envie de se faire déglinguer et de satisfaire le moindre de ses désirs sexuels !
J’avale son manche tendu avec bonheur, je regarde l’ondulation de ses abdos avec enchantement j’accueille ses coups de reins virils mais doux avec délice. J’ai envie de sentir ses giclées percuter mon palais, j’ai envie de retrouver son goût viril.
Mais là encore, le bogoss a d’autres projets. Et je me laisse porter, comme ensorcelé par sa virilité flamboyante.
Jérém passe une main sous ma nuque, ce qui provoque en moi des frissons inouïs, la soulève doucement, il récupère l’un des oreillers pour le glisser sous mes reins.
Un instant plus tard, il vient en moi, me remplit avec son manche gonflé à bloc. Il se laisse glisser lentement, jusqu’à la garde. Puis, il se penche sur moi, m’embrasse longuement, tout en envoyant de tout petits coups de reins, comme des caresses intimes et divinement sensuelles.
Mais lorsqu’il se relève, lorsque son beau torse me domine de toute sa puissance, ses coups de reins se font bien plus musclés. Ses mains attrapent mes chevilles, les posent sur ses épaules. J’adore sa façon de manipuler mon corps pour rechercher son plaisir. J’adore le voir dans cette position, le torse légèrement vers l’arrière, les pecs bien bombés, les biceps tendus, les abdos qui travaillent avec son bassin pour envoyer des coups de reins amples et souples.
Et ce qui rend la chose encore plus excitante, c’est d’entendre autour de nous de petits bruits venant de la cuisine, nous rappelant que mes parents ne sont pas loin.
Et j’adore guetter la montée de son plaisir, dans ses gestes, les attitudes de son corps, les expressions involontaires de son visage, les mouvements de sa tête, les changements d’allure de ses coups de reins, les évolutions du rythme de sa respiration.
Et lorsque l’orgasme vient enfin, lorsque son corps se raidit, lorsque son visage se crispe, lorsque son esprit s’évapore sous l’effet d’un frisson de plaisir débordant ; lorsque je le sais, son jus de mec quitte ses couilles, gicle de sa queue et vient se loger au plus profond de moi, je ressens tellement de bonheur et de plaisir que je connais une sorte d’orgasme mental, tout aussi fort que l’orgasme physique.
Quant à ce dernier, il n’est jamais trop loin après que mon bobrun m’ait bien limé et rempli. Ainsi, il suffit que sa main enserre ma queue, qu’elle la secoue avec quelques mouvements fermes, pour que ma jouissance explose et que de nombreuses giclées s’abattent sur la peau de mon torse, jusqu’à mes tétons, jusqu’à mon menton.
« Je croyais que ça te gênait de faire l’amour chez mes parents » je le charrie.
« C’est tellement bon » il se contente de me répondre, avant de poser un bisou sur mes lèvres.
« Putain, que oui… ».
« Je peux reprendre une douche ? » il me demande.
Sa question me fait sourire et me remplit de tendresse. Comme si pouvais lui dire non.
« Bien sûr que oui, tu peux » je fais, sur un ton moqueur.
« Je demande, je ne suis pas chez moi ».
« Si, tu es chez toi ici ».
Nous passons à la douche l’un après l’autre. En haut des escaliers, juste avant de descendre, et alors que mon père est dans le salon en bas, je vole un dernier bisou à mon bobrun gêné.
Ça me fait une drôle de sensation de descendre retrouver mes parents alors que nous venons de faire l’amour une nouvelle fois. Une sensation qui se dissipe rapidement au contact de l’accueil chaleureux de mon père.
« Ça va les gars ? Vous avez bien dormi ? ».
« Très bien, monsieur. Et vous ? » fait Jérém.
« Il faut arrêter de m’appeler monsieur. Moi c’est Alain ».
« D’accord, Alain ».
« Tu veux un café, Jérémie ? ».
« Avec plaisir ».
Ça me fait un bien fou de les voir si proches. Jérém semble avoir accompli le tour de force de se mettre papa dans la poche. Papa qui n’est pas vraiment du genre à donner facilement son estime à qui que ce soit, je suis bien placé pour le savoir. Alors, ça me fait d’autant plus plaisir de voir que ça se passe bien entre eux.
« Bonjour les garçons » fait maman en apportant un plat avec des tranches de pain grillé.
« Jérémie, comme je ne sais pas ce que tu prends au petit déjeuner, j’ai fait griller du pain. Il y a des confitures. Mais si tu veux autre chose tu me dis ».
« Ça ira, madame, merci ».
J’adore cette façon de Jérém d’appeler papa « monsieur » et maman « madame », comme un gosse qui s’adresse à des adultes. Et j’adore aussi le fait que mes parents ont comme « adopté » le garçon qui me rend heureux. Le seul bémol, c’est que si maman l’a fait en toute connaissance de cause, papa l’a fait en ignorant encore un détail plutôt essentiel de notre relation. J’espère vraiment que quand je vais lui apprendre ce détail, ça va bien se passer.
« Quels sont tes projets pour aujourd’hui, Jérémie ? » le questionne mon père.
« Je vais aller revoir mon frère à Purpan et après je vais aller voir mon père ».
« Il habite où ? ».
« Il est du côté de Condom, dans le Gers ».
« Et il fait quoi par là-bas ? ».
« Il cultive de la vigne, il a une cave ».
« Ah, c’est un beau métier ça ».
« Il aime ça ».
« Et tu ne voudras pas reprendre l’affaire plus tard ? ».
« Je ne pense pas. Ce n’est pas dans mes projets ».
« Tu verras bien. Et au fait, comment tu vas y aller à Condom ? Si t’as besoin d’une voiture, je peux te filer la vieille Golf. Elle n’est plus toute fraîche mais elle roule bien ».
Alors là, papa me cloue le bec.
« C’est gentil mais je viens de demander à un pote de m’en prêter une ».
« Ok, mais si tu as besoin, tu sais que tu peux demander. Et tu reviens sur Toulouse ce soir ? ».
« Je ne sais pas encore ».
« En tout cas, sois à l’aise, tu peux revenir dîner et dormir ici autant que besoin ».
« Merci, je ne sais pas quoi dire, à part merci ».
« De rien. Moi aussi j’ai été rugbyman. Ça m’a toujours désolé que Nico ne s’y intéresse pas… ».
Ça c’est papa tout craché. Jamais un encouragement, mais jamais rater une occasion pour dire quand il est déçu par moi.
« Entre rugbymen » il ajoute « il faut se serrer les coudes ».
« Merci monsieur ».
« Alain ! ».
« Oui, Alain… ».
« Tu veux un autre café ? » lui demande maman.
« Non, merci. Je vais y aller. Merci pour tout ».
J’accompagne mon adorable Jérém vers l’entrée de la maison. Nous sommes à la vue de mes parents, alors je ne peux même pas lui faire un bisou.
« Tes parents sont vraiment géniaux ».
« Tu es un garçon adorable, c’est normal ».
« Tu parles ».
« Reviens dormir à la maison ce soir ».
« Je te tiens au courant ».
« Je vais essayer de rappeler Thibault ».
« Tiens-moi au courant aussi ».
« Bien sûr. Et toi aussi, donne-moi des nouvelles de Maxime ».
« Ok, pas de problème ».
« Je t’aime Jérém ».
