24 Octobre 2020
JN0240 Symphonie Toulousaine
(En plusieurs mouvements et quelques dissonances).
Lundi 17 décembre 2001.
Dans la foulée du coup de fil à Benjamin et de son refus de se faire dépister, j’appelle les urgences pour connaître les plages de garde du médecin qui s’est occupé de moi la veille. On me dit de passer le soir même après 19 heures.
Le médecin a l’air déçu que mon « partenaire » n’ait pas été plus coopératif. Elle me fait une ordonnance pour passer chercher le traitement pour le reste du mois à la pharmacie de l’hôpital.
« Bon courage à vous » elle me lance à la fin de la consultation « Revenez à la fin du traitement pour un premier dépistage. Et surtout, si vous avez des rapports d’ici là, n’oubliez pas de vous protéger et de protéger votre partenaire, y compris en cas de rapport buccal. Le risque est moindre, certes, mais pas inexistant ».
Mardi 18 décembre 2001.
Depuis quelques heures, ma vie a changé. Elle est désormais marquée par l’« accident », une pensée qui ne cesse de me hanter, ainsi que par le « traitement », une cadence quotidienne qui contribue à ne pas me faire oublier l’« accident » lui-même.
Comme prévu, ce traitement est assez dur à supporter.
Mais le plus difficile à supporter est ailleurs. Le plus dur à gérer est cette peur, cette angoisse, l’attente du test trois mois après l’« accident ».
Cette attente est un lourd fardeau à porter. Un fardeau que je ne veux partager avec personne. Je ne veux pas inquiéter les gens qui m’aiment. Je ne peux pas livrer ce doute, cette peur qui va durer trois mois. Je dois savoir avant. Si je suis négatif, tout cela n’aura été qu’un cauchemar. Et si le destin en aura décidé autrement, j’aurai le temps d’en parler plus tard.
Si je n’ai pas du tout envie d’en parler, c’est aussi à cause d’une sorte de « superstition ». En parler, c’est rendre tout ça plus réel. C’est con, mais dans ma tête, en parler c’est aussi augmenter la chance que ça se termine mal.
En attendant, je ne dors plus. Alors, entre la fatigue et les effets secondaires du traitement, je me dis que ce n’est pas la peine d’aller en cours. Je n’irai pas non plus demain, mercredi, ni jeudi.
J’envoie un sms à Monica pour lui dire que je ne retournerai pas en cours avant la rentrée. Je prétexte la grippe. Elle me rappelle entre midi et deux. Elle me promet de me passer les cours à la rentrée. Cette nana est vraiment adorable.
En raccrochant, je ressens au fond de moi la désagréable certitude que je vais foirer mes partiels de la mi-janvier.
Je passe la journée de mardi à penser aux vacances imminentes. Je ne vais pas pouvoir échapper à un séjour et à au moins un réveillon chez mes parents. L’idée de me pointer à Toulouse dans cet état, de faire face à maman, à son regard qui captera immédiatement mon mal-être, ce qui ne manquera pas de l’inquiéter, me fait mal au cœur. Quant à la perspective de faire face à papa, de retrouver son regard dégoûté, hostile, ça me donne envie de partir très loin de tout ça.
Et pourtant, je vais devoir y faire face. Et dans pas longtemps. Je m’en passerais bien, mais maman ne comprendrait pas que je ne revienne pas à la maison pour Noël.
Pour l’instant, j’essaie d’apprendre à vivre avec la peur et l’incertitude quant à l’avenir. J’essaie de ne pas oublier de prendre les médocs. Et je m’emploie à éviter mes voisins. J’ai trop peur de ne pas pouvoir leur cacher ma détresse.
Mais le mercredi soir, je me fais avoir par la ruse. En fin d’après-midi, Denis vient me chercher avec le prétexte de l’aider à déplacer un meuble. Le meuble en question est un meuble télé, que Denis aurait très bien pu déplacer tout seul. Et une fois dans l’appart, je suis « coincé », et je suis une fois de plus sommé de rester manger.
« Je n’ai pas faim ».
« Si tu as faim ! » me lance Denis.
« Tu restes, un point c’est tout » fait Albert.
Je finis par m’asseoir, à bout de forces.
« Mais qu’est ce qui t’arrive Nico ? » me questionne Denis sans détours.
« Rien, pourquoi ? ».
« A d’autres ! Nous voyons bien que tu vas mal. Tu ne vas plus en cours, tu ne sors plus de chez toi. Tu as maigri. On dirait que tu n’as pas dormi depuis des semaines ».
« C’est à cause de la « pause » avec Jérém ».
« Non, je ne te crois pas. Il n’y a pas que ça. Tu n’es pas juste malheureux, tu as l’air préoccupé. Qu’est-ce qui se passe au juste ? ».
« Rien d’important ».
« Tu ne nous parles plus, tu nous évites. Ça ne te ressemble pas ».
« Tu sais que tu peux tout nous dire et que nous pouvons tout entendre » ajoute Albert avec la voix douce et rassurante d’un grand-père « Parce que plus qu’un locataire, nous te considérons comme un ami, presque comme notre petit enfant ».
Je suis touché par tant de gentillesse et de bienveillance. Mais les mots restent bloqués au fond de ma gorge.
« Allez, Nico, laisse-toi aller ».
« Il m’est arrivé un truc dimanche dernier » j’admets.
« Qu’est ce qui t’est arrivé ? ».
« J’ai rencontré un gars ».
« Il t’a fait du mal ? ».
« Non… non. Ça se passait bien, on s’entendait bien ».
« Et qu’est ce qui s’est passé ? ».
« Nous avons couché ensemble et… la capote a cassé… et il ne s’en est rendu compte qu’après avoir fini ».
« Ah mince ! Et tu le connais bien ce gars ? ».
« Pas plus que ça. Mais je sais qu’il fait pas mal de plans ».
« Et tu es allé voir un médecin ? ».
« Je suis allé aux urgences le soir même, et on m’a donné le traitement post-exposition ».
« Et ce gars a fait le test ? ».
« Il n’a pas voulu ».
« C’est pour ça que tu es si mal depuis dimanche ».
« Je ne voulais pas vous en parler pour ne pas vous inquiéter ».
« Tu sais, on connaît d’autres gars à qui s’est arrivé ».
« Et comment ça s’est passé pour eux ? ».
« Avant le traitement post-exposition, ça se passait parfois mal » lâche Albert, en posant sa main chaude sur mon avant-bras « mais maintenant ça existe et ça a l’air de bien marcher. Il ne faut pas perdre espoir ».
« De plus, tu as été exposé une seule fois et c’est pas sûr que le gars était positif. Avec le traitement en plus, je pense que tu n’as pas trop à t’inquiéter » continue Albert.
« J’espère. Mais les trois mois à attendre le test vont être longs ».
« Tu ne dois pas penser à dans trois mois. Concentre-toi sur le présent, et dis-toi que chaque jour est une cadeau et une victoire ».
« Tu fais quoi à Noël ? » me questionne Denis.
« Je vais chez mes parents. Mais j’ai peur de comment ça va se passer. Je ne veux pas leur parler de ça, mais je ne sais pas si je vais tenir ».
« Si c’est trop dur, sors, balade-toi. Ne reste pas enfermé dans ta chambre. Va au cinéma, fais ce qui te fait plaisir. Prends un livre, et va le lire dans un bar. Va voir un pote qui te fait rire. Ou un pote que tu n’as pas vu depuis longtemps. Le temps passera plus vite ».
Mes voisins et proprios sont vraiment adorables. En rentrant chez moi, je me sens un peu mieux. C’est encore tôt, et je trouve l’énergie pour appeler maman et lui dire que je serai à Toulouse dès vendredi.
Elle me demande si je vais retrouver Jérém pendant les vacances.
« Non, c’est compliqué en ce moment. Je t’expliquerai ».
« Ce garçon ne mesure pas la chance qu’il a de t’avoir ».
« Ou alors je ne suis pas le gars qu’il lui faut ».
« Ne dis pas de bêtises mon lapin. Rentre vite à la maison, tu vas tout me raconter ».
Je débarque à Toulouse le vendredi 21 décembre en milieu d’après-midi. Le premier constat en arrivant dans ma ville est de voir qu’elle porte à la fois les stigmates de l’explosion AZF et les décorations de Noël. C’est assez effrayant comme contraste. Je pense à ceux qui ont péri, aux blessés, à tous ceux qui ont été touchés de près ou de loin par cette catastrophe. Par ricochet, je pense aux new-yorkais touchés par les attentats. Pour eux non plus ce Noël 2001 ne restera pas dans les annales des Noëls heureux.
Les retrouvailles avec maman sont pleines d’émotions. Je lui ai manqué tout autant qu’elle m’a manqué. Je tente de faire bonne figure, mais elle voit de suite que je ne suis pas bien et tente de me cuisiner. Je tente de mettre ça sur le compte de la « pause » avec Jérém mais je ne suis pas sûr qu’elle se contente de ça, surtout si je continue à me montrer abattu. Je ne veux pas qu’elle s’inquiète. Je dois apprendre à mieux faire semblant, je ne veux pas gâcher son Noël.
Pour occuper ma soirée, je prévois de suivre l’un des conseils de Albert, d’aller voir un film dont j’attendais la sortie avec impatience. Le film en question est en salles depuis deux semaines déjà mais je n’ai pas encore trouvé le bon moment pour aller le voir. Le fait est que sa sortie est arrivée au même moment que la « pause », que Benjamin, que l’« accident ». Autant dire que dernièrement mes priorités ont été un brin chamboulées.
Je propose à Elodie de m’accompagner, car je me souviens de lui avoir parlé de ce film à Gruissan et de l’avoir entendue me dire avec enthousiasme qu’on irait le voir ensemble. D’autant plus que c’est elle qui m’a fait découvrir cette saga. Mais je la prends trop de court, elle a déjà prévu quelque chose pour ce soir.
