23 Décembre 2021
Lorsque je me réveille, le jour rentre par la petite fenêtre. Jérém n’est plus dans le lit. Un joli feu flambe dans la cheminée. Sur la plaque en fonte, la cafetière est en train de gargouiller et de diffuser le délicieux arôme qui fait qu’un matin commence sous les meilleurs auspices. Sur la table, du pain et de la confiture.
Je regarde l’heure sur mon portable, il est 8h26.
Il est des réveils plus agréables que d’autres. Et ce genre de réveil, dans la maison et dans le lit de Jérém, devant ce joli feu, avec un bon petit déjeuner en perspective, c’est aussi beau qu’un rêve.
La porte d’entrée s’ouvre, et le bobrun débarque avec les bras pleins de bois, qu’il dépose bruyamment au pied de la cheminée.
« Salut, toi ! » il me lance, en voyant que je suis réveillé.
Il referme la porte d’entrée, il enlève la cafetière de la plaque, et vient me faire un bisou.
« T’as bien dormi ?
— Oui, très bien, merci.
— C’est pas une question ! T’as roupillé comme un ours en hibernation !
— Je suis un Ourson !
— Tu parles d’un Ourson !
— J’étais fatigué.
— Je sais, j’étais fatigué aussi.
— Alors, on fait quoi aujourd’hui ? il enchaîne, sans transition.
— Je ne sais pas, à toi de me dire.
— J’aurais bien fait du cheval, mais avec ce qu’il a plu, je crois bien que c’est raté. On va passer dire bonjour à Martine et à Charlène, on va voir ce qu’elles ont prévu pour ce soir.
— Mais avec plaisir ! »
Chez moi, je n’ai pas faim le matin, et je n’ai pas non plus le temps de petit-déjeuner. En fait, je ne prends pas le temps de petit-déjeuner. Mais là, en compagnie de Jérém, je prends le temps. Je tartine de la confiture sur le pain, je bois du café, et je recommence.
Dès que nous passons la porte de la superette, nos tympans sont soumis à la rude épreuve des manifestations très sonores de Martine nous signifiant ainsi sa joie de nous revoir.
« Ooooooohhhhhhhhhhhh les voiiiiiiiiiilàààààààààààààààà, mes deux gars préférés !!! Mais vous êtes encore plus beaux que la dernière fois ! elle s’exclame en crescendo, tout en nous prenant dans ses bras à tour de rôle, en nous serrant très fort, et en nous claquant des bises bien sonores.
— Ça fait combien de temps que je ne vous ai pas vus ?
— Depuis début janvier ! lâche Jérém.
— Ah, les vilains ! Vous ne venez pas voir Tata Martine assez souvent !
— Ça a été une année compliquée…
— Je sais, je sais, mais tout va bien maintenant ! Le Stade, je te jure ! Tu fais pas les choses à moitié, mon grand !
— J’ai eu un bol terrible !
— A mon avis, ce n’est pas que du bol ! Tu es un très bon joueur à ce qu’on dit !
— C’est ce qu’on va voir dans les prochains mois. Au fait, tu sais quelque chose pour ce soir ?
— Je sais qu’on va bouffer et picoler et chanter !
— C’est un beau programme !
— C’est Charlène qui s’occupe de tout, il faut voir avec elle…
— Ok, je vais aller la voi…. »
Jérém est interrompu par l’arrivée bruyante de deux autres visages connus.
« Ehhhhhhhh ! Salut Jérémie, salut Nico ! lance Ginette sur un ton enjoué. Ça fait plaisir de vous revoir dans nos montagnes ! »
La doyenne des cavaliers nous fait la bise et son mari Éric nous serre la main.
Moi aussi je suis super content de les revoir.
« Le plaisir c’est pour nous, je considère. Elles nous ont manqué vos montagnes, et vous aussi.
— Ah, qu’il est mignon, ce petit. Tu l’as bien choisi, Jérém ! Garde le bien près de toi, tu n’en trouveras pas un autre si mignon !
— Je sais, je sais ! Mais lui aussi il a de la chance d’être avec moi, fait le bobrun en se marrant.
— C’est vrai, c’est vrai… »
Nous nous regardons et nous nous sourions.
« Alors, il semblerait qu’on a un truc à fêter ce soir…
— Il paraît, oui, fait Jérém.
— Félicitations le stadiste !
— Merci, merci. Allez, on file chez Charlène pour lui filer un coup de main. On se voit ce soir !
— Je fais une potée…
— Hummmm…. On va se régaler ! s’exclame Martine. On va se faire péter le bide !