Son beau sourire doux et touché est une réponse qui vaut tous les mots de la terre.
Je le regarde s’éloigner dans la rue, mes yeux ont du mal à se détourner du gars qui m’a fait l’amour cette nuit et ce matin encore. Il beau comme un Dieu. Et il fait l’amour comme un Dieu. Et je suis tellement fier du gars qu’il est devenu !
A l’instant où il disparaît de ma vue, Jérém me manque déjà.
Je reviens dans le séjour, j’aide maman à débarrasser. J’essaie ensuite de rappeler Thibault, mais je tombe à nouveau sur le répondeur. De plus en plus inquiet à son sujet, je lui laisse un nouveau message.
« Salut, Thibault. Je sais que tu m’as dit que tu veux prendre un peu de distance pour l’instant, mais je m’inquiète pour toi, après ce qui s’est passé à Toulouse. J’espère que tu vas bien. Envoie-moi au moins un petit message pour me dire comment ça va ».
J’occupe le reste de la matinée à aider papa à remettre en place les étages des placards des chambres. En début d’après-midi, je vais retrouver Elodie. Elle garde toujours le sourire, malgré la douleur à l’oreille et un diagnostic qui se confirme comme étant plutôt défavorable pour son tympan touché.
Je passe l’après-midi à attendre les coups de fil de Jérém et de Thibault. Des coups de fil qui ne viennent pas.
Ce n’est que vers 19 heures, alors que nous sommes en train de dîner, que mon portable sonne enfin. Et l’écran affiche : « Thibault ».
« C’est un autre pote qui est pompier » je lance à mes parents, pour justifier le fait de répondre au téléphone alors qu’on est à table, chose qu’ils voient à juste titre comme un manque se savoir vivre.
Papa et maman acquiescent d’un simple geste de la tête.
« Salut Thibault ».
« Salut, Nico, comment ça me fait plaisir de t’entendre. Tu vas bien ? ».
« Moi ça va. Et toi ? ».
« Ça va » il lâche sur un ton qui me paraît abattu.
Ses mots sont suivis d’un long silence.
« T’es sûr que ça va ? ».
« Non, ça ne va pas vraiment ».
« Qu’est-ce qu’il se passe ? ».
« Je me suis blessé pendant l’intervention ».
« Qu’est-ce que tu as ? ».
« Un genou en vrac ».
« Je suis désolé. Mais tu es à l’hôpital ? ».
« Non, je suis chez moi. Je viens de rentrer ».
Je sens à sa voix que le beau pompier a le moral plus bas que ses chaussettes.
« Je peux passer te voir si tu veux… ».
« Mais tu es sur Toulouse ? ».
« Oui, je suis rentré hier soir ».
« Ta famille va bien ? ».
« Oui, à part ma cousine qui a un tympan touché ».
« C’est pas trop grave ? ».
« Elle pense qu’elle va le perdre ».
« C’est horrible, horrible, c’est un désastre ».
Je sens dans ses mots une tristesse et un épuisement qui m’inquiètent. Je voudrais trouver les mots pour le rassurer mais je n’y arrive pas.
« Nico… » je l’entends me lancer après un nouveau lourd silence.
« Oui ? ».
« Passe me voir, ça me fera du bien ».
J’entends dans sa demande comme un appel à l’aide. Appel auquel je ne peux me soustraire.
« J’arrive ».
Une demi-heure plus tard, je sonne à l’interphone du jeune pompier.
« Je t’ouvre » j’entends une voix féminine m’annoncer.
Il doit s’agir de sa copine. Je suis un peu déçu d’apprendre que Thibault n’est pas seul. Mais je me dois quand-même d’être là pour lui, alors qu’il a l’air d’aller vraiment mal.
La porte de l’appart est entrouverte.
« Nico ! » m’accueille chaleureusement le jeune stadiste.
Thibault est installé en position demi-assise sur le clic clac ouvert en mode lit, le dos calé par plusieurs oreillers. Il a un grand pansement autour du genou droit, un autre sur l’arcade sourcilière gauche, son visage présente de nombreuses traces de blessures. Même s’il se force à sourire, je vois qu’il a l’air sonné. Mon Dieu qu’il a l’air mal en point mon adorable pote Thibault !
« Salut Thibault » je lui lance en m’approchant de lui.
« Ne bouge pas » j’ajoute, en voyant le beau pompier essayer de se lever avec grande difficulté.
« Mais qu’est-ce que tu fais, chéri ? Le médecin t’a dit de ne pas bouger ! » lui lance une petite brune déboulant au pas de course depuis la cuisine.
« Je suis foutu » fait Thibault, en essayant de rigoler. Mais je sens qu’il ne rigole qu’à moitié.
« Mais non, t’as juste besoin de repos pour te remettre » fait la petite brune.
Je me penche vers Thibault pour lui faire la bise. Et là, à ma grande surprise, le jeune pompier me serre très fort dans ses bras puissants, tellement fort que je manque de partir vers l’avant. Je dois prendre appui sur le dossier du clic clac pour ne pas tomber sur lui de tout mon poids.
Je suis surpris de ces effusions de Thibault devant sa copine. Mais ça me fait plaisir de retrouver cette intimité amicale. Je suis aussi enivré par le parfum qui se dégage de lui, le même que d’habitude, un délicieux bouquet composé du parfum délicat de lessive et d’une fragrance légère de gel douche et de déo, un mélange de linge propre et de bogoss sexy.
« Je suis content que tu sois venu » il me lance en me regardant droit dans les yeux, son visage à quelques centimètres à peine du mien.
Touchant, adorable, émouvant, beau, doux et viril, puits à câlins au regard vert-marron dans lequel on a envie de se noyer, magnifique Thibault, ange et petit Dieu, généreux, altruiste. Ce sont des gars comme lui qui donnent envie de croire en l'espèce humaine.
Lorsque je me relève, je surprends le regard fixe de Nathalie sur moi.
« Nico, je te présente Nathalie » fait Thibault « ma copine. Mais aussi, mon infirmière à domicile ».
« L’infirmière a un patient difficile à gérer » elle fait sur un ton railleur.
« Mais l’infirmière est très dévouée à la tâche ».
« Elle est fatiguée l’infirmière, elle n’a pas dormi depuis près de 24 heures et elle va encore se taper une garde de nuit ».
Après avoir une nouvelle fois arrangé les oreillers dans le dos du beau pompier, Nathalie vient me faire la bise. Elle n’est pas très grande, et fine. Une petite brune pétillante. Elle est plutôt mignonne. Elle a l’air douce mais avec un caractère bien trempé.
« Comment tu te sens ? » je questionne Thibault.
« Bien, bien, je tiens le coup ».
« Allez, je vous laisse entre mecs. Moi je file à l’hôpital. Tu le surveilles un peu, Nico ? » me branche Nathalie.
« Pas de problème ».
« Je compte sur toi pour l’empêcher de faire des bêtises ».
« Je veille sur lui ».
« A demain matin » elle lance, tout en embrassant longuement son chéri.
Quand je regarde cette petite brune à côté de ce beau mâle, et je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle la puissance du mec et le petit gabarit de la fille, je ne peux m’empêcher de l’imaginer dans les bras puissants du beau pompier, enveloppée par cette étreinte douce, virile et rassurante que je connais bien. Je les imagine peau contre peau, enlacés, en train de faire l’amour. J’imagine surtout Thibault en train de faire l’amour.