Et pourtant, j’ai l’impression qu’il ne s’agit pas que de ça. J’ai l’impression que depuis qu’elle est en couple, et a fortiori depuis qu’elle est fiancée, notre complicité se relâche peu à peu. Et je pense qu’à l’avenir ça ne va pas s’arranger. Car elle aura forcément moins de temps à partager avec moi. Moins de temps et moins de complicité. Ainsi va la vie. Elle a désormais d’autres priorités, chose que je comprends parfaitement. Ce qui ne m’empêche pas pour autant de ressentir une certaine nostalgie teintée de tristesse. Car nos moments à discuter à bâtons rompus, à refaire le monde, à déconner, me manquent. Et je pense qu’ils ne reviendront pas.
En fin d’après-midi, je prends un verre avec Julien dans un bar du centre-ville. Les retrouvailles avec le boblond sont toujours flamboyantes. Le gars est un tourbillon d’énergie et son sourire solaire et malicieux est un rayon de soleil. Julien a toujours des trucs drôles à raconter, et sa capacité à s’amuser de tout et à transporter ailleurs son interlocuteur fait partie de son charme ravageur.
Il me demande de lui raconter ma vie à Bordeaux, ce que je fais sans trop d’entrain. Il me demande si je vois toujours « mon » rugbyman. Je lui raconte la « pause ».
« Encore ? Mais ce gars est une véritable girouette ! Il est pire que moi avec les nanas ! ».
« Il a ses raisons. Mais c’est trop dur pour moi de suivre » je coupe court.
« J’ai du mal à imaginer que ce soit si difficile que ça de trouver le moyen de vous voir régulièrement.
Ton beau brun a peut-être tout simplement peur de l’engagement que tu lui demandes. Vous êtes jeunes. Et puis, quels projets avez-vous en commun ? Aucun à ce jour. Toi tu vas poursuive tes études à Bordeaux, et lui essayer de se faire une place dans le rugby. Que pouvez-vous faire ensemble à ce stade ? ».
« Nous voir, tout simplement, être bien ensemble, non ? Être là l’un pour l’autre. Ce serait pas mal pour commencer… ».
« Votre histoire est belle parce qu’elle est compliquée » il poursuit « Vous vous aimez, vous vous adorez quand vous êtes ensemble, puis vous vous jetez, vous vous manquez, et vous vous retrouvez. C’est pas mieux ça que de tomber trop tôt dans la routine des amoureux ? La routine est la fin de l’amour ».
« Tu as peut-être raison, mais en attendant c’est fatiguant ».
« Et sinon, maintenant que tu es célibataire, tu es un peu sorti, tu t’es fait draguer ? Je parie que oui, tu es quand-même beau mec… ».
Je n’ai pas le cœur d’affronter ce sujet. Parce que je sais qu’il va me mettre sur une pente glissante qui va m’obliger à parler de l’« accident ». Je ne veux pas lui parler de ça. Je lui en parlerai peut-être un jour, mais pas avant trois mois. Il m’en voudra peut-être de ne pas lui avoir « fait confiance ». Mais tant pis. Je ne veux pas qu’il se fasse du souci pour moi.
Au moment de nous quitter, je propose au beau moniteur de m’accompagner au cinéma. Mais quand je lui annonce le film que je vais voir, il se moque de moi.
« Mais t’as quel âge ? » il me charrie, tout en m’expliquant qu’il a un rancard avec une nouvelle nana plus tard dans la soirée.
C’est donc seul que ce soir-là je me rends à la salle de la place Wilson pour découvrir le premier volet cinématographique de la saga de J.K Rowling.
C’est toujours un drôle d’exercice que de découvrir un film tiré d’un livre qu’on a lu. Ça fait bizarre de voir les choix, essentiellement des coupes et des raccourcis, faits par le scénariste ou le réalisateur pour adapter l’histoire à l’écran, pour contenir 300 pages en moins de 2 heures. Ça fait bizarre de voir le livre mis en images et de voir ces images remplacer celles que mon imagination avait générées à la lecture. Et ça fait très bizarre de mettre un vrai visage sur Harry Potter. Mais la sauce finit par prendre, et je me laisse embarquer dans l’alchimie cinématographique dans laquelle la géniale musique de John Williams joue un rôle majeur.
https://www.youtube.com/watch?v=wtHra9tFISY
Lorsque je sors de la projection, il est presque minuit. Un vent glacial sillonne la place Wilson, fait valser les guirlandes suspendues entre les immeubles et le grand sapin au milieu de la place. Il fait froid, horriblement froid. Un froid qui traverse mon blouson, mon pull, mon t-shirt, mon jeans et qui arrive jusqu’à ma peau. Il fait froid dehors, comme il fait froid dans mon cœur.
En revenant vers la maison, je ne peux m’empêcher de faire un détour par la rue de la Colombette. La nostalgie me happe, elle guide mes pas presque malgré moi. Car même si cela me fait de la peine, je ressens un besoin irrépressible de retrouver ces lieux familiers, les rues que j’ai empruntées tant de fois pour aller retrouver Jérém, la façade de son ancien immeuble, son ancienne terrasse où il a fumé tant de cigarettes après chacune de nos « révisions ». Oui, j’ai besoin de retrouver ces lieux, nos lieux, à la fois si proches physiquement et si lointains dans le temps, dans mon cœur.
Je repense à la résolution que j’avais prise quelques jours plus tôt, d’appeler Jérém quand je serais à Toulouse, juste avant Noël. Mais ça c’était avant l’« accident ». Aujourd’hui, je ne me sens plus le courage de le faire.
Ce soir, je voudrais être Harry Potter. Accio Jerem ! Accio résultats négatifs ! Je voudrais tant pouvoir prendre le train au départ de la voie 9 et ¾ pour partir loin, très loin.
Noël approche à grand pas et le repas du réveillon se précise. Ce sera en famille, avec mes parents, mon oncle, le frère de mon père et sa femme, qui feront le voyage depuis Brive. Mais ils viendront sans leur fils Cédric, car mon cousin a prévu de passer le réveillon dans la famille de sa copine.
Je pressens que cette soirée va être chiante à mort. Je sens que Cédric, le bogoss, le futur grand médecin, le joueur de foot, même absent, sera quand même bien à ce réveillon. Ce sera encore une confrontation entre Cédric le winner et Nico le looser. Je sens que je vais encore m’en prendre plein la gueule. Je sens que je vais adorer ça, je sens que ça va être un Noël de rêve. D’ailleurs, je rêve déjà…
J’espère au moins que papa ne va pas trop me faire la gueule. Je vais essayer de me faire tout petit, de faire profil bas en attendant que ça passe. De toute façon, en ce moment j’ai des tracas plus importants que l’hostilité de mon père.
Le lendemain, le dimanche 23 décembre, j’ai envie de revoir un pote. Je lui envoie un message le matin.
« Salut, ça va ? Tu as un moment pour prendre un verre ? ».
Bien sûr, j’ai toujours en tête les mots de sa copine Nathalie me demandant de couper le « laisser tranquille » pour ne pas raviver sa « bisexualité ». Mais Thibault est un pote, et j’ai envie d’avoir de ses nouvelles. J’ai envie de savoir comment il va, comment il récupère après ses blessures suite à la catastrophe d’AZF.
L’adorable pompier me rappelle aussitôt.
« Hey, Nico, tu es sur Toulouse ? ».
Le simple fait d’entendre sa voix me fait du bien. J’ai l’impression que l’ancien mécano est en bonne forme et ça me fait vraiment plaisir.
« Oui, depuis vendredi ».
« Bien sûr que j’ai un moment pour prendre un verre, tu peux même venir manger à la maison ce soir. On se fait une soirée pizza si tu veux ».
« Je ne veux pas m’incruster, je connais à peine ta copine ».
« Elle ne sera pas là, elle travaille à 20 heures ».
Voilà des mots capables de provoquer un grand soulagement en moi.
« D’accord, j’apporte les pizzas alors ».
A 20h30 je sonne à la porte de l’appart aux Minimes. Le battant s’ouvre aussitôt. Sourire solaire, regard bienveillant, charmant et touchant, Thibault apparaît dans l’embrasure de la porte. Il est toujours aussi beau. Il est habillé d’un pantalon en tissu molletonné, ainsi que d’un t-shirt gris. Un t-shirt qui me permet de constater que son corps a encore pris du muscle.
« Hey, Nico, ça me fait plaisir de te voir » fait le beau stadiste, tout en me prenant dans ses bras, et en me claquant la bise, l’air vraiment content de me voir. Le contact avec sa barbe de quelques jours est enivrant.
« Moi aussi je suis content de te voir ».
Ça me fait drôlement plaisir de le voir debout, bien portant, si loin du Thibault abattu sur son canapé, le genou bandé, lors de ma précédente visite, juste après la catastrophe d’AZF. J’en suis presque ému.
« Tu vas bien, Nico ? ».
« Je vais bien, merci » je réponds machinalement « Et toi ? ».
« Ça va beaucoup mieux, merci ».
« Je suis content de te voir en forme ».
« Merci, tu es gentil. Alors, raconte, comment se passent tes études à Bordeaux ? Tu t’es fait des potes là-bas ? ».
« Les études ça va, je vais bientôt avoir mes premiers partiels. Oui j’ai quelques amis, surtout des camarades de cours. J’ai aussi sympathisé avec mes voisins et propriétaires, un couple d’hommes âgés qui sont vraiment adorables avec moi ».
« C’est cool que tu trouves tes marques ».
« C’est vrai ».
« Alors, dis-moi » j’enchaîne « Tu as recommencé à jouer ? ».
« Pour l’instant, j’ai repris la musculation. Ça fait trois semaines. Et si tout va bien, je devrais reprendre les entraînements mi-janvier. Il me tarde ! ».
« Ça me soulage d’entendre ça. Finalement tu restes au rugby, alors ».
« Pour l’instant, oui. Je vais faire la saison, après j’aviserai ».
« Et les pompiers ? ».
« Je reste aussi, je ne peux pas renoncer à ça, bien que j’aurai moins de disponibilités pour les astreintes ».
« C’est tout à ton honneur. Définitivement, tu es un bon gars ».
« Au fait, tu as des nouvelles de Jé ? » il change de sujet.
« Vous n’avez pas repris contact ? » je le questionne à mon tour.
« Non, pas vraiment. J’imagine qu’il doit être très occupé, je n’ose pas trop le déranger ».
« Je n’ai pas de ses nouvelles depuis quelques semaines » je réponds enfin à sa question.