— Avec modération quand même, il faut que je reste en forme ! fait Jérém.
— Mais ta gueule. Tu vas pas nous faire chier ! » lâche Ginette.
C’est drôle d’entendre ces mots abrupts sortir de la bouche d’une femme de son âge, à l’allure aussi respectable que la sienne. Mais ce qui est encore plus drôle, c’est le ton très poli, pas un mot plus haut que l’autre, avec lequel elle les débite.
« En vrai, je ne raterais la potée de Ginette pour rien au monde ! finit par admettre le bobrun, mort de rire.
— Ah, tu me rassures ! »
Nous retrouvons Charlène en train de nourrir les chevaux au pré.
« Ah, te voilà mon grand ! fait la cavalière en serrant son "poulain", désormais devenu "étalon", dans ses bras.
— Mais tu ne m’avais pas dit que tu ramenais Nico ! elle enchaîne, en m’embrassant à mon tour.
— Je ne savais pas s’il… s’il pouvait se libérer… à la dernière minute…
— A d’autres, oui ! Dis plutôt que tu lui as encore fait la misère et que t’avais peur de te prendre un râteau ! C’est pas vrai ?
— Mais ta gueule !
— C’est pas vrai, Nico ? elle insiste.
— C’est une façon intéressante de voir les choses, je plaisante.
— Tu sais pas la chance que tu as d’avoir quelqu’un qui t’aime… »
Jérém sourit, l’air rêveur.
« Sinon, ils sont où mes chevaux ? il enchaîne aussitôt.
— Ils sont dans le pré derrière le bois… »
Avant de nous y rendre, nous aidons Charlène à terminer son astreinte. Les box nettoyés et paillés, nous marchons une bonne dizaine de minutes pour rejoindre le pré en question. Nous sommes encore loin de la clôture lorsque Unico commence à s’agiter.
« Mon Unico m’a vu ! Regarde-le comment il s’excite, je lui ai manqué !
— Il n’y a pas qu’à lui que t’as manqué !
— Je sais, je sais. Je ne sais pas assez bien m’occuper de ceux que j’aime. »
A leur tour, Tequila et Bille commencent à faire les cent pas au pas de course devant la clôture. Lorsque nous arrivons à portée d’encolure, nous ne sommes pas trop de deux pour absorber le déluge de câlins envoyé par les trois équidés.
Par chance, j’ai pensé à acheter un appareil jetable chez Martine. J’ai 24 clichés à disposition pour immortaliser ce week-end. J’en utilise deux pour essayer de fixer le bonheur de Jérém en train de faire des câlins avec ses chevaux.
« J’aurais vraiment voulu monter, ça fait chier qu’il ait autant plu ! il proteste.
— Peut-être demain…
— Non, ce sera toujours trempé. Et puis, il faut que je reparte demain en fin de matinée. Depuis Tarbes, il me faut du temps pour arriver à Paris.
— Je te ramène à Toulouse, si tu veux.
— Mais tu ne repars pas à Bordeaux ?
— Si, mais je peux faire un crochet par Toulouse. J’en profiterai pour passer voir Maman.
— Et avec ton père, ça s’est arrangé ?
— Non, pas vraiment. On ne se parle pas et il me fait toujours la gueule. Quand il me parle, c’est pour me rabaisser. Alors j’y vais de moins en moins. Maman me manque, mais l’ambiance est trop pénible.
— La mienne aussi me manque, depuis dix ans.
— Désolé, je lâche, en réalisant ma maladresse.
— Ton père doit être fier de toi, maintenant que tu es dans une équipe du Top 16… j’enchaîne pour faire diversion.
— Je ne sais pas trop, il ne m’a jamais montré qu’il était fier de moi.
— Je suis sûr qu’il va finir par te montrer qu’il est fier de toi.
— J’aimerais surtout qu’il me montre qu’il m’aime tel que je suis, et qu’il m’aimerait quoi qu’il arrive. Je crois que c’est ça que j’aimerais m’entendre dire par mon père. »
Qu’est-ce qu’il peut être adorable et touchant mon beau brun ! Je suis ému par ses mots, des mots qui me montrent à quel point le manque du pilier du soutien familial est une blessure toujours ouverte dans son cœur.
— T’as vu quelle belle journée ? il enchaîne sans prêter attention à mes excuses.
— Oui…
— Tu sais ce que j’ai envie de faire ?
— Dis-moi !
— J’ai envie de monter au Pont d’Espagne !
— On devait y aller l’an dernier…
— Oui, je sais. Et j’ai envie de marcher jusqu’au lac de Gaube.