Pendant que je lui refais la bise, alors qu’elle s’apprête à partir, j’ai envie de lui dire qu'elle a une chance inouïe d’être avec un mec pareil. Elle a l’air d’une chouette fille, j'espère qu’elle saura lui apporter le bonheur qu’un mec aussi charmant et adorable mérite. Car cette nana porte l’enfant de mon pote, et elle détient la clef de son bonheur.
Nathalie vient tout juste de passer la porte lorsque Thibault pousse un grand soupir. Mais ce n’est pas un soupir de soulagement, c’est clairement un soupir de souffrance.
« Ça va pas ? » je m’inquiète.
« Je souffre le martyre ».
« Au genou ? ».
« Oui, mais aussi au dos, au cou ».
Thibault soulève son t-shirt et dévoile son torse de statue grecque. C’est beau à en pleurer. Mais le frisson sensuel provoqué par la vision de son torse de malade se mélange très vite à la tristesse de voir son dos parsemé d’ecchymoses.
« Oh, Thibault… ».
« J’ai failli y passer, Nico. Ce coup-ci, c’est vraiment pas passé loin ».
« Qu’est-ce qui s’est passé ? ».
« On était sur le site une heure après l’explosion, on cherchait des blessés. On est rentrés dans un hangar et des pièces sont tombées du plafond. Je m’en suis pris une sur la tête et sur le dos. Ça m’a projeté au sol. C’était tellement violent que le casque a été déformé. Je suis tombé sur un autre débris et je l’ai heurté avec le genou. J’ai perdu connaissance, alors que le toit se disloquait. Heureusement un collègue m’a sorti de là, sinon j’y serais passé ».
« Je suis vraiment désolé Thibault ».
« J’ai eu peur, Nico, très peur. Et j’ai toujours peur, je n’arrive pas à oublier cette peur » fait-il, les yeux rougis, en retenant de justesse ses larmes.
Je vois cette peur dans ses yeux. Je m’approche de lui et je le serre dans mes bras. Le jeune pompier se lâche enfin et pleure dans le creux de mon épaule.
« C’est fini, c’est fini ».
« Je suis désolé de t’imposer ça ».
« T’inquiète, tu es mon meilleur pote et je suis content d’être là ».
« Merci d’être venu, Nico, merci ».
« J’ai senti que ça n’allait pas fort ».
« Je n’ai jamais vu un tel désastre, Nico, je n’ai jamais vu de telles horreurs de ma vie. J’ai vu des trucs vraiment horribles. Je n’arrive pas à penser à autre chose, je me passe la scène en boucle ».
« Pourquoi tu caches ta souffrance à Nathalie ? ».
« Elle est enceinte, je ne veux pas qu’elle s’inquiète ».
« Mais tu ne peux pas garder tout ça pour toi ».
« Je n’ai pas envie de lui infliger ça. De toute façon, c’est trop dur. J’en fais des cauchemars. Je n’arrive plus à dormir. J’ai l’impression que je vais devenir fou ».
« C’est encore frais, ça va se calmer avec le temps » je tente de le rassurer.
« Ces blessures vont guérir » il répond, en indiquant son pansement au genou « Mais ces autres » il ajoute, en indiquant sa tête « ne vont pas guérir de sitôt ».
« Si tu veux en parler, tu peux compter sur moi ».
« Je n’y tiens pas Nico ».
« Je comprends. Mais je pense que tu devrais en parler quand-même. Je suis certain que ton médecin pourrait t’orienter vers quelqu’un qui pourrait t’aider ».
Thibault ne répond pas, il a l’air tellement mal. Je le vois mordiller sa lèvre, respirer fort, essayer de retenir ses larmes. Il est tellement touchant, tellement émouvant. Je le prends une nouvelle fois dans mes bras et il éclate à nouveau en sanglots.
Je le serre contre moi pour essayer de le réconforter mais je n’arrive pas à le calmer. Je suis bouleversé par sa souffrance. Son mal être est profond, et tellement injuste. Je sais que pompier est un métier à risque. Mais je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi le sort est si injuste avec un gars aussi merveilleux.
Soudain, je réalise que je suis en train d’enlacer Thibault dans ce clic clac où Jérém et lui ont couché ensemble. Mais cela n’a plus d’importance, je ne sais même pas comment j’ai pu lui en vouloir autant.
Le contact avec le beau pompier me procure d’intenses frissons. La solidité, la puissance, la chaleur de son corps, même meurtri, m’impressionnent. Le contraste entre la puissance du muscle et la douceur de la peau de ses biceps me rappelle des moments d’intense sensualité et de plaisir de la nuit où nous avions partagée avec Jérém. Son empreinte olfactive de jeune mec m’enivre. Son cou puissant à portée de bisous est si tentant.
« Je suis tellement fatigué » je l’entends soupirer.
« Ça va aller Thibault, tu es un sacré bonhomme, tu vas remonter la pente ».
« Je ne sais pas si j’en ai l’énergie ».
« Tu as une équipe qui t’attend ».
« Avec mon genou en vrac, je ne pourrai pas jouer pendant des mois ».
« Et franchement, je ne sais même plus si j’ai envie » il continue, avec une voix faible « Être payé pour jouer au ballon, ça me parait tellement vide de sens. Passer ma vie à m’occuper de mon corps, de mes performances, de mon alimentation, à tourner autour de moi, juste pour être prêt à courir après un ballon, je sens que je ne pourrai pas faire ça longtemps. Après ce que j’ai vu vendredi, je crois que je ne pourrai plus le faire du tout ».
« Tu veux plaquer le rugby ? ».
« J’y pense de plus en plus ».
« Pour faire quoi ? ».
« Je vais revenir au garage. Mon ancien patron me reprendra ».
« Et les pompiers ? ».
« Je ne peux plus. J’ai vu trop d’horreurs, je ne peux plus ».
« Mais tu ne peux pas renoncer à tous tes rêves ».
« Quelque chose s’est brisé en moi vendredi dernier et je ne crois pas que je vais arriver à le réparer de sitôt. J’ai eu peur et la peur ne me quitte plus. J’ai besoin de me concentrer sur l’essentiel. D’avoir un taf, un salaire, une vie tranquille. J’ai besoin d’être là quand mon gosse va arriver. C’est peut-être égoïste, mais c’est comme ça ».
« Thibault, tu es un gars merveilleux. Je crois, non, je suis sûr que je ne connais personne d’aussi courageux, altruiste et généreux que toi ».
« Ce Thibault-là n’existe plus ».
« Je suis sûr que si. Il se cache parce qu’il a peur. Mais il ne pourra pas rester planqué longtemps. Tu es un pompier dans l’âme et tu le seras toute ta vie. Tu as des valeurs, des merveilleuses valeurs. Tu as besoin de te sentir utile. Non pas parce que ça fait du bien à ton égo, mais parce que tu es quelqu’un de bien, un gars comme il n’en existe pas des légions. Tu es un gars rare, Thibault. Et je suis heureux, à un point que tu n’imagines même pas, de te connaître et d’avoir ton amitié ».
« Ça me touche ce que tu viens de dire ».
« Je le pense vraiment, vraiment. Ne change jamais Thibault, jamais, ne laisse pas la vie t’atteindre au point d’oublier qui tu es. Tu es quelqu’un de trop précieux ».