« Ah bon ? Vous ne vous voyez pas, vous ne vous appelez pas régulièrement ? ».
« Pas vraiment. Enfin… plus vraiment ».
« Ah… et qu’est-ce qui s’est passé ? ».
« Depuis qu’il est à Paris, Jérém a peur que son entourage découvre notre relation. Alors il ne veut pas que j’aille le voir. Il a même recommencé à coucher avec des nanas pour faire semblant ».
« Tu crois ? ».
« Je le sais parce que l’une d’entre elles s’est pointée à l’appart à Paris lui faire un sketch pendant que j’y étais en novembre ».
« Ah… ».
Il m’a dit qu’il tenait à moi, mais qu’il ne pouvait pas pour l’instant me proposer mieux que de faire chacun notre vie de son côté et de se retrouver pendant les vacances ».
« Sur le coup, j’ai vu rouge. Mais j’ai fini par comprendre ses raisons, et que ça lui coûtait de me proposer ça. J’étais prêt à accepter ce mode de fonctionnement, mais à condition de le voir plus souvent. Je lui ai dit au téléphone. Et il m’a répondu qu’il avait besoin de temps. J’ai insisté et il a fini par me balancer qu’il voulait prendre une pause. C’était il y a presque trois semaines. Depuis, je n’ai pas de nouvelles ».
« Ah, mince ! Toujours le même mon pote Jé. Quand il se sent dos au mur, il envoie tout balader ».
« Après, je comprends ce qu’il doit ressentir » il continue « si son homosexualité s’ébruite, il court le risque de se faire marginaliser. Dans le monde du rugby, nous les joueurs nous sommes très populaires auprès de nos supporters. Nous partageons avec eux la même ville, les mêmes bars, les mêmes boîtes. Les rumeurs peuvent aller vite et détruire une carrière.
Jérém doit vivre tous les jours dans la peur d’être découvert et que tout s’effondre autour de lui, que son travail et son investissement dans le rugby lui filent entre les mains.
Il sait que s’il se fait rejeter personne ne viendra à son secours. Même pas son club. Si un gars se fait rejeter, si sa carrière est foutue à cause de ça, c’est pas un problème, ils en recruteront un autre. Les bureaux des dirigeants des clubs sont remplis de CV de joueurs avec du potentiel ».
« Sinon, comment ça se passe son intégration dans l’équipe ? » il me questionne.
« Il a eu quelques difficultés, mais depuis quelques semaines ça semble bien démarrer ».
« Je peux me tromper, mais je ne pense pas que le rugby soit la seule raison de son comportement à ton égard ».
« Tu penses à quoi ? ».
« Jé a du mal à gérer ses sentiments. La dernière fois tu m’as parlé de vos retrouvailles à Campan, du fait qu’il était différent, que votre complicité avait pris une nouvelle dimension. Peut-être que sans le vouloir, tu lui as mis la pression, ou qu’il s’est mis la pression tout seul, et que ça lui a fait peur.
Je pense qu’il doit aussi peur de te perdre que toi de le perdre. Jé a été marqué par la souffrance de l’abandon et il s’est construit autour de ça ».
« Tu parles de sa mère ? ».
« Oui, il ne s’est jamais remis du fait qu’elle ait refait sa vie loin de lui et de Maxime. Mais il y aussi souffert de la distance de son père qui a toujours été très dur avec lui, et qui a toujours pensé savoir de quel bonheur avait besoin son fils sans jamais lui avoir posé la question.
Mais il y a aussi autre chose. Jé ne s’attendait pas qu’un gars comme toi viendrait lui révéler sa vraie nature et bouleverser sa vie. Il n’était pas préparé à ça. Et ça ne fait que quelques mois que tu es vraiment rentré dans sa vie. Mais l’espoir d’une évolution est permis, comme le prouvent les pas de géant qu’il a déjà faits vers toi ».
« Il y a des moments où je me dis que cette pause est définitive, et que c’est fini entre nous ».
« Non, je ne le pense pas. Tôt ou tard tu vas lui manquer et il va revenir à la raison. Après, je comprends qu’une pause imposée avec de la détermination peut ressembler à une rupture. Mais tu commences à connaître l’oiseau, d’abord il envoie tout valser, après il réfléchit. Il fonctionne comme ça depuis toujours ».
« Sinon, ça se passe toujours bien avec Nathalie ? » je le questionne pendant que nous mangeons les pizzas.
« Je crois, oui ».
« Et pour votre bébé, tout avance bien ? ».
« Très bien, Nath a passé une écho la semaine dernière, tout est normal ».
« Dans trois mois mon enfant va arriver » il ajoute après quelques instants de silence « et plus ça approche, plus je me demande si je suis prêt à l’assumer ».
« Pourquoi tu dis ça ? ».
Thibault se tait, comme gêné de s’être trop avancé.
« Allez raconte, tu peux tout me dire, tu sais ? » je tente de le mettre à l’aise « De la même façon que moi je sais que je peux tout te dire ».
« Parfois… je pense à des trucs… ».
« Des trucs ? ».
« A des gars… des gars qui me font de l’effet. Et… je culpabilise… tu comprends, Nico ? Je vais avoir un gosse et je n’arrête pas de penser à ça… ».
« Oui, je comprends. Mais tu as déjà… ».
« Non, non ».
« Mais tu en as envie… ».
« Je ne sais pas. De toute façon, je ne veux pas faire des bêtises, je ne veux pas que cet enfant grandisse avec des parents séparés ».
« Tu l’aimes Nath ? ».
« Grande question ».
« Si tu ne réponds pas par un « oui » franc à cette question, c’est peut-être que tu ne l’aimes peut-être pas ».
Il est facile d’être clairvoyant lorsqu’il s’agit des histoires des autres.
« Et tu préfères que cet enfant grandisse avec des parents qui ne s’aiment pas plutôt qu’avec des parents séparés mais heureux parce qu’ils ont refait leur vie ? ».
« Je ne vois pas comment je pourrais refaire ma vie et être heureux ».
« Tu es attiré par les mecs, Thibault, tu ne peux pas te voiler la face ».
« Je ne me voile pas la face. Enfin, plus maintenant. Le fait d’avoir frôlé la mort il y a trois mois m’a obligé à me poser les bonnes questions. Je n’ai eu que ça à faire pendant des semaines.
Mais je suis dans la même situation que Jé. Si je veux mener une carrière dans le rugby, je ne peux pas me permettre d’être moi-même ».
« Tu crois que tu vas tenir le coup ? ».
« Je n’ai pas le choix. J’ai trop à perdre. De toute façon, tout ça est encore trop nouveau pour moi. Et puis, je vais être franc avec toi, je n’ai toujours pas arrêté de penser à Jé. Je sais qu’il n’y aura plus jamais rien entre nous, parce qu’il est amoureux de toi et que tu es amoureux de lui, et je respecte ça. Mais c’est dur à assumer. C’est pour ça que je n’arrive pas à l’appeler. J’ai besoin de prendre de la distance pour tourner la page. Jé doit le sentir, j’imagine que c’est pour ça qu’il respecte mon silence ».
« Mais assez parlé de moi » il coupe court pendant que nous nous déplaçons sur le clic clac devant la télé. « Comment tu comptes t’y prendre pour mettre fin à cette pause avec Jé ? ».
« Je ne sais pas trop. Et je ne sais même pas si je devrais essayer quoi que ce soit ».
« Qu’est ce qui se passe, Nico ? Je t’ai connu plus combattif que ça ».
« Je suis fatigué », je me dérobe, alors que j’ai de plus en plus de mal pas à contrôler les larmes qui se pressent à mes yeux. Je suis à deux doigts de lui parler de l’« accident ». Mais je prends sur moi. je me dis que Thibault a bien assez se soucis de son côté pour que je l’accable avec les miens.
Le jeune rugbyman m’attire contre lui. Je me retrouve demi allongé sur l’assise du clic-clac, installé entre ses cuisses, le dos collé contre son torse chaud, enlacé par ses bras.
« N’aie pas peur de revenir vers Jé, il comprendra, j’en suis sûr, car il tient trop à toi ».
Thibault sait trouver les mots pour me réconforter. Mais plus encore que ses mots, c’est sa présence, sa proximité, son amitié qui me font du bien.
Dans le silence, dans la pénombre, je n’entends que sa respiration, calme, apaisante. Je sens son souffle dans mon cou, les battements lents de son cœur. Nous restons ainsi, enlacés, pendant un long moment. Et ça me fait un bien fou.
Il est presque minuit lorsque je décide de rentrer. Devant la porte d’entrée, nous nous regardons en silence pendant de longs instants, sans arriver à trouver la façon de nous quitter. Il y a tant de choses dans cet échange silencieux, peut-être plus que dans mille mots. Il y a de l’amitié, il y a de la tendresse, il y a de la complicité. Il y a, de ma part, une immense considération, une profonde estime, une affection infinie pour ce garçon si adorable.
Mais il y a également autre chose. Je crois que nos corps se souviennent du plaisir qu’ils se sont donnés pendant une nuit déjà lointaine.
Je sens que Thibault sait que, malgré mon amour pour Jérém, il me fait de l’effet. Et à cet instant précis, j’ai désormais la certitude que, comme je l’avais imaginé, ce gars dont Thibault m’avait parlé la dernière fois, et qui lui aussi lui fait de l’effet, c’est bien moi.
Ça fait du bien de se sentir désiré par un beau gars comme Thibault. Mais en même temps, ça me rend triste. Car je sais que je ne pourrai pas lui apporter l’amour qu’il mérite. Je suis toujours amoureux de Jérém, et je ne sais pas si je cesserai un jour de l’aimer.
« Appelle-moi si ça ne va pas » finit par lâcher l’adorable stadiste.
« Toi aussi tu peux m’appeler, si tu as besoin de quoi que ce soit ».
« Merci d’être passé Nico. Tu es le seul à qui je peux parler ».
« Alors n’hésite pas ».
« Je tiens beaucoup à notre amitié » il ajoute.
« Moi aussi je tiens beaucoup à notre amitié. Tu es un gars génial ».
« Bon courage, Nico ».
« Bon courage à toi, Thibault. Et Joyeux Noël ».