— C’est loin ?
— Une heure de marche, je pense. Ça te botte ?
— Allez !
— T’as des chaussures de marche ?
— Je n’ai que ces baskets…
— On va demander à Charlène si elle n’a pas une paire de chaussures à te prêter. »
« Ah, zut, je me faisais une joie de vous garder à midi… j’avais même fait un gâteau, elle réagit à l’annonce de nos projets pour la journée.
— Ah, fait Jérém, l’air dépité.
— Qu’est-ce que c’est facile de te faire culpabiliser ! fait Charlène, taquine.
— Pffffff…
— Allez vous amuser, les gars, je garde le gâteau pour ce soir.
— Au fait, y a besoin de quoi pour ce soir ? demande Jérém.
— Y a besoin que vous soyez là !
— Allez, qu’est-ce que je ramène ?
— Côté bouffe, tout le monde amène un truc comme d’hab. Je pense qu’il y en aura plus que nos ventres peuvent en contenir. Amène de la boisson, si tu veux. »
Jérém se propose de prendre le volant et j’accepte avec plaisir. Un choix qui me paraît de plus en plus judicieux au fur et à mesure que nous nous approchons de notre destination.
Depuis Cauterets, en effet, la route virevolte en une succession de lacets à la pente de plus en plus prononcée et de virages de plus en plus serrés et ponctués de cascades.
L’eau, sa puissance indomptable, son rugissement impressionnant, c’est l’essence même de ce site si particulier qu’est le Pont d’Espagne. Elle nous suit, nous entoure, nous fait nous sentir tout « petits ». Même les passerelles et le grand pont en pierre qui nous permettent d’enjamber sa rage, nous paraissent si humbles face à la force inouïe qui coule sans discontinuer en contrebas. Les balcons à flanc de montagne nous permettent d’approcher un peu plus l’inépuisable vigueur de l’élément aquatique qui s’engouffre comme une furie dans le canal en pierre creusé par des millénaires de course sans répit. Au plus près du courant et de son écume, j’ai l’impression de plonger dans son hurlement assourdissant et impérieux.
Il est midi lorsque nous rejoignons le seul restaurant sur place. Nous faisons une halte pour prendre des sandwichs et des boissons. Devant la grande cascade, je tente de prendre Jérém en photo. Une nana s’arrête et me propose de nous prendre en photo tous les deux. J’accepte avec grand plaisir. J’ai si peu de photos où nous sommes tous les deux ! Je m’installe à côté de lui et je sens sa main se glisser sous mon t-shirt à hauteur de mes reins. Je suis si heureux.
Nous laissons les cascades derrière nous et nous mangeons nos sandwichs en marchant, direction le lac de Gaube. Le petit chemin qui relie les deux sites démarre avec un certain nombre de hautes marches en pierre, avant de continuer dans la forêt. Nous traversons ensuite une région plus ouverte, où des vaches grises à cornes paissent en toute quiétude et ne lèvent même pas la tête à notre passage. Je ne suis pas rassuré, je me rapproche de mon bobrun qui trace son chemin comme s’il ne les avait même pas vues.
Il n’y a pas trop de monde, et nous avançons vite.
Le chemin continue ensuite dans différents décors, tantôt à flanc de pente, tantôt à l’abri de la végétation boisée, tantôt dans des passages encaissés, puis dégagés. Au bout d’une bonne heure de marche assez prenante, notre petit périple débouche enfin sur un théâtre naturel majestueux.
Un petit lac d’eau turquoise est posé entre deux pentes de roche et de pins blancs, comme un diamant incrusté dans un bijoux précieux.
Au loin, trois isards pâturent dans la pente et semblent nous surveiller du coin de l’œil. Sur le fond, une grande montagne clôt la vallée. Nous nous arrêtons un instant devant ce spectacle naturel saisissant.
« Tu sais quelle est cette montagne, au fond ? je questionne mon beau guide.
— Je crois que c’est le Vignemale. C’est le plus haut sommet des Pyrénées.
— Mais tu sais tout, mon Jérém !
— C’est l’une des rares choses que mon père m’a apprises, avant que nous commencions à nous détester » il lâche, avant de continuer vers le rivage.
Une fois arrivé près de l’eau, il s’assoit sur une grande pierre. Il s’installe de trois quarts par rapport au lac, une jambe allongée, pied au sol, l’autre repliée contre son torse, enserrée dans ses bras, le menton posé sur le genou, la tête tournée vers la vallée, le regard au loin, contemplatif. Il est beau et touchant à en pleurer.