« Nico » il soupire, en me serrant très fort contre lui et en posant des bisous dans mon cou. Mais un instant plus tard, comme s’il regrettait son geste, il se laisse glisser de côté, la nuque sur mon ventre. Je caresse ses cheveux et son visage meurtri et le jeune pompier semble s’apaiser peu à peu.
Nous restons ainsi, en silence, pendant un bon moment. Des longues minutes pendant lesquelles mon regard est aimanté par ses traits doux et virils à la fois, par son cou puissant, ses épaules charpentées, ses biceps musclés, ses pecs ondulant au rythme de sa respiration.
Ma tête se met à tourner, mon cœur s’emballe. Mon corps est sans cesse parcouru par d’intenses frissons, j’ai du mal à respirer calmement. Sa peau douce, comme un aimant à câlins, est à portée de mes mains, à quelques centimètres de ma bouche.
Je crève d’envie de poser un chapelet de bisous sur son cou, à la base de sa nuque, sur les quelques petits poils sur ses avant-bras, sur cette petite légère tache de naissance sombre derrière le biceps que je n'avais jamais encore remarquée.
Ses bisous m’ont touché. Car il a tant de détresse dans ces baisers. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir dans ces baisers comme une note de sensualité. Je ressens un doux frisson d’excitation parcourir mon corps. Je bande. J’ai envie de lui.
Je sais que je ne devrais pas ressentir ça pour un autre gars que Jérém. Et pourtant, je ne peux pas m’en empêcher. La beauté et la sensualité masculines me font tellement d’effet. Un effet qui est totalement hors de mon contrôle. Et en matière de beauté et de sensualité, Thibault est un sacré morceau.
Le désir est un réflexe, un instinct primaire qui me tombe dessus comme l’appétit, la soif, le sommeil. Et là-dedans, ma volonté n’a aucune voix au chapitre. Je peux maîtriser mes actes, mais en aucun cas mon désir.
Comme je comprends désormais la tentation qui a été celle de Thibault, sur ce même clic clac, en cherchant le contact physique avec son Jé, pour le réconforter, lorsqu’il était en détresse comme lui l’est maintenant.
La tendresse qu’on offre pour réconforter à un gars qui nous attire est comme posée sur un plan incliné sur lequel elle risque à tout moment de glisser vers la sensualité.
L’excitation de mes sens ne trouve de répit que lorsque j’entends la respiration du bomécano s’apaiser et glisser vers un tout petit ronflement, si mignon, qui m’annonce son assoupissement.
Repose-toi, bonhomme, reprends tes forces, tu l’as bien mérité.
Je sens mes muscles se relâcher peu à peu, je sens la fatigue me gagner. Et je finis par m’assoupir à mon tour.
C’est la sonnerie de mon portable qui me fait émerger brusquement. Je le cherche dans ma poche, j’ai du mal à le sortir. Lorsque j’y arrive enfin, j’ai tout juste le temps de voir « MonJérém » s’afficher sur l’écran, que la sonnerie cesse d’un coup.
J’ai le cœur qui bat à mille. Entre autres, parce que la situation me paraît soudainement gênante. Parler avec Jérém alors que je suis dans le clic clac de Thibault, alors qu’il dort la tête posée sur mon torse, même s’il ne s’est rien passé entre nous à part des câlins, me met mal à l’aise. Je me dis que je le rappellerai une fois sur le chemin vers chez moi.
Je regarde Thibault bouger sa tête, émerger à son tour, l’air complètement assommé.
« Il est quelle heure ? » il me questionne, la voix pâteuse.
« Dix heures quarante. Je devrais y aller… ».
J’ai tout juste le temps de terminer ma phrase alors que mon portable sonne à nouveau.
« Excuse-moi, je dois répondre » je lui glisse, en soulevant doucement sa tête pour me lever du clic clac. Je me dirige vers la fenêtre donnant sur le paysage urbain illuminé. Je me fais la réflexion que ma ville est à l’image de Thibault. Qu’est-ce qu’elle belle, même lorsqu’elle est meurtrie !
« Allo ? » je décroche enfin.
« Ourson… ».
« Ça va toi ? ».
« Bien, bien ».
« Et ton frangin ? ».
« Bien aussi, son trauma crânien est toujours en observation. Les médecins ne veulent pas se prononcer pour l’instant. Ecoute, Nico, je n’ai pas beaucoup de batterie, ça risque de couper. Je suis toujours dans le Gers, j’ai dîné chez des voisins. Je vais rester dormir chez mon père cette nuit. Je reviens sur Toulouse demain, je passerai te voir dans la matinée. Bonne nu… ».
Je n’ai pas le temps de lui souhaiter une bonne nuit à mon tour que la communication est coupée.
« C’était Jé, hein ? » me lance Thibault, alors que je range mon téléphone dans ma poche.
« Oui ».
« Il va bien ? ».
« Oui, il va bien, mais il s’inquiète pour son frère ».
« Il va bien Maxime ? ».
« Il a été blessé dans son lycée. Il a un trauma crânien, et les médecins ne savent pas trop comment ça va évoluer ».
« Du coup, Jé est sur Toulouse ».
« Oui, depuis hier. Là il est chez son père ».
« Tu lui passera le bonjour de ma part » fait le beau pompier, l’air ailleurs.
« Je n’y manquerai pas. Thibault, il se fait tard, je crois que je vais y aller ».
« D’accord, Nico. En tout cas, merci encore d’être venu ».
« T’as besoin de quelque chose ? ».
« Aide moi à me lever, s’il te plaît pour aller à la salle de bain ».
J’attrape la bonne paluche que le beau pompier me tend. Je l’aide dans ses mouvements pour se mettre debout. Je lui passe ses béquilles et je le regarde avancer lentement vers la salle de bain. Ça me rend terriblement triste de le voir si mal en point. Et ce ne sont pas ses blessures visibles qui m’inquiètent le plus.
« Merci Nico ».
« Ça va aller ? » je le questionne, alors qu’il trébuche et se rattrape de justesse à la cloison du couloir pour ne pas tomber.
« Oui, ça va aller. J’ai envie d’un café, tu en voudrais un aussi ? ».
« Pourquoi pas ».
« Tu veux nous en faire chauffer, s’il te plaît ? ».
« Avec plaisir ».
Ainsi, pendant que le beau pompier se soulage, je fais chauffer deux tasses de café.
Thibault revient une minute plus tard et nous buvons nos boissons en silence. Je cherche son regard, en vain. Car son regard semble perdu dans le vide, comme quelqu’un qui est à moitié endormi. Ou très soucieux.
« Tu veux m’accompagner dans la chambre avant de partir ? ».
« Avec plaisir ».
Thibault a bien de mal à se remettre debout. Ses pas sont mal assurés Je l’accompagne en tenant ses épaules massives, je surveille à chaque pas qu’il ne tombe pas. Je l’accompagne ainsi jusqu’à sa chambre.
C’est la première fois que je rentre dans cette pièce qui, d’une certaine façon, représente à mes yeux l’intimité ultime d’un garçon. C’est ici que le beau pompier dort, rêve, fait l’amour. Découvrir cette chambre n’est pas sans me faire un certain effet.