« Joyeux Noël à toi aussi » fait l’ancien mécano en me serrant une dernière fois dans ses bras pleins d’affection. Une accolade et une affection que je lui rends avec émotion, car ce petit gars me touche vraiment beaucoup.
Je passe la porte et je repars seul avec mon fardeau, tout en laissant Thibault seul avec les siens. Dans cette vie, chacun a ses propres fardeaux à porter. Et en fin de compte, nous les portons toujours seuls.
Le lendemain matin, le 24, je me réveille de bonne heure. Je me réveille en plein cauchemar. J’ai rêvé de Jérém, j’ai rêvé qu’on était dans ma chambre, alors que mes parents étaient en bas. J’ai rêvé que Jérém était là juste pour me baiser, comme il le faisait dans son appart de la rue de la Colombette. Il était macho, dominateur, limite violent et humiliant.
J’étais triste de le retrouver ainsi, je ne le reconnaissais plus, j’avais envie de pleurer tant je ne retrouvais pas dans ce gars le Jérém que j’avais connu depuis Campan. Mais dans ma conscience du rêve, je savais que je ne pouvais pas changer son attitude. Je ne savais pas pourquoi il était redevenu ainsi, mais je savais que je n’avais pas d’autre choix que de l’accepter, pour ne pas le perdre. Je me souviens qu’il était venu en moi brutalement et que j’avais eu mal et que je m’étais dégagé de lui.
Il avait voulu revenir en moi, mais je lui avais demandé de mettre une capote. Il m’avait demandé pourquoi et j’avais dû lui expliquer ce qui s’était passé avec Benjamin. Et là, il m’avait regardé avec un grand mépris, il s’était rhabillé et il était parti en me balançant sur un ton énervé et méprisant : « Surtout oublie mon numéro de téléphone ».
Je me réveille en nage, le cœur emballé, les larmes aux yeux. Je reste longtemps immobile, hébété, me demandant si j’aurais un jour le courage d’annoncer cela à Jérém.
Je tente de me rendormir mais je n’y arrive pas. Je me lève vers 8 heures, et je constate qu’au bout d’une semaine les effets secondaires du traitement semblent enfin s’estomper. Je prends mes médocs en cachette et je descends prendre le petit déj avec maman. Ce matin je me sens un brin mieux, et je sens maman aussi un peu plus détendue. Ça me fait plaisir. J’espère garder le moral jusqu’à ce soir, je pense que je vais en avoir besoin pour le réveillon.
Le matin, j’aide maman à faire le ménage. L’après-midi, je l’aide à préparer le repas, nourriture et déco. J’aime bien partager ces moments avec elle, et rien qu’avec elle. Papa étant au travail, je profite de ces moments privilégiés pour parler avec maman de la « pause » avec Jérém.
A plusieurs reprises, je suis à deux doigts de craquer, et de lui parler également de l’« accident ». Mais je ne peux pas, je ne peux pas lui faire ça. Pas à Noël. Les mots restent coincés dans ma gorge et c’est très bien ainsi.
En s’occupant et en discutant, la journée passe vite. Il est déjà 19 heures, la voiture de papa vient de rentrer dans le garage, tata et tonton vont bientôt être là. Je passe à la douche, je m’habille, je prends une profonde inspiration et je descends affronter le regard paternel.
« Tu as passé une bonne journée ? » je tente d’amorcer une conversation.
« Une journée comme les autres » il me refroidit.
Je reviens donc à la cuisine retrouver de la chaleur humaine auprès de maman. Je n’en ressors que lorsque j’entends la sonnette à l’entrée et qu’elle me demande d’aller ouvrir.
Tata et tonton sont là, bruyants, bavards, étouffants, comme toujours. Dans leurs rondeurs et leurs manières guindées, ils me font penser à quelqu’un, mais qui ?
Nous voilà en piste pour le réveillon. Comme je l’avais prévu, après quelques échanges de banalités, mon winner de cousin Cédric, même absent, ne tarde pas à s’inviter dans la conversation à table. Car son père, mon oncle, ne jure que par les réussites en cascade de son rejeton, dont il est très fier. Tout le contraire de mon père, qui n’a aucune estime pour moi. Comme à chaque repas de famille depuis mon enfance, la comparaison entre Cédric et moi est à l’ordre du jour et je me retrouve systématiquement en mauvaise position par rapport à lui – mon cousin étant plus fort que moi dans les études, promis à un avenir professionnel radieux et, ce, depuis le berceau, capitaine de son équipe au foot, doté de copine, sans oublier qu’il fait plutôt « mec ».
Je savais que j’allais encore en prendre plein la gueule. Mais ce que je n’avais pas prévu, c’est que le plus difficile à supporter serait l’humiliation ressentie par mon père en entendant mon oncle faire l’éloge incessant et inconditionnel de son fils. Une humiliation bien trop visible dans son regard et dans ses silences. Une humiliation et une exaspération que mon père n’arrive à contenir, me semble-t-il, qu’au prix d’une énergie folle. D’autant plus qu’après mon coming out il a intégré un nouveau sujet de déception vis-à-vis de moi.
Oui, le plus dur à supporter ce soir, c’est son humiliation. Parce que son humiliation, c’est la mienne aussi, décuplée par la sienne.
Une seule chose, une seule personne aurait pu sauver ce réveillon qui s’annonce comme interminable et d’une lourdeur insupportable : ma cousine Elodie. Hélas, elle aussi s’est laissé entraîner dans un réveillon de belle famille avec son beau Philippe. Elle n’est donc pas de la partie et je me retrouve seul à affronter le poids de la famille.
Il n’est même pas 22 heures et j’ai déjà envie de partir loin. J’ai envie de transplaner à Bordeaux et attendre minuit avec mes adorables papis. Peut-être qu’ils sont invités, ou qu’ils ont des invités. J’ai l’impression que tout le monde passera un meilleur Noël que moi.
Si je m’écoutais, je monterais dans ma chambre et je n’en ressortirais que demain. Si je reste, c’est pour maman, et pour elle uniquement.
Tonton et tata continuent de faire la conversation en mode « nous, nous », version pour couples du fameux « moi, je », sans oublier de revenir régulièrement en mode « Cédric, lui ».
Ça y est, ça y est. Je viens de réaliser à qui mon oncle et ma tante me font penser, avec leurs rondeurs et habités comme le sont par l’admiration inconditionnelle et aveugle de leur fiston. Vernon et Pétunia, les parents de Dudley, l’oncle et la tante d’Harry Potter. Si seulement je pouvais posséder une baguette magique et leur lancer un sortilège de Bouchecousue !
Le problème est que lorsque la conversation se détourne de leurs vies, ce n’est pas mieux. Car ils se mettent à m’interroger sur la mienne. Je suis questionné sur mes études, sur mes éventuelles copines, autant de sujets que je ne me sens pas à l’aise d’affronter devant papa. J’ai l’impression de marcher sur des œufs, et que chacun de mes mots augmente un peu plus son dégoût à mon égard. Alors, à choisir, je préfère encore quand ils sont en mode « nous, nous ».
Je retrouve un peu de tranquillité lorsque la conversation se porte sur des sujets qui ne concernent pas la famille.
Seul avec mes pensées, Jérém me manque à en crever. Je m’en veux terriblement de n’avoir pas su attendre Noël pour le retrouver. A l’heure qu’il est, nous serions peut-être ensemble ou bien nous nous apprêterions à passer des bons jours ensemble à faire l’amour. Si j’avais su attendre, il n’y aurait pas eu la « pause » et je ne serais pas tombé dans les bras de Benjamin. Il n’y aurait pas eu l’« accident ». Et je ne serais pas accablé par un compte à rebours qui m’apporte inquiétude et tristesse. Je me dis qu’une fois de plus c’est mon impatience qui a tout gâché.
Soudain, je réalise avec effroi que, tout pris dans les préparatifs du réveillon, j’ai oublié de prendre mon traitement à l’heure habituelle du soir.
Ma peur doit se voir sur mon visage car tata s’empresse de me demander si je vais bien.
« C’est rien, j’ai juste un peu mal à la gorge. Ça doit être un coup de froid. Je vais aller prendre un truc ».
Je sors de table et monte dans ma chambre prendre mes médocs. Je regarde l’écran de mon portable. Il est 23h42, et je n’ai toujours aucun message. Ce soir j’ai tellement besoin d’être dans ses bras. Même sans faire l’amour, je donnerais cher rien que pour me retrouver dans ses bras.
Je cherche en moi le courage de lui envoyer un message. J’écris, j’efface, je réécris, j’efface à nouveau, encore et encore. Aucun mot ne me semble adapté. J’ai tellement peur. Je n’ose pas. Je sais que je vais le perdre. Assis sur mon lit, je pleure.
Je dois revenir à table avant que mon absence ne soit remarquée. Mais je n’arrive pas à arrêter de pleurer, et je ne peux pas me montrer tant que je ne me serai pas calmé. Je ne veux surtout pas attirer l’attention sur moi.
Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes, et après que maman m’a appelé m’annonçant que la bûche allait être servie, que je trouve le courage de redescendre.
J’espère passer inaperçu, j’espère pouvoir cacher ma tristesse et les larmes que j’ai eu du mal à sécher. Mais tante « Pétunia » ne me rate pas.
« Ça va Nicolas ? On dirait que tu as pleuré ! ».
« Mais ta gueule, conasse !!! ». Ça, ce sont les premiers mots qui me traversent l’esprit.
« J’ai avalé le cachet de travers ». Ça, c’est la même chose, mais en version politiquement correcte. Celle que je choisis, bien évidemment.
« Il ne manque que quelques minutes avant minuit » fait remarquer maman, alors que papa vient de faire péter le bouchon du champagne.
Une seule pensée occupe mon esprit à cet instant. Jérém, où es-tu ?
Je suis complètement ailleurs, j’étouffe dans cette pièce trop chaude, autour de cette table trop bruyante, devant ce gâteau que je n’ai pas envie de manger et de ces bulles que je n’ai pas envie d’avaler. J’ai encore envie de pleurer, et je sens qu’au moment où nous trinquerons, j’aurais le plus grand mal à retenir mes larmes.
Je regarde la pendule et je découvre qu’il ne manque plus que trois petites minutes avant minuit. C’est là que se produit comme un déclic dans ma tête.