Des vaguelettes incessantes caressent le rivage caillouteux, tout comme moi j’ai envie de caresser mon bobrun à cet instant précis. Je voudrais passer ma vie entière à le câliner comme la nuit passée.
En dépit de la pluie de la veille, le ciel est bleu, et un beau soleil distribue dans ce somptueux tableau naturel des couleurs à couper le souffle. Les pentes opposées se reflètent dans les eaux, des eaux limpides mais aux nuances changeantes suivant le point d’où on les regarde et l’intensité des rayons du soleil.
J’ai envie de prendre mon Jérém en photo devant ce cadre somptueux. Je sors mon appareil et je l’appelle.
« P’tit Loup ! »
Et là, le bobrun tourne sa tête. Et il me sourit. Et son sourire doux est tellement beau que j’engage pas moins de quatre poses pour être certain de l’immortaliser, pour capturer cet instant de bonheur. Car je suis certain que cela va donner un cliché magnifique.
Il n’y a personne aux alentours, je le rejoins près de la pierre où il est assis. Le bobrun me fait m’asseoir entre ses jambes et me prend dans ses bras. Je me contorsionne pour lui faire un bisou, qu’il me rend plusieurs fois, avec un sourire qui me fait fondre. Je me laisse bercer par cet instant précieux et magique, par ce paysage de montagnes, d’eau, de forêt et de pierre. Et par cette douce accolade, par ses bisous intarissables, dans le cou, sur les oreilles, sur la joue, par sa barbe qui râpe doucement le bas de la nuque, par son souffle chaud qui me donne des frissons. Je suis infiniment heureux.
Soudain, je pense à un autre instant, un an plus tôt, où j’étais dans ses bras, face à un autre majestueux spectacle offert par les Pyrénées. C’était sur la butte devant la grande cascade de Gavarnie. Et c’était juste avant qu’il m’annonce qu’il venait d’apprendre qu’il était recruté par le Racing et qu’il devait partir dès le lendemain.
Cette fois-ci aussi il doit repartir le lendemain. Mais j’espère qu’après ces nouvelles retrouvailles, notre « séparation » sera moins difficile, et moins pleine d’incertitudes pour la suite de notre relation. Et surtout, surtout, surtout, j’espère que lorsque nous redescendrons à Campan, Charlène ne nous annoncera pas une nouvelle catastrophe à l’autre bout du monde.
Je repense à sa tête lorsqu’elle nous avait ouvert la porte il y a un an. Je repense à l’incrédulité, puis à l’effroi devant la tour en feu. A la douleur mentale et presque physique lorsque le deuxième avion avait percuté la deuxième tour. Je repense à l’horreur, au sentiment d’impuissance, à la peur panique.
L’horreur du drame de Manhattan s’invite dans le bonheur de cet instant magique en le rendant presque obscène.
Oui, je pense à Manhattan. Et je pense à Kaboul. Un air de musique se fraie un chemin dans mon esprit.
Petit Portoricain…
Et la culpabilité s’invite elle aussi dans mon esprit. Heureusement, Jérém se charge de m’arracher à mes états d’âme.
« Tu sais ce que j’aime en toi ? »
Ah, j’aime bien cette entrée en matière qui annonce la réponse à une question que je me pose depuis toujours.
« Dis-moi…
— C’est que tu es un gars… disons… tout terrain… tu n’as jamais fait du cheval, tu te lances. Tu n’as jamais marché en montagne, tu ne recules pas.
— Tu me donnes envie de te suivre au bout du monde.
— Et tu me donnes envie d’y aller… »
J’ai envie de pleurer. Je me retourne et je l’embrasse. Hélas, mon élan est stoppé net par les circonstances.
« Arrête, arrête, il y a du monde… »
Je tourne le regard et je capte en effet deux randonneurs, un homme et une femme à quelques dizaines de mètres de nous, à la sortie du petit chemin. Et là, animé d’un élan inattendu, je bondis de la pierre, je me retourne vers lui, je le regarde droit dans les yeux et je lui lance, sur un ton de défi :
« Je croyais que tu venais de me dire que je te donnais envie d’aller au bout du monde… »
Le beau brun lève la tête vers le ciel et éclate dans un rire sonore. « Il ne faut rien te dire à toi !
— J’enregistre tout…
— Touché… »
Et là, il m’attrape par le pull, m’attire vers lui avec un geste brusque et m’embrasse. Et pas un simple bisou, non. Un long baiser bien appuyé, bien gourmand.
« Monsieur est satisfait maintenant ?