Je l’aide également à s’installer au lit. Je l’aide à enlever son short et son t-shirt. La vision de ses cuisses musclées et de son torse massif, taillé en V, sculpté, de ses pecs légèrement poilus, de ses grands tétons saillants, de la belle bosse que fait son boxer bleu me donne des frissons intenses. Mon Dieu qu’est-ce qu’il est bien foutu ce petit Dieu !
Soudain, le souvenir du plaisir de la nuit chez Jérém remonte violemment à mon esprit. Je revois le beau pompier en train de me faire l’amour, de me donner du plaisir, de prendre du plaisir. Je sens mon esprit vaciller sous l’effet d’un désir dévorant. Une fois de plus, je culpabilise de ressentir autant d’attirance pour Thibault, alors que je suis si bien avec Jérém, alors que la nuit d’avant j’ai fait l’amour avec lui dans ma chambre, chez mes parents. Mon cœur tape très fort dans ma poitrine, ma respiration est tremblante. J’ai besoin de prendre l’air. Il faut que je parte, il faut que j’arrête de penser à ça.
Le beau pompier se glisse sous les draps, son corps de malade disparaît de ma vue. Je profite de ce répit pour prendre congé.
« Ça va aller, Thibault ? ».
« Ça va aller ».
« Je file alors » je fais, en me penchant sur lui pour lui faire la bise.
« Merci encore d’être venu, ça m’a fait du bien ».
« De rien, ça m’a fait plaisir, même si j’aurais préféré te voir plus en forme ».
« Il ne faut pas te faire du souci pour moi. J’ai juste un coup de blues, mais ça va passer ».
Pourtant, malgré ses mots qui se veulent rassurants, j’ai mal au cœur de le laisser. Il a l’air si mal, si angoissé.
« Prends soin de toi, Thibault. Passe une bonne nuit ».
« Bonne nuit, Nico ».
J’ai tout juste le temps d’approcher le battant de la porte de la chambre lorsque j’entends Thibault m’appeler.
« Nico… ».
Je reviens illico dans la chambre.
« Qu’est-ce qui se passe ? ».
« Je ne veux pas rester seul cette nuit. Tu peux rester dormir ? ».
J’ai un peu hésité. Je me suis demandé si c’était bien. Je me suis demandé ce qu’en penserait Jérém. Je me suis demandé à quel point ce serait dur pour moi de passer la nuit à côté d’un si beau garçon, avec qui j’ai déjà couché, et de devoir faire face à un désir violent, à une tentation impitoyable.
Mais devant la détresse de mon ami Thibault, je n’ai pas pu dire non. J’ai envoyé un sms à maman et je me suis glissé sous ses draps. Il est venu se blottir contre moi. Peu à peu, j’ai senti sa respiration s’apaiser. Le beau mécano a fini par s’endormir.
Thibault a besoin de repos. Je l’ai trouvé très fatigué, physiquement et moralement. Il a besoin de dormir longuement.
Pour ma part, j’ai plus de mal à m’endormir. C’est dur de dormir à côté d’un mec aussi sensuel, de le sentir blotti contre moi, sans avoir envie que ça aille plus loin qu’un simple câlin. Le contact avec son corps, de son torse nu, de sa peau chaude (même si j’ai heureusement gardé mon t-shirt), la proximité de son sexe caché par une fine couche de coton, le parfum de sa peau, sa présence virile me donnent des frissons.
Bien sûr, je sais que la demande de Thibault n’a pas d’arrière-pensée. Mon pote ne veut rien tenter de sensuel. De toute façon, il n’est pas vraiment en état pour ça. Ce dont il a besoin cette nuit, pour trouver le sommeil, est d’une présence rassurante à ses côtés. Celle d’un pote avec qui il est à l’aise pour partager ce qu’il cache certainement à son entourage. Son mal être.
Quant à moi, j’essaie de me maîtriser mais je suis excité, je bande à nouveau. La proximité est le terreau de la tentation.
Mais ça me fait plaisir d’être là pour lui, vraiment plaisir.
A un moment, Thibault réémerge et me lance :
« Tu es un bon gars, Nico ».
« Toi aussi, toi aussi ».
Et là, après un petit silence, il me lance une phrase qui va me bouleverser :
« Tu sais, si on s’était rencontrés dans une autre vie, dans un autre monde, dans d’autres circonstances, je pense qu’on pourrait être plus que des potes ».
Depuis notre précédente rencontre, depuis que Thibault m’avait parlé de ce gars qui lui faisait de l’effet mais qui lui était tout aussi inaccessible que Jérém, je me doutais bien que ça pouvait bien s’agir de moi. Mais je n’avais pas osé, je n’avais pas voulu le croire. Car cette idée me flattait et me faisait peur à la fois.
Lorsque je me réveille, il est près de 9h00. Thibault dort sur le dos, le drap en travers de son torse, dévoilant un téton et cachant l’autre. Son visage est serein, apaisé. Il est terriblement beau. Ma trique matinale rend ma frustration insupportable. J’ai envie de me branler. Je suis sur le point de me lever pour aller me soulager dans la salle de bain.
Soudain, je suis surpris par un bruit venant du séjour. Suivi d’un claquement de porte. Et des bruits de pas sur le carrelage.
Zut alors, Nathalie est rentrée. Soudain, je ressens un immense malaise me submerger. Je suis dans le lit avec Thibault, son mec, le futur père de son enfant. Bien sûr, il ne s’est rien passé entre nous, à part de la tendresse, beaucoup de tendresse. Mais j’ai l’impression d’être pris avec la main dans le pot de Nutella. En plus, je bande comme un fou.
Je bondis hors des draps de mon pote, je ramasse mes fringues, je me glisse dans la salle de bain en vitesse, tout en faisant moins de bruit qu’un félin ayant retracté ses griffes et ne marchant que sur ses coussinets. Je me rhabille en vitesse, j’arrange un brin ma tignasse. Et je ressors dans le couloir, je vais à l’encontre de Nathalie, tout en en l’appelant par son prénom, afin de pas la surprendre et de ne pas lui faire peur.
« Oh, Nico, tu as dormi là ? ».
« Oui, on a discuté jusqu’à tard avec Thibault. J’ai dormi sur le clic clac… je viens de me lever ».
« Tu l’as trouvé comment ? » elle me questionne en me faisant la bise.
« Pas bien. Mais il va aller mieux je pense ».
« Je l’espère. Il dort toujours ? ».
« Je crois ».
« Je vais aller le voir ».
« Je vais y aller, moi ».
« Reste pour le petit déj. J’ai rapporté des croissants ».
Nathalie revient quelques secondes plus tard.
« Il dort comme un ange. Tu veux un café, Nico ? ».
« Avec plaisir ».
« J’ai eu très peur pour lui » me lance Nathalie.
« Je comprends ».
« Thibault est un gars unique ».
« Je le sais, c’est mon meilleur pote ».
« Alors tu dois savoir que je suis enceinte et qu’il va être papa ».
« Il me l’a dit, oui ».
« Je suis heureuse que ce soit lui. Il fera un papa extra ».
« Je le crois aussi ».
« Mais il faut le laisser tranquille, Nico » elle me lance, en baissant soudainement le ton de la voix et en me regardant droit dans les yeux.
« Je sais qu’il a besoin de repos » j’imagine aller dans son sens, naïvement.