« Rien ni personne ne peut nous enlever ce qu’il y entre nous ».
« Et qu’est-ce qu’il y a « entre nous », au juste ? ».
« On est bien ensemble ».
« Mais on n’est jamais ensemble ! ».
« Je crois que ce qu’il y a entre nous est plus fort que tout ça ».
Ces quelques échanges de la dernière fois où j’ai vu Jérém remontent à ma mémoire. Je me souviens de chaque mot, du ton de sa voix, doux, calme, comme une caresse. Je me souviens de son regard, désolé de me faire du mal et de ne pas avoir mieux à m’offrir.
Les gestes sont machinaux, et pourtant naturels, évidents. Sans plus réfléchir, je glisse la main dans ma poche, je sors mon téléphone. Je suis en mode automatique, j’ai débranché tous les capteurs dans ma tête, toutes les balances des pours et des contres. A cet instant précis, c’est mon cœur qui me guide et rien d’autre.
« Joyeux Noël ».
C’est le message que j’envoie à Jérém. Simple et direct. Je tape et j’envoie, le tout en une seconde à peine.
C’est la petite notification sonore du message envoyé qui me fait réaliser ce que je viens de faire.
Je viens de lui envoyer un message. Et je viens de m’exposer au risque de ne pas avoir de réponse. Car Jérém est capable de faire le mort, ce ne serait pas la première fois. Et si c’est le cas ce soir, ce serait particulièrement dur à supporter.
Je m’enfonce dans ce genre de réflexion, lorsque la sonnerie de mon portable retentit de façon retentissante dans le séjour.
« MonJerem ».
Mon cœur s’emballe, je ressens comme un tremblement de terre intérieur.
« Tu peux pas mettre ton téléphone en sourdine ? » fait sèchement mon père.
Et là, paniqué, je ne trouve pas mieux que d’appuyer sur le bouton rouge.
Le coup de fil que j’ai tant attendu, que je désespérais de recevoir, ce coup de fil arrive enfin, il arrive contre toute attente, et moi je ne trouve pas mieux que de le rejeter. Bien joué, Nico !
« De nos jours, les jeunes sont tous accrocs à ces portables. Quand Cédric s’est acheté son premier portable… ».
« Mais bon sang, tu n’en as pas marre de parler tout le temps de ce putain de Cédric ? Si tu savais, tata, combien de fois je me suis branlé pendant mon adolescence, en pensant à ton champion, et combien de fois je l’ai fait jouir, ton Cédric, même si ce n’est que dans mes pensées lubriques ! » je manque de laisser échapper.
Mais pour l’heure, je m’en tape de « Pétunia », de « Vernon », de Cédric. Tout ce qui compte c’est que Jérém vient de me rappeler, presque dans la seconde après mon message. Tout ce qui compte, c’est de monter dans ma chambre et de le rappeler. Je cherche fébrilement le moyen pour m’éclipser discrètement. Mais maman est en train de servir la bûche et je ne me sens pas à l’aise à l’idée de sortir de table maintenant.
Je me dis que je vais vite manger ma part de gâteau et que je vais monter après. Mais je n’en ai pas le temps, car mon portable se met à sonner à nouveau.
« MonJerem », à nouveau.
« Mais c’est qui, à la fin ? » fait papa, l’air passablement exaspéré.
« C’est un pote. Je vais le rappeler dans ma chambre ».
« C’est pas plutôt une nana ? » fait ma tante.
La sortie de « Pétunia » me permet de prendre congé avec un sourire et un haussement d’épaules.
Je monte les marches de l’escalier quatre à quatre, alors que la sonnerie retentit toujours. J’arrive dans ma chambre avec le souffle coupé, lorsque le portable vient tout juste de se taire.
Je tiens le petit appareil dans mes mains tremblantes, comme un moineau fragile, hésitant à appuyer sur le bouton vert qui me projettera vers Jérém. J’hésite, je cherche mon courage. J’éteins la lumière dans ma chambre. Je m’allonge sur le lit. Parfois le courage se laisse mieux trouver dans le noir. Je ferme les yeux et j’appuie sur le bouton vert. Je porte l’appareil à mon oreille. Et alors que la tonalité retentit dans mon crâne, j’ai le souffle coupé et le cœur qui bat la chamade.
Lorsque ça décroche, j’ai l’impression que mon cœur a cessé de battre, que je suis dans un avion en panne de carburant. J’ai peur de la chute, j’ai peur de mourir.
« Joyeux Noël à toi aussi, Nico » ce sont ses premiers mots.
« Merci ».
« Ton message m’a fait vraiment plaisir » il me lance.
« Ton coup de fil aussi m’a fait plaisir. Désolé de ne pas avoir répondu de suite, j’étais à table ».
« Tu vas bien ? » il enchaîne sur un ton bienveillant.
« Ça va. Et toi ? ».
« Ouais, pas mal non plus ».
« Tu réveillonnes chez tes parents ? ».
« Oui, chez mes parents. Et toi ? ».
« Chez mon père ».
L’idée que nous fêtons Noël à deux endroits pas si éloignés, mais chacun de notre côté, me rend malade.
« Tu passes un bon Noël ? ».
« Oui » je mens « et toi ? ».
« Je me fais chier grave ».
« En vrai, moi aussi » j’admets.
Une nouvelle pause s’installe dans notre conversation. J’ai envie de lui dire tant de choses, mais je me dis que ce n’est pas le moment. Mais c’est peut-être le moment de lui dire à quel point je regrette de ne pas avoir su l’écouter davantage.
« Jérém, je voulais que tu saches… ».
« Eh, Nico… » il me coupe net.
« Oui… ».
« On se casse ? ».
« Tu veux te casser où ? » je lui demande, désarçonné.
« Loin. Je ne sais pas où, j’ai juste envie de me casser. Pas toi ? ».
« Si, si ! ».
« On se tire alors ».
« Et tu veux qu’on se tire où ? ».
« Je n’en sais rien. Dans un hôtel, une tente, un igloo. Je m’en fiche. Là où on sera que tous les deux ».
« J’aimerais bien… » je fais, rêveur.
« Je passe te chercher » il fait, très déterminé.
« Quoi ?! Maintenant ? ».
« Disons… dans une heure ».
Je suis aux anges. En une poignée de secondes, je suis passé de la détresse noire à une joie pleine de belles couleurs.
« Et la pause ? ».
« Oublie, c’était une connerie. Allez, je vais partir. Je t’enverrai un message quand j’arrive dans ta rue ».
« T’es fou !!!!! » je fais, fou de joie.
« Oui, fou de toi ».
En raccrochant, je suis le gars le plus heureux de l’Univers.
Mais déjà un instant plus tard les inquiétudes me rattrapent. Revoir Jérém, ça veut dire recommencer à espérer, à me projeter, à me faire des beaux films. Rejoindre Jérém, ça veut dire être tenté de faire l’amour avec lui. Faire l’amour avec lui, c’est l’exposer à un risque. Pour réduire ce risque, nous allons devoir prendre des précautions. Et pour prendre ces précautions, je vais devoir lui expliquer ce qui m’est arrivé. Je vais devoir affronter son regard. Ça va être humiliant et risqué. Le risque de me faire rejeter me fait peur. L’idée de lui faire de la peine me fait mal au cœur.
Mais toutes ces inquiétudes ne font pas le poids face à mon besoin de le revoir. Je suis trop content que Noël m’apporte ce cadeau que j’ai appelé de tous mes veux. Je ne peux pas le refuser. Alors, pour les explications, on verra plus tard.
Pour l’heure, le premier problème qui se présente à moi, c’est comment expliquer à mes parents cette sortie tardive et imprévue. Ainsi que l’éventualité – enfin, une quasi-certitude que je vais présenter en éventualité pour tenter de mieux la faire accepter – que je passe la nuit dehors.
Je reviens dans la salle à manger comme en lévitation, la force responsable de cela étant la joie soudainement retrouvée. Je mange enfin ma tranche de bûche et j’arrive même à supporter les discussions entre papa et tonton. Je regarde régulièrement mon portable, trop régulièrement. 00h10, 00h15, 00h25, 00h30. Le temps passe lentement pour ceux qui attendent. Les minutes s’écoulent, le frisson au ventre, pendant que je cherche les mots et l’attitude pour annoncer mon départ imminent.
Enfin minuit quarante. Je ne peux plus procrastiner, il est temps d’annoncer que je vais partir. Il me tarde de me soustraire à ce stress, à ces regards, de me retrouver dans la rue, seul, et de savourer à fond les quelques minutes d’attente avant de retrouver Jérém.
Je me fais violence pour quitter ma chaise et me lever, pour ne pas me faire écraser par les regards qui se posent sur moi.
« Tu montes te coucher ? » me questionne maman.
« Non, je vais sortir… avec des potes ».
« Maintenant ? » fait papa, surpris et amer.
« Oui ».
« A mon avis, il va retrouver une poulette » fait « Pétunia », toujours aussi perspicace.
« Et tu rentres tard ? » me questionne maman.
« Il se peut. Je pense qu’on va sortir en boîte ».
« Tu me tiens au courant ? ».
« Promis » je lui lance, en tentant d’ignorer le fait que papa fait la tête.
« Bonne soirée chéri ».
Je prends congé de mes oncles, en leur disant de passer le bonjour au fameux Cédric.
Je traverse le couloir, je passe mon blouson, j’ouvre la porte d’entrée, je la referme derrière moi sans me retourner. Me voilà dans le froid de la nuit de Noël, dans le vent d’Autan, dans la pluie fine mais insistante. Des aléas que je savoure, que j’aime, car ils ont le goût de la liberté, et du bonheur.
Je regarde le portable pour voir si un message est arrivé. Rien du tout. Soudain, je me demande si tout ça est bien vrai. Si je n’ai pas tout imaginé. Le coup de fil de Jérém, son invitation. Heureusement, dans mes appels récents, il y a bien du « MonJerem ». Mais s’il ne venait pas ? S’il avait changé d’avis ? S’il avait eu un empêchement ? Combien de temps pourrais-je l’attendre, avant de trouver le courage de rentrer chez moi bredouille ?
Le vent d’Autan souffle fort, très fort ce soir. Je m’avance jusqu’à l’abribus le plus proche et je m’y installe pour me protéger du froid. Je m’assois, je sors à nouveau mon portable, je m’apprête à appeler Jérém pour lui dire que je suis déjà dans la rue. Devant moi, la circulation ralentit. Le feu un peu plus loin vient sans doute de passer au rouge. Une voiture noire et compacte, l’éclat de la peinture sublimé par les gouttes de pluie posées sur la carrosserie, glisse lentement devant moi, presque à l’arrêt. Mon regard est happé par son conducteur, un beau gars brun, visiblement sur son 31, sexy en diable. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, puis semble s’arrêter.
Je le fixe, comme hébété, comme paralysé. La circulation repart peu à peu, le beau brun est sur le point de redémarrer, lorsque je me lève d’un bond. Ce qui a pour effet d’attirer enfin son attention vers moi. Et là, le gars pile net, s’attirant immédiatement un concert de klaxons.
Mais Jérém a l’air de s’en foutre royalement. Il me sourit et se penche pour débloquer la porte côté passager. J’ouvre la porte et je bondis dans sa nouvelle voiture.
« Salut » il me lance, tout en redémarrant aussitôt.
« Salut ».
Blouson en cuir, chemise bleu nuit, t-shirt blanc qui dépasse du dernier bouton ouvert, nouveau parfum de mec, brushing de bogoss, sourire ravageur. Et dans ses gestes, dans sa voix, dans son regard, une douceur qui me fait fondre. Je sens que je pourrais partir à l’autre bout du monde avec ce gars.
« T’étais pressé, dis-donc » il me taquine.
« Je n’en pouvais plus de ce réveillon, j’étouffais ».
« Fais un bisou » il me lance, en se penchant vers moi et en me tendant ses lèvres.
« Allez, vite » il insiste face à mon hésitation.
Je pose un bisou sur ses lèvres tièdes, mais très furtif.
« On va où ? » je le questionne.
« Il y a un hôtel sur le boulevard Carnot. J’y ai dormi quelques nuits avant mon accident, et il n’est pas mal. Enfin, à moins que tu veuilles faire autre chose. Mais si on sort, je risque de tomber sur des potes, et on n’est pas rentrés ».
« L’hôtel me va très bien ».
« Je suis content de te revoir » il me lance, pendant que ses doigts jouent avec mes cheveux à la base de ma nuque et me rendent fou.
« Moi aussi, moi aussi » je lui réponds, ému.
« C’est ta nouvelle voiture ? » j’enchaîne.
« Oui, je viens de l’acheter d’occase. Elle te plaît ? ».
« Elle est mieux que la 205 ! ».
« Il n’y a pas de mal ».
Pourtant, en mon for intérieur je me dis que la 205 rouge de Jérém mérite plus de considération que ça. Car c’est dans cette voiture que Jérém m’a parfois ramené de boîte avant des nuits bien chaudes. Dans la 205 rouge, je lui ai même fait des gâteries. La 205 rouge était une partie de Jérém, comme ses cheveux bruns, ses tatouages, le petit grain de beauté dans son cou.
A l’hôtel, alors que je me sens un peu gêné par la situation, Jérém semble a contrario plutôt à l’aise pour demander une chambre pour « mon copain et moi ». Et lorsque le veilleur de nuit lui annonce qu’il ne lui reste que des chambres à grand lit, il ne se démonte pas et lui lance avec un aplomb certain :
« Ça, c’est pas un problème ».
Dans l’ascenseur, Jérém me sourit et m’embrasse. J’ai l’impression que, loin de Paris et de la pression du monde du rugby, je retrouve enfin le Jérém que j’aime, le Jérém amoureux, attentionné, tendre, câlin, adorable. J’ai très envie de l’embrasser aussi, mais quelque chose me retient. Je sais que je ne l’expose à aucun risque en l’embrassant, et pourtant, je ne me sens pas à l’aise.
La porte de la chambre refermée derrière nous, Jérém me serre très fort contre lui, il plonge son visage dans mon cou et me glisse à l’oreille :
« Tu m’as tellement manqué ».
« Toi aussi tu m’as manqué » je lui réponds, au bord des larmes.
A nouveau, ses lèvres cherchent mes lèvres, sa langue cherche ma langue. Nous nous embrassons longuement. La tendresse m’apaise, me donne du bonheur. Mais j’ai toujours du mal à me laisser aller.
Nous enlevons nos blousons, nous nous déchaussons, nous nous allongeons sur le lit et nous nous faisons des câlins dans les bras l’un de l’autre.
« Je sais que je t’ai encore fait du mal. Et je déteste ça. Je me déteste pour ça » je l’entends me glisser à l’oreille.
« Ne parlons pas de ça ce soir ».
« Tous les jours j’avais envie de t’avoir dans mes bras » il continue pourtant « Et de faire l’amour avec toi. Si je m’étais écouté, je t’aurais dit de venir tous les week-ends ».
« Mais tu avais tes matches, et les sorties avec tes potes ».
« J’avais tellement plus envie d’être avec toi que de sortir avec les collègues du rugby. Mais je ne savais pas comment gérer ça. J’avais peur. Je me suis laissé guider par la peur ».
« Tu avais tes problèmes ».
« C’est vrai qu’entre les matches, les entraînements et la fac, j’étais en stress permanent. Je ne voulais pas te montrer que je trimais. Mais c’était très dur de te dire « non » à chaque fois que tu me proposais de monter à Paris, parce que j’en avais autant envie que toi. C’était dur de ne pas te voir. Mais le plus dur c’était de penser au mal que j’étais en train de te faire, à nouveau, après t’en en avoir bien assez fait baver par le passé.
J’en était même arrivé à me dire que ça avait été une connerie de te rappeler après notre bagarre, et de t’avoir fait venir à Campan ».
« Pourquoi tu te disais ça ? Je n’ai jamais été si heureux avec toi qu’à Campan ! ».
« Parce qu’en te faisant venir à Campan, je t’avais donné des nouveaux espoirs. Si je ne t’avais pas rappelé, tu aurais fini par m’oublier et tu n’aurais plus souffert à cause de moi. Mais je n’ai pas pu m’empêcher. Je ne pouvais pas accepter de te perdre.
Je savais qu’une fois à Paris ça aurait été dur de continuer à se voir. Mais je n’avais pas anticipé qu’il aurait autant de pression et que ce serait à ce point compliqué de gérer cette distance ».
« Tu ne pouvais pas savoir ».
« Je pensais qu’à force de te demander des efforts, un jour tu allais en avoir marre et tu allais me quitter ».
« Et tu ne t’es jamais dit que tu aurais pu me parler de tout ça et que j’aurais pu comprendre et te soutenir ? ».
« Si, j’y ai pensé souvent. Si je ne l’ai pas fait, c’est parce que je ne voulais pas tu penses que j’avais honte de toi. Car je n’ai pas honte de toi, non. Et pourtant, je ne peux pas assumer notre relation.
Tu sais, quand tu es là, tout me paraît plus simple. Mais dès que je suis seul, tout se complique. Seul, je n’y arrive pas. Mais je tiens à toi aussi, beaucoup, beaucoup, beaucoup ».
« Ca me touche beaucoup ».
« Je savais que je te ferais souffrir à nouveau. Je le ressentais au téléphone, dans tes mots, dans le ton de ta voix, dans tes silences, dans tes non-dits. Et ça me fendait le cœur ».
« C’est pour ça que tu m’appelais moins souvent et que tu mettais du temps à répondre à mes messages ? ».
« Oui. Parce que je sentais que tu n’étais pas bien, et que je savais que c’était à cause de moi. J’aurais voulu te rassurer, mais je ne savais pas comment faire. Je ne pouvais plus te faire des promesses sans savoir si je pourrais les tenir. Je me sentais lâche ».
« Je n’ai jamais pensé que tu es un lâche, jamais ! J’aurais juste voulu que tu m’expliques tout ça plus tôt. Mais je me rends compte que je ne t’en ai pas vraiment laissé la possibilité ou même donné l’envie. Je n’aurais pas dû être aussi dur avec toi, j’aurais dû être davantage à l’écoute ».
« Tu souffrais, et je comprends tes réactions ».
« C’est parce que tu as eu peur que tu as voulu cette « pause ? » je le questionne.
« J’avais l’impression qu’on était dans une impasse. Je savais que je ne pouvais pas te donner plus et je sentais que ce que je te proposais n’était pas assez pour toi. J’avais l’impression que ton bonheur ou ton malheur dépendaient de moi. Et ça c’est une lourde responsabilité, trop lourde pour moi, en plus de mes autres problèmes. Sentir que tu souffrais à cause de moi c’était au-dessus de mes forces ».
« J’ai eu l’impression qu’entre ton premier coup de fil et le mien, tu avais complément changé d’attitude. J’ai eu l’impression que dans le premier tu avais encore eu à cœur de sauver notre histoire, alors que dans le deuxième, c’était comme si tu avais baissé les bras. Alors je me suis dit qu’il s’était peut-être passé quelque chose de ton côté qui t’avait poussé à prendre cette décision ».
« C’est vrai qu’il s’est passé des choses qui m’ont pas mal chahuté ».
« Tu veux m’en parler ? ».
« Un jour, début décembre, pendant un match entraînement » il enchaîne « Léo est venu sur moi comme un ours et m’a blessé au genou. Je suis sûr qu’il l’a fait exprès. Mais le coach n’a rien vu et il n’a pas été puni. Résultat, trois semaines d’arrêt de jeu. J’étais tellement déçu ! Enfin ça commençait à marcher pour moi, et cette blessure allait me ralentir de plusieurs semaines.
Je lui en voulais énormément, j’avais envie de lui casser la tête. Heureusement, Ulysse m’a convaincu à laisser couler. Mais après un match, ce connard de Léo a commencé à se foutre de ma gueule parce que j’étais sur le banc de touche. J’ai vu rouge. Je l’ai frappé, et j’ai eu trois semaines de mise à pied. J’étais vraiment mal ».
« J’ai l’impression que ce Léo ne t’aime pas beaucoup ».
« Ulysse dit qu’il était l’ailier espoir de l’équipe avant que je débarque. Et depuis mon arrivée, il aurait peur de se faire voler la vedette. Ulysse dit qu’il me fait chier pour me déstabiliser, parce qu’il est jaloux de moi ».