« Je ne te parle pas de repos. Je vais être claire, Nico. Je pense que Thibault est attiré par toi ».
« Pardon ? ».
« Ça fait un moment que je me demande si Thibault est bi » elle me lance direct sans prêter attention à mon interrogation.
« Et je suis certaine que tu es attiré par lui » elle enchaîne « je me demande même s’il ne s’est pas déjà passé quelque chose entre vous ».
« Mais qu’est ce qui te fait penser ça ? ».
« Une intuition. Certains de vos regards et de vos attitudes l’un envers l’autre. Je me trompe ? ».
Je ne sais plus quoi lui répondre. Sa perspicacité me prend de court.
« Regarde-moi dans les yeux et dis-moi qu’il ne s’est jamais rien passé entre vous… si c’est le cas ».
« Nathalie… »
« Allez, je ne vais pas me fâcher. Je veux juste savoir ».
« Ça ne te regarde pas ».
« C’est vrai, ce qui s’est passé ou pas dans sa vie d’avant ne me regarde pas. En revanche, ce qui va se passer à partir de maintenant, ça me regarde ».
« Mais moi j’ai un mec, et je n’ai aucune intention de le tromper » je tente de la rassurer.
« Tant mieux, je suis heureuse pour toi et je vous souhaite tout le bonheur possible. Mais Thibault, il faut le laisser en dehors de tout ça, d’accord ? Je vais fonder une famille avec lui, tu comprends ça, n’est-ce pas ? Je pense que tu peux comprendre ce que je ressens ».
« Oui, je peux comprendre… » je suis obligé d’admettre.
« je ne vais pas te demander de ne pas le voir, car il a besoin de ses potes pour remonter la pente. Mais il ne faut pas que ça dérape, ok ? ».
« Ça n’arrivera pas, je ne veux pas tromper le gars que j’aime ».
« Merci, Nico. Inutile de parler à Thibault de cette conversation, ça va sans dire ».
« Ça va sans dire » je répète machinalement.
Je quitte l’appart des Minimes sans avoir dit au revoir à mon pote blessé. Je quitte l’appart avec un étrange sentiment, avec un goût amer dans la bouche. Les mots de Nathalie sont justes, mais dures à entendre. Je pense que sa réaction est compréhensible. Mais en aucun cas je renoncerai à garder contact avec Thibault. Son amitié est trop précieuse pour moi. En ce moment, il ne va pas bien. Et on se doit de répondre présent lorsqu’un ami a besoin de nous.
Il est environ 10 heures lorsque je rentre à la maison.
« J’ai dormi chez un copain qui est pompier et qui a été touché pendant l'intervention à AZF » je réponds aux questionnements de mon père.
Je suis toujours secoué par la conversation avec Nathalie.
Il est presque midi lorsque je reçois un coup de fil de Thibault.
« Désolé d’avoir dormi si tard. Je ne t’ai pas entendu partir ».
« Ça t’a fait du bien ? ».
« J’en avais besoin. C’est la première nuit où je dors bien depuis trois jours ».
« Je suis content pour toi ».
« Merci encore d’être resté, Nico ».
« C’était un plaisir ».
« Tu rentres bientôt à Bordeaux ? ».
« Demain, je pense ».
« Fais moi signe quand tu reviens sur Toulouse ».
« Promis, mais ça risque de ne pas être avant quelques temps ».
« N’oublie pas de passer le bonjour à Jé ».
« C’est comme si c’était fait ».
Pendant le coup de fil, j’ai l’impression de ressentir dans le ton de sa voix la présence persistante de cette détresse qui m’inquiète. Je sens qu’il ne va toujours pas bien et je ne suis pas tranquille. Je passe la matinée à penser à tout ça. Mais aussi à attendre un coup de fil de Jérém. J’essaie de l’appeler plusieurs fois, je tombe toujours sur le répondeur.
Il est 13 heures lorsque mon portable sonne enfin. L’écran affiche un numéro en 05, mais dont les chiffres suivants n’ont rien de toulousain.
« Allo ? ».
« Ourson ».
« Tu es où p’tit loup ? ».
« Chez mon père, à la ferme ».
« C’est son téléphone fixe qui s’affiche ? ».
« Oui, j’ai oublié mon chargeur à Paris et je n’ai plus de batterie ».
« Tu fais quoi ? ».
« On va manger, là ».
« Ça s’est arrangé entre vous ? ».
« Sa pétasse est partie dans sa famille, alors on se supporte mieux ».
« Tu as des nouvelles de Maxime ? ».
« Ça va mieux, apparemment les médecins sont plus optimistes aujourd’hui. Il a surtout besoin de repos ».
« Tu rentres sur Toulouse ce soir ? ».
« Oui, car j’ai un train très tôt demain matin pour Paris ».
« Viens dîner et dormir à la maison ».
« Non, Nico, ce serait abuser ».
« J’insiste. Ma mère sera contente. Et mon père aussi. Je crois qu’il t’apprécie bien ».
« C’est ça » il se marre.
« Allez, viens. J’ai envie de te voir avant que tu repartes à Paris… ».
« On se verra plus tard ».
« Mais j’ai grave envie de toi… ».
« Coquin, va ».
« Toi non… ».
« Tu as des nouvelles de Thib ? ».
« Je l’ai vu hier soir ».
« Il va bien ? ».
« Il a été blessé en intervention, il a un genou en vrac ».
« Merde ! ».
« Mais c’est surtout le moral qu’il a en vrac. Ce qu’il a vécu l’a vraiment secoué. Il a le moral dans les chaussettes. Mais il te passe le bonjour ».
« Tu sais quoi, Nico ? ».
« Quoi ? ».
« Je vais passer quelques coups de fil et je vais organiser une petite soirée ».
« A quoi tu penses ? ».
« Je vais voir. Je te tiens au courant ».
Jérém me rappelle en milieu d’après-midi.
« On se retrouve à 18h30 en bas de chez Thib ».
« D’accord, j’y serai ».
« Tu savais qu’il avait une copine, et qu’elle vit chez lui ? » il me questionne.
« Je l’ai rencontrée hier soir ».
Jérém m’explique que Nathalie a été contactée pour savoir si Thibault était assez en forme pour apprécier une petite soirée entre mecs. Elle a répondu que oui, mais qu’elle ne serait pas de la partie puisqu’elle part travailler à l’hôpital à 18 heures pour la garde de nuit. Ce qui tombe plutôt bien, car une soirée entre mecs, c’est une soirée entre mecs ! Je me dis qu’elle doit ignorer que je fais partie de l’expédition. Et puis, de toute façon, je l’emmerde.
A 18h30, en bas de chez Thib, nous sommes quatre. Je me retrouve en compagnie de trois rugbymen, mon Jérém, ainsi que Thierry et Julien, les bras chargés de pizzas et de bières. Ce soir, les « quatre fantastiques », les « quatre inséparables » de l’ancienne équipe de rugby vont à nouveau être réunis. La soirée s’annonce belle et émouvante.
Je regarde les trois potes discuter et déconner entre eux. Julien et Thierry questionnent Jérém sur ses entraînements parisiens, ils le charrient. Leur complicité me fascine toujours autant.
Je suis très fier de l’initiative de Jérém. Y aller tout seul, ça aurait été compliqué. Mais réunir les « quatre fantastiques », je trouve ça une idée de génie. Je suis certain que revoir ses potes va faire du bien au jeune pompier blessé. Je suis tout excité à l’idée de voir sa réaction.
Nous prenons l’ascenseur et dans le petit espace je suis happé par le mélange de parfums de jeunes mecs, par leurs rires, leur bonne humeur, leur joie de vivre. Je me dis que c’est exactement ça dont Thibault a besoin.
C’est Thierry qui se charge de taper à la porte du jeune pompier.
« Qui c’est ? » j’entends Thibault demander depuis le salon.
« Le livreur de pizzas ».
« C’est pas ici, je n’ai rien commandé. Vous faites erreur ».
« Non, il n’y a pas d’erreur. Sur l’adresse il y a marqué « Sacré Thib, pompier valeureux, futur gagnant du Brennus, un pote en or massif ».
« Thierry, c’est toi ? ».
« Tu le sauras quand tu auras ouvert la porte ».
« Il va me falloir un peu de temps, andouille ».
« Je ne suis pas pressé. Ne te casse pas la gueule, papi ».
« Qu’est-ce que tu… » fait Thibault en ouvrant la porte.
« Salut !!! » lancent les gars, en une seule voix, un cœur viril.
« Qu’est-ce que vous… » il tente de se reprendre.
« On s’invite pour une petite soirée. On a tout prévu, la bouffe et surtout la boisson » lâche Thierry, face à un Thibault bouche bée, l’air surpris et touché.
Les retrouvailles démarrent à grands coups de bises viriles.
Nous nous retrouvons ainsi chez le beau pompier à partager des pizzas, des bières (juste une pour moi), des pétards (à peine quelques taffes pour moi) et de la bonne humeur. Beaucoup de bonne humeur. Thierry est vraiment un joyeux luron, je pense qu’il serait capable de faire rire une statue de cire.
Très vite, la complicité des quatre fantastiques renaît de l’évocation des souvenirs des expériences marquantes qu’ils ont partagées. Pendant de longs moments, la conversation porte sur le rugby, sur les matchs, sur les actions de la dernière saison qui ont mené leur équipe à gagner le tournoi.
Très vite, comme la veille pendant la conversation entre Jérém et mon père, je me sens un brin exclus de cette conversation, mais je m’en fiche. C’est une soirée pour Thibault et l’important c’est qu’il se sente bien. Et le beau pompier a l’air heureux et ça fait plaisir à voir. Et ce qui me fait plaisir par-dessus tout, c’est de le voir discuter avec Jérém, rigoler avec, dans une complicité qui ressemble à celle du bon vieux temps. Je serais tellement heureux s’ils pouvaient enfin retrouver leur amitié d’antan !
La soirée avance dans la bonne humeur et la détresse semble peu à peu disparaître du regard du jeune pompier. Je le regarde prendre vigoureusement part à la conversation, rigoler jusqu’à ce que ses blessures ne le rappellent à l’ordre.
« Putain, ça fait mal » fait-il à un moment, en se tenant le cœur.
« T’es bon pour la casse » fait Thierry en passant un bras autour du cou de son pote blessé.
« Je crois, oui… ».
« Allez, à partir de maintenant, on va se raconter des trucs qui ne font pas rire. On va parler de taf et de filles moches. Il faut économiser papi ».
« Mais ta gueule ! ».
Et la conversation repart de plus belle, les rires fusent, alors que Thibault apprend à maîtriser les siens pour ne pas avoir mal.
A aucun moment, il est question de parler de ce que Toulouse a vécu deux jours plus tôt. A aucun moment, il est question de parler de ce que Thibault a vécu deux jours plus tôt.
On le questionne sur ses débuts au Stade Toulousain, on le félicite pour sa chance. Son discours, son attitude me semblent plus optimistes que ceux de la veille. Cette soirée a vraiment l’air de faire du bien à mon pote Thibault.
« Eh les gars, vous savez qui j’ai vu il y a quelques jours ? » fait Julien, le petit blond gaulé comme un Dieu, au cours d’un joint partagé à quatre, alors que minuit a sonné depuis quelques minutes.
« Qui donc, le Pape en culotte ? » déconne Thierry, dont l’humour est en train de virer au stone.
« T’es con… j’ai vu Akim ! ».
« Ah, il est toujours vivant celui-là ? » fait Jérém.
« Oui, il m’a appelé un week-end et j’ai été le voir à Albi ».
« J’ai toujours trouvé dommage qu’il parte en milieu de saison » fait Thierry « c’était un bon joueur ».
« Il a trouvé du taf là-bas » explique Julien.
« Mais il n’a pas vécu la finale. Il n’a pas été champion. Alors qu’il le méritait » considère Thibault.
« Et si on allait lui faire un petit coucou ? » lance Thierry, telle une folle idée.
« N’importe quoi » fait Julien.
« Pourquoi pas, les gars ? » insiste le joyeux luron.
« Là, maintenant ? » fait Jérém, étonné.
« Oui, maintenant, patate ! Je pense que tout le monde a envie de lui faire un petit coucou. C’est l’occasion ou jamais. Depuis quelques temps, on ne se voit plus tous les jours, si tu as remarqué ».
« C’est pas faux ».
« Mais c’est tard » fait Julien.
« Akim a toujours été un couche-tard ».
« Mais on a tous bu et fumé » insiste Julien.
« Pas Nico » fait Thierry « Qui est partant ? ».
L’immeuble des Minimes possède un ascenseur mais Thibault est évacué par les escaliers à bout de bras par ses anciens co-équipiers, ce qui a l’air de bien l’amuser.
Nous voilà à cinq dans la voiture de Thierry, sur la route vers Albi. Je suis au volant, je promène cette joyeuse bande de bogoss déconneurs. Il n’y a presque pas de circulation à cette heure, nous avons la route que pour nous. La nuit étoilée est à nous aussi, cette escapade, tout comme cet instant de folie et de liberté. Enveloppé par la musique à fond a caisse, par une ambiance de camaraderie qui me touche profondément, je suis heureux. J’adore cette drôle de soirée.
« Appuie sur le champignon, papi ! » me charrie Thierry.
« Fiche lui la paix » fait Thibault.
« Si on continue comme ça, il va être reparti au taf quand nous allons arriver ! » persiste le clown de la bande.
Thierry se moque de ma conduite qu’il trouve excessivement prudente. Mais je m’en fous. Car, je le sens, c’est sa façon de m’intégrer à ce petit groupe.
Encore que, sur le fond, il n’a pas tort. Il me faut plus d’une heure pour arriver à Albi. Il est 1h30 quand Thierry sonne (longuement) à l’interphone d’Akim.
Akim, le genre de prénom qui sonne à mon oreille comme une promesse de sexytude masculine d’ailleurs.
« C’est qui ? » fait une voix enrouée.
« Police Nationale » fait Thierry « nous savons que vous détenez des substances illicites chez vous ».
« Quoi, c’est quoi ces conneries ? Vous avez vu l’heure ? » fait la voix masculine dans l’interphone.
« Ouvrez monsieur Akim, magicien de mêlée, ou nous allons envoyer les équipes d’assaut ».
« Thierry, c’est toi ? ».
« Comment tu m’as reconnu ? ».
« Magicien de mêlée ».
« Ah, je me suis trahi… ».
« Tu fais quoi là ? ».
« Je ne suis pas seul ».