« Quel sale type ! ».
« Mais il y a encore autre chose. Quelques jours avant ton coup de fil, j’ai eu très mal en faisant pipi. J’ai fait des analyses et j’avais une bléno. Quand tu m’as appelé, je touchais le fond. Je n’avais pas envie de me prendre la tête avec toi. Ma vie était déjà bien assez compliquée ».
« Je comprends. Je comprends mieux. Et ta blessure au genou, ça va mieux ? ».
« Oui, ça se remet, c’est rien de grave. J’aurais pu jouer le dernier match avant les vacances si je n’avais pas été mis à pied ».
« Et ta bléno ? ».
« Soignée elle aussi. Et je suis hors période contagieuse ».
En entendant Jérém parler de sa MST, je ne peux m’empêcher de penser à l’« accident ». Et de me demander comment je vais faire pour lui en parler.
« Tu sais, à Paris, quand ça n’allait pas, j’ai souvent pensé à Campan, à comment on était bien là-haut » il enchaîne après quelques instants de silence « J’ai souvent regardé les photos que tu m’as données. On était si bien ensemble, loin de tout »
« Moi aussi j’ai souvent pensé à Campan, et à combien on était heureux là-haut ».
« J’ai tellement aimé te tenir dans mes bras devant la grande cascade à Gavarnie ».
Sa douceur et sa tendresse me rendent fou d’amour, elles effacent toute la souffrance de ces semaines loin de lui, des refus de me laisser aller le voir, de ses silences radio.
Jérém vient de tomber sa belle chemise bleue. Dans son t-shirt blanc ajusté il est sexy à mort. J’ai très envie de lui. Peu à peu ses caresses deviennent sensuelles, puis carrément érotiques. Je sens qu’il a lui aussi envie de passer à l’étape supérieure. Soudain, je pars ailleurs, et je me raidis.
« T’as pas envie ? » je l’entends me questionner.
Le moment est venu, je vais devoir lui parler de l’accident, maintenant.
« Si j’en ai très envie… mais… j’ai un truc à te dire… avant ».
« Quel genre de truc ? ».
« Le genre pas facile à dire ».
« Allez crache le morceau ».
« J’ai couché avec un mec ».
« Est-ce que tu crois que c’est le moment de parler de ça ? ».
« Si, justement, c’est pile le moment ».
« Tu avais le droit… ».
« Mais c’est pas ça le problème ».
« C'est quoi le problème, alors ? ».
« Le problème est que… la dernière fois la capote a cassé. Alors, depuis une semaine, je suis un traitement pour prévenir la séropositivité ».
« Quo… quoi ? ».
« Ça s’appelle « traitement de post-exposition », et c’est pour écarter le risque ».
« C’est toi qui avais la capote ou lui ? ».
« Lui… ».
« Mais tu as couché avec un gars qui a le Sida ? ».
« Non, non ! Enfin, je ne pense pas ».
« Mais si le gars n’avait rien, pourquoi ils t’ont donné ce traitement ? ».
« Parce qu’il n’a pas voulu se faire dépister. Alors, dans le doute… ».
« Et pourquoi il n’a pas voulu ? ».
« Je ne sais pas. Je lui ai demandé de faire le test, mais je n’ai pas réussi à le convaincre ».
« Mais quel connard ! ».
« Je vais devoir prendre le traitement pendant un mois. Et je referai un test en mars pour savoir si je suis clean. En attendant, je dois me protéger. Et je me dois de te protéger ».
Son regard brun s’assombrit à vue d’œil, comme les nuages d’été apportées par un vent violent et annonçant l’orage. Je vois passer dans son regard le flux désordonné des mille pensées qui assaillent son esprit à cet instant. Je capte leur passage en tempête sans savoir de quelle nature elles sont.
Mon regard est suspendu au sien. J’ai l’impression que ma respiration ainsi que les battements de mon cœur sont suspendus, et que le temps lui-même est suspendu à cet instant interminable où tout peut basculer. Que ressent Jérém à cet instant précis, surprise, inquiétude, dégoût ? Est-ce qu’il va avoir peur pour moi ou peur de moi ? Je sais que je risque de me faire rejeter et je sais que je ne supporterais pas ça.
Et là, Jérém me serre fort dans ses bras et me lance, avec une voix désespérée :
« Ça ne peut pas se passer comme ça. Tu n’as rien, Nico, tu entends ? ».
C’est là que je recommence enfin à respirer.
« J’espère, j’espère ».
« C’est pour ça que tu ne voulais pas trop m’embrasser ? ».
« Je sais qu’il n’y a pas de risque de ce côté-là, mais j’étais mal à l’aise ».
« Je croyais que tu faisais la tête ».
« Non, pas du tout ».
Jérém me serre un peu plus fort dans ses bras. Sa proximité me fait un bien fou. Dans ses bras je me sens en sécurité. Je l’ai rêvé et le rêve est devenu réalité. Je suis heureux.
« Ça veut dire qu’on ne peut rien faire ? » je l’entends me questionner après quelques instants de tendresse pure. Le Jérém doux et sensible est bien là. Mais le Jérém coquin n’est jamais loin. J’adore.
« Si, à condition de se protéger ».
« Ça va faire bizarre ».
« Oui, c’est sûr. Mais je ne peux pas prendre de risque ».
« On fera ce que t’as envie ».
« Tu as des capotes ? » je me surprends à lui demander, sans vraiment arriver à savoir si je préfère qu’il me réponde oui ou non.
« Je crois que je dois en avoir ».
Le bogoss fouille dans son blouson et il en sort deux capotes de marque.
Evidemment, ces deux petits emballages carrés et bombés me heurtent. Déjà, parce qu’ils sont la preuve que mon bobrun a couché avec des nanas. Ils me heurtent aussi parce que moi aussi j’en ai utilisés avec Benjamin, ce qui me met face à l’aberration d’avoir couché avec ce mec alors que le seul gars que j’aime est Jérém. Ces deux capotes me rappellent aussi que l’une de leurs « consœurs » n’a pas assuré et que cela m’a conduit à cette situation. Mais en même temps, leur présence me réjouit, car cela va me permettre de faire l’amour avec Jérém.
Nous recommençons à nous embrasser avec entrain, pleins de fougue, ivres d’excitation. Je soulève son t-shirt blanc, je lance ma langue et mes lèvres à l’assaut de ses pecs, de ses tétons saillants. Je m’enivre de la tiédeur de sa peau mate, de ses poils bruns qui, ô grand bonheur, n’ont visiblement pas croisé de rasoir depuis un certain temps, et qui sont en train de bien repousser.
Parcourir sa peau douce, être enivré par la fragrance capiteuse, prégnante, sensuelle, très masculine qu’elle dégage, ce sont des bonheur dont je ne me lasse pas et qui me mettent dans un état second.
Mais, au fond de moi, je sens que quelque chose perturbe ce bonheur sensuel. Je sens que je ne vais pas pouvoir me laisser aller comme d’habitude. Je sais que je ne vais même pas pouvoir le sucer sans mettre entre lui et moi cette protection qui va tout changer. Je me demande ce qu’il va ressentir.
Je ne suis pas contre la capote, elle a même un côté excitant, quand on y pense. Mais mettre une capote avec un gars avec qui on a couché depuis presque un an, qui a joui en moi un nombre de fois assez conséquent, est dur à admettre. J’ai l’impression que cette capote va mettre une distance entre nous, comme si on redevenait deux inconnus qui se méfient l’un de l’autre.
Ma langue descend vers ses abdos, se laisse guider par le creux de ses tablettes de chocolat, avant de se laisser happer par cette délicieuse ligne de petits poils qui mène à sa virilité. Dans mon fabuleux voyage, je finis par me heurter à la barrière dressée par l’élastique épais de son boxer dépassant du jeans. Une barrière stimulante, excitante, mais facile à faire sauter.
Mes doigts impatients s’attaquent à sa ceinture, défont sa braguette. Ils écartent légèrement l’élastique du boxer, tout juste ce qu’il faut pour qu’en approchant mon nez, je puisse me laisser percuter, renverser, envahir par un intense bouquet de petites odeurs tièdes de jeune mâle.
Je glisse mes doigts dans le boxer, je saisis la belle bête raide, je la dégage de sa prison de coton. Je fais glisser le jeans et le boxer sur ses cuisses et je le branle lentement, tout en léchant langoureusement ses boules. Pendant ce temps, ses doigts à lui se glissent sous mon t-shirt, caressent mes tétons, m’offrent une tempête de décharges électriques qui se propagent partout dans mon corps. Ses caresses et sa fougue m’enivrent de bonheur.
Je sais qu’il va bien falloir que je m’arrête à un moment pour lui passer la capote, mais je n’ai pas le courage d’interrompre ce moment de complicité sensuelle. Alors, je repousse cette petite coupure le plus longtemps possible. Sans pourtant arrêter d’y penser, ce qui gâche un peu mon plaisir.
Mais je sens que Jérém s’impatiente, je sens qu’il a envie que je le suce.
Je me décide enfin à prendre mes responsabilités. Je quitte sa queue et ses boules, j’attrape une capote, je la déchire et je tente de la dérouler autour de sa queue. Je me trompe de sens, je dois recommencer, deux fois. J’évite de croiser son regard, je me sens mal à l’aise. Jérém se laisse faire, sans rien dire. Je sens qu’il est perplexe. Ça doit lui faire bizarre, tout comme à moi.
J’arrive enfin à dérouler la capote jusqu’à la naissance de ses bourses. Je saisis son gland entre mes lèvres, je tente d’exciter le frein avec ma langue, mais l’effet est moindre. Pour moi, et pour Jérém aussi. Il n’y a presque pas de réaction de sa part.
Je commence alors à le pomper avec entrain, bien décidé à me donner à fond pour nous faire oublier cette capote. Mais elle ne se laisse pas oublier si facilement. L’absence de contact direct avec sa queue, avec la douceur et la tiédeur de sa peau fine et de ses petits goûts, en met clairement un coup à mon plaisir.