« Y a qui avec toi ».
« Ouvre et tu verras ».
« Putain, tu fais chier, je dormais, je travaille demain… ».
« OUVRE !!! ».
Nous retrouvons ledit Akim dans un petit appart. Mon intuition ne m’a pas trompé. Comme prévu, le prénom Akim s’applique à un gars bien sexy. L’ancien co-équipier de Jérém est un charmant reubeu au physique élancé, très brun et au regard de braise. Il nous accueille habillé d’un débardeur blanc qui met bien en valeur la couleur mate de sa peau et d’un survet en tissu molletonné.
Là encore, les retrouvailles sont touchantes. Thibault est ému. Je crois comprendre que lui et Akim étaient très proches lorsqu’ils jouaient ensemble.
« Je trinque à Thibault » fait le beau reubeu après avoir appris la mésaventure du jeune pompier, en entrechoquant sa bière avec celles de ses anciens co-équipiers « un gars comme ça » il continue, tout en levant fièrement le pouce « le gars qui m’a tout appris au rugby ».
« Tu savais déjà jouer » tente de se « dédouaner » Thibault.
« Je savais jouer mais je n’étais pas un joueur. Tu m’as appris l’esprit d’équipe. Tu m’as intégré à l’équipe. Si tu n’avais pas fait des pieds et des mains pour que je joue avec vous, j’aurais recommencé mes conneries de petit dealeur minable. Et les keufs m’auraient embarqué pour de bon. J’étais dans la cité, au chômage et le rugby était tout ce que j’avais. Tu m’as donné la chance de m’en sortir. Alors, oui, tu m’as tout appris au rugby. Et à la vie aussi. Parce que tu m’as appris avant tout comment être un mec bien. Tu m’as obligé à être un mec bien. Je voulais que tu sois mon pote et j’ai vite compris que pour que cela arrive, il fallait que je sois un mec bien, comme toi. Tu es un modèle pour moi et tu le resteras toujours. Ça me fait de la peine de te voir blessé. J’imagine que tu as vu des choses qui t’ont secoué. Mais ne baisse pas les bras, jamais, jamais… ».
Thibault est très ému. Les deux anciens co-équipiers se serrent longuement dans les bras l’un de l’autre. C’est beau et terriblement émouvant.
Soudain, je repense aux mots du beau pompier de la veille. Et je me dis que moi aussi, dans une autre vie, dans un autre monde, dans d’autres circonstances, j’aurais tellement aimé être plus que pote avec cet adorable garçon !
« Arrêtez un peu, les gars, avant de changer de bord » fait Thierry.
C’est lorsque leur accolade virile prend fin que Thibault fait l’annonce que j’ai d’une certaine façon attendue pendant toute la soirée.
« J’ai un truc à vous dire les gars… ».
« De quoi ? Tu vas te faire curé ? » plaisante Thierry.
« Je vais être papa… ».
« Sacré Thibault ! » fait le même Thierry en brisant le petit blanc amené par l’annonce du jeune pompier « félicitations mon grand ! ».
Tout le monde congratule le beau pompier, avec des bises, des accolades. Sur le coup, Jérém a l’air désarçonné par la nouvelle. Comme les autres, mais peut-être davantage encore que les autres. Mais il finit par féliciter Thibault à son tour.
Lorsque nous arrivons à Toulouse, il est près de 4 heures du mat. J’arrête la voiture en bas de chez Thibault et je laisse le volant à Thierry. Jérém, Thibault et moi descendons de la voiture. Thierry repart aussitôt, tout en nous lançant un adorable : « Je vous adore les gars ! Jamais on ne se perd de vue, ok ? ».
« Ok !!! »
Jérém et moi aidons Thibault à regagner son appart.
Plusieurs mois après notre nuit ensemble, nous nous retrouvons enfin tous les trois réunis. J’ai peur que maintenant que nous ne sommes plus que tous les trois il y ait comme une distance entre nous. Alors, je suis heureux d’entendre Thibault nous lancer :
« J’ai envie d’un café. Vous voulez un café les gars ? ».
« Je veux bien » fait Jérém.
« Moi aussi » je suis le mouvement.
Thibault entreprend de préparer la cafetière, mais il galère. Jérém le rejoins aussitôt pour l’aider. Thibault le regarde faire sans le quitter des yeux et finit par lui lancer, l’air ému :
« Merci, Jé, merci, merci, infiniment merci »
« T’emballe pas, c’est juste une cafetière » plaisante mon Jérém.
« Je ne parle pas de ça. Thierry m’a dit que c’était toi qui avais eu l’idée de cette soirée et qui avait tout organisé ».
« Ah, ça… c’est rien ».
« Au contraire, c’est tout. Tu ne peux pas savoir comment ça m’a fait plaisir de vous revoir. Et de te revoir. Tu m’as beaucoup manqué ».
« Je suis désolé de comment les choses se sont passées » lance alors Jérém « je n’ai jamais voulu te faire du mal »
« Je sais, je sais » admet Thibault, faisant face à son meilleur pote.
« Si tu savais comment tu m’as manqué aussi, frérot » fait mon bobrun, en prenant son pote dans ses bras et en le serrant très fort contre lui.
« Et merde, tu vas encore me faire chialer » fait Thibault.
A ce moment précis, je suis tellement fier de mon Jérém. Ces retrouvailles entre meilleurs potes c’est tellement beau à voir !
« Akim a raison » fait Jérém « tu es un gars génial. A moi aussi tu m’as appris un tas de choses, mais avant tout tu m’as appris comment être un mec bien. Ton amitié compte énormément pour moi. C’est l’une des choses les plus précieuses que je possède. Tu as vécu des choses difficiles, mais tu vas t’en sortir. Je suis à Paris, mais tu pourras toujours compter sur moi. Ne baisse jamais les bras, jamais ».
« Toi aussi tu pourras toujours compter sur moi, mon pote ».
« Je le sais, je le sais ».
« Je suis content pour ce qui t’arrive. Avoir un enfant est une grande responsabilité et tu vas gérer ça comme un chef ».
« Je l’espère ».
« J’en suis convaincu ».
« Et merci à toi aussi, Nico » fait alors Thibault « parce que je suis certain que c’est toi qui as dit à Jé que j’étais pas bien ».
Je me contente de lui sourire, en essayant de retenir mes larmes.
« Toi aussi tu es un bon gars » il continue « et je suis content de vous voir heureux ensemble ».
Avant de quitter Thibault nous nous serrons tous les trois dans une étreinte virile qui fait battre fort mon cœur, de joie et de bonheur.
Il est cinq heures lorsque nous arrivons chez mes parents.
Je tombe de fatigue, Jérém aussi. Son train est à 7h45, il lui reste à peine deux heures de sommeil avant le réveil.
Alors, nous nous couchons illico. Pas de sexe cette nuit, juste quelques bisous, quelques caresses, et ses bras qui enlacent mon corps.
Cette nuit, je suis heureux. Je le suis, même si je n’ai pas fait l’amour avec Jérém. Je suis heureux parce qu’un petit miracle s’est produit. Plusieurs miracles même. Le moral retrouvé de Thibault. Ses retrouvailles avec son Jé. Cette nuit je suis heureux parce que je sais que Thibault est heureux et que Jérém l’est aussi.
Oui, je viens de vivre un dimanche que je n’oublierai pas.