Mais le plus frustrant est ailleurs. Ce qui me manque le plus, c’est de sentir mon Jérém prendre son pied comme d’habitude. Car non, le bogoss non plus ne frissonne pas comme d’habitude. Ce qui me prive du bonheur intense que je ressens en lui faisant plaisir, sensation qui participe grandement à mon propre plaisir.
Je redouble d’entrain pour essayer de pallier cela. Une tentative « désespérée » qui ne parvient pas pour autant à atteindre le résultat voulu. Car, au bout d’un petit moment, j’entends le bogoss me lancer :
« Arrête, s’il le plaît ».
« Ça va pas ? ».
« J’aime pas faire ça avec la capote » il me lance.
« Moi non plus » j’admets à mon tour, en regardant cette queue bien tendue, belle, invitante, emprisonnée dans cet emballage hideux.
« Il n’y a pas de risque à faire ça… sans protection… » il ajoute.
« Si, il y en a un ».
« Tant pis, je prends ce risque. Enfin… si tu es d’accord » fait-il en ôtant la capote d’un geste rapide.
Je suis tiraillé entre les recommandations du médecin « n’oubliez jamais de vous protéger et de protéger votre partenaire » et l’envie d’avaler cette queue magnifique, de pomper mon bobrun jusqu’à le faire jouir, jusqu’à avaler sa semence de bogoss. Plus je regarde cette queue invitante, plus je me sens glisser du côté du désir.
Mais je ne peux baisser la garde. Je saisis sa main, je l’invite à s’asseoir sur le bord du lit. Je me glisse dans son dos, j’entoure ses cuisses avec les miennes. Je saisis doucement sa queue raide et je commence à le branler lentement, tout en excitant des tétons, et en posant des bisous légers dans son cou. Le bogoss frissonne.
Quel bonheur immense de doser son plaisir rien qu’avec la pression et les mouvements exercés par ma main. Avant d’atteindre le bonheur ultime, celui de sentir le frisson de son orgasme se propager dans son corps et dans le mien. Avant de le sentir jouir, et d’accueillir ses giclées chaudes puissantes, lourdes, épaisses, dans mon autre main. Je me laisse transporter par le soupir profond qui accompagne son orgasme, je suis ému de sentir son corps se relâcher après le bonheur des sens.
Pendant que je m’essuie les mains dans mon t-shirt, le bogoss récupère pendant quelques instants. Puis se relève, il passe dans mon dos, il me fait m’installer à mon tour entre ses bras et ses cuisses. Il passe les deux mains sous mon t-shirt et il entreprend de caresser mes tétons, tout en frôlant ma peau avec sa barbe de quelques jours et en posant des bisous doux dans mon cou.
Je bande comme un âne, je suis à un niveau d’excitation impossible. J’ai envie de jouir. Je pose ma main sur ma queue, mais sa main vient l’en éloigner. Je me laisse faire, alors que sa main continue à exciter l’un de mes tétons, et que l’autre revient titiller les deuxième. C’est divinement bon, mais j’en peux plus. J’ai terriblement envie de jouir. Je veux me branler pour en finir. Je tente de me faire plaisir, mais sa main vient une nouvelle fois m’en empêcher.
« Laisse-moi me branler, j’ai trop envie de jouir » je le supplie.
« Pas encore, tu n’es pas encore assez excité ».
« Tu parles, j’en peux plus ».
Je me sens mouiller comme ça ne m’est pas arrivé depuis longtemps. J’ai l’impression qu’il pourrait me faire jouir rien qu’en m’excitant comme il est en train de faire. Mais je ne peux plus attendre, je n’en peux plus d’attendre.
« C’est moi qui te ferai jouir, quand je l’aurai décidé » je l’entends me glisser à l’oreille, avec une sensualité et un aplomb viril qui décuplent encore mon extase, alors que sa main relâche lentement la mienne pour revenir à travailler mon deuxième téton.
Mon excitation monte de pair avec la frustration et je commence à croire que je vais perdre la raison pour de bon. En attendant, je perds ma volonté. Ce que Jérém est en train de me faire est tellement bon que je n’ai d’autre choix que de me laisser faire, de me laisser transporter dans ce bonheur qui noie mon esprit.
C’est lorsque j’ai lâché prise, lorsque l’excitation m’a envahi jusqu’à me faire tout oublier, y compris l’irrépressible besoin de ma main d’aller me branler, que je sens enfin la sienne saisir doucement ma queue et commencer à la caresser, lentement.
Dans l’état de tension sexuelle qui est le mien à cet instant, il ne lui faut pas plus que quelques va-et-vient pour provoquer en moi l’un des orgasmes les plus puissants que j’aie connu dans ma vie. Tellement puissant que je ne peux contenir un immense râle de plaisir, alors que le bogoss continue de poser des bisous sur ma peau, dans le cou, sur la nuque, sur la joue.
Pendant que le bobrun passe à la salle de bain pour se laver les mains, j’en profite pour envoyer un message à maman pour lui dire que je suis avec Jérém, que tout va bien et que je ne vais pas rentrer avant le matin.
Le bobrun réapparaît dans la chambre et s’approche de la seule fenêtre pour fumer une cigarette. Je suis happé par l’image saisissante de sa nudité parfaite. Il me tarde de me retrouver à nouveau dans ses bras.
Heureusement, cette clope est de celles « qui finissent vite ». A croire que Jérém est lui aussi pressé de me rejoindre au lit. Le bobrun ne tarde pas à écraser son mégot et à venir se blottir contre moi.
Après quelques câlins et un court assoupissement, nos corps ont à nouveau envie de s’emboîter, de se donner du plaisir. Jérém a envie de me faire l’amour et j’en ai envie aussi.
Une envie une fois de plus parasitée par la peur que quelque chose se passe mal. La capote va s’inviter une nouvelle fois dans notre intimité, bien sûr, et cette fois-ci elle sera incontournable. Mais cela n’efface pas ma crainte qu’elle puisse casser. Comme c’est arrivé avec Benjamin. Comme c’est d’ailleurs arrivé la première fois que j’ai laissé Jérém venir en moi. De plus, nous n’avons pas de gel…
Jérém semble anticiper mes craintes car, avant de venir en moi, il s’attarde longuement à exciter mon trou avec sa langue. Ce qui a le multiple effet de préparer sa venue, de détendre mes muscles, en même temps que mon esprit, et de faire grimper mon excitation.
Cette fois-ci, c’est Jérém qui s’occupe de la capote. Installé entre mes cuisses, en appui sur ses genoux, tous pecs et abdos dehors, la queue bien raide pointant le zénith, le bogoss déchire l’emballage avec un geste assuré. Puis, il passe la capote sans se tromper de sens, avec une dextérité bluffante, en écartant bien la membrane élastique, comme s’il avait fait ça souvent. Car il a fait ça souvent.
Mais cette pensée désagréable est vite effacée par le bonheur d’assister à ses gestes assurés et « très mec », ainsi que par cette petite attente très sensuelle que le mâle « s’habille » pour venir en moi. Je me laisse porter par le bonheur présent, le bonheur sensuel qui est là, juste devant moi.
Jérém est enfin prêt pour venir en moi. Il avance un peu plus entre mes cuisses, il saisit mon bassin, le relève doucement en gonflant ses beaux biceps. Son gland se presse contre ma rondelle. Mais malgré la pression de plus en plus insistante, mes chairs semblent refuser de céder.
« Détends-toi » je l’entends me chuchoter.
« Je n’y arrive pas ».
« Tu as peur ? ».
« J’ai peur que la capote casse ».
« Elle ne cassera pas, t’inquiètes ».
« Mais c’est déjà arrivé… » je lance, avant de préciser, me rendant compte de ma maladresse « entre nous deux, je veux dire ».
« T’inquiètes, je vais faire doucement » fait le bomâle, tout en se penchant sur moi pour me faire plein de bisous.
Son gland revient tenter sa chance et il arrive enfin à se frayer un chemin, tout en douceur, dans mon intimité. Je suis tellement tendu que j’ai mal. Très mal. Jérém se retire, me laisse respirer, il revient. Peu à peu, il glisse en moi. Puis, il commence à me limer lentement.
Au début, mon plaisir est pas mal perturbé par la peur que la capote ne tienne pas le coup. D’ailleurs, à deux reprises, je lui demande de ressortir pour vérifier, chose qu’il fait sans broncher.
Puis, peu à peu, le plaisir et le bonheur effacent la peur. Je me concentre sur le bonheur de voir Jérém prendre son pied, de sentir sa queue coulisser en moi, sur l’oscillation de cette chaînette de mec qui ondule au gré de ses va-et vient, sur la puissance de ses pecs et de ses biceps, sur ses tatouages, sur ce petit grain de beauté dans le creux de son cou que je trouve terriblement excitant.
Le plaisir est tellement intense que j’arrive enfin à m’abandonner et à oublier tout le reste. Je me concentre sur le bonheur d’être avec Jérém et de faire l’amour avec lui, car c’est tout ce qui compte.
A cet instant, il n’y a plus de nanas, plus de Benjamin. Nous ne sommes que tous les deux, nous sommes seuls au monde, parce que nous nous aimons.
Jérém a raison : « Rien ni personne ne peut nous enlever ce qu’il y entre nous ».
Mon bobrun a l’air assommé par la montée de son plaisir. Après le passage de son nouvel orgasme, le bogoss à l’air vraiment sonné. Quant à moi, il me suffit de sentir un petit frottement de sa peau contre mon gland, pour que ma queue s’embrase comme une allumette, pour que mon sperme souille une nouvelle fois nos deux torses.
Jérém me serre très fort contre lui. Un moment de tendresse dont je n’arrive pas à profiter pleinement car désormais mon esprit est ailleurs. Et ce n’est que quelques instants plus tard, lorsque Jérém se déboîte de moi, et en voyant que la capote a tenu le coup, que j’arrive enfin à m’apaiser.
Il est presque 5 heures du mat. Nous sommes fatigués mais repus de plaisir et de bonheur. Au lieu de se lever pour fumer sa dernière cigarette, Jérém me serre dans ses bras et me fait des bisous dans le cou. Et il s’endort comme un bébé.
Une pensée fait surface dans mon esprit alors que le sommeil est en passe de me happer. Loin de Paris je retrouve le vrai Jérém. Et ce Jérém, je l’aime comme un fou.
Le père Noël existe.
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Fabien