— Monsieur pense que c’est un bon début mais qu’on peut sans doute mieux faire…
— Ta gueule ! Monsieur n’a qu’à embrasser un caillou ! »
Je me marre avec lui et je me rassois à côté de lui. C’est là que je remarque que la dame et le monsieur sont en train d’approcher. Ils ont l’air d’avoir une soixantaine d’années. Jérém les regarde fixement.
« Qu’est-ce qu’ils veulent, ceux-là ? il chuchote dans le vide, l’air pas vraiment commode.
— Bonjour, les gars, nous lance le type, en s’arrêtant à deux mètres de nous. La dame nous salue à son tour.
— Bonjour, je lâche.
— Bonjour, fait Jérém, sèchement.
— Nous… nous… vous… bafouille le mec, l’air vraiment mal à l’aise.
— Nous vous avons vus tout à l’heure, finit par lâcher la dame.
— Qu’est-ce que vous avez vu ? fait Jérém en sortant ses griffes.
— Nous vous avons vus vous embrasser.
— Donc, vous n’avez vu rien qui vous regarde ! Ce ne sont pas vos oignons ! Allez, circulez ! surenchérit le bobrun en hérissant le poil et montrant les crocs, tout en bondissant de la pierre avec une attitude bien agressive.
— Non, non, non, nous ne venons pas vous faire la morale, pas du tout ! réagit le type, en tendant les bras devant lui, mains ouvertes, en signe d’apaisement. Vous avez l’air heureux ensemble, il continue. En fait… nous venons vous voir parce que mon épouse et moi venons d’apprendre que notre garçon est… comme vous, disons.
— Il est gay ? appuie Jérém.
— Oui, c’est ça. Nous l’avons appris par hasard. Mais il ne le sait pas. Nous avons été très surpris de découvrir ça. Ça nous a vraiment chamboulés. Nous voudrions affronter le sujet avec lui mais nous ne savons pas comment nous y prendre. Je sais que ça peut paraître idiot, mais nous venons prendre conseil auprès de vous.
— Je ne comprends pas ce que vous attendez de nous, fait Jérém, visiblement agacé.
— C'est tout nouveau pour mon épouse et moi. Alors, nous voudrions savoir comment vous vivez votre vie, ce qui vous préoccupe.
— Il a quel âge votre fils ? je les questionne.
— Vingt-sept ans, me répond le monsieur.
— Il n’habite plus avec vous, j’imagine ?
— Non.
— Vos parents sont au courant ? fait la dame, sans transition.
— Les miens le sont.
— Comment ça s’est passé pour vous ?
— Ma maman l’a appris par hasard, elle aussi. En fait, elle a assisté à une dispute entre nous deux. Mais elle l’a super bien pris et elle me soutient à fond. Quant à mon père, c’est moi qui lui ai annoncé. Et il l’a super mal pris. Bon, je n’ai jamais été le fils dont il a rêvé, et il me l’a toujours fait sentir. Mais depuis que je lui ai annoncé que je suis gay, il ne m’adresse plus la parole. Ça fait un an.
— Et vous ? fait la dame, à l’attention de Jérém.
— Moi je n’ai pas de mère et mon père me tuerait s’il savait.
— C’est pas simple d’être… comme vous êtes. La vie doit mettre pas mal d’obstacles sur votre chemin…
— Oui, des obstacles il y en a tous les jours. Et le premier obstacle c’est le besoin de vivre cachés. Mais nous faisons avec, et à deux c’est bien plus facile d’affronter tout ça.
— Mon fils a couché avec des nanas, nous raconte la dame, il a même failli être père très jeune.
— Moi aussi j’ai couché avec nanas, réagit Jérém. Mais c’était pour ne pas regarder les choses en face. Et pour faire comme les copains, pour que personne ne se pose de questions sur moi.
— J’imagine que l’amour ne se commande pas, considère le monsieur.
— C’est exactement ça, je confirme.
— Qu’est-ce que vous attendez de vos parents ? nous questionne la dame.
— D’être compris, soutenu, accepté. Et surtout pas jugé…
— Perso, je m’en fiche d’être accepté, me coupe Jérém. Moi j’ai juste besoin qu’on me fiche la paix !
— Je comprends, fait le type.
— Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps, nous annonce la dame. Merci d’avoir accepté de nous parler, ça nous a fait du bien. Je vous souhaite tout le bonheur possible. »
Je suis très touché par la démarche de ce couple traversé par plein questionnements et d’inquiétudes au sujet de leur enfant.
Je ne me lasse pas de contempler le paysage féérique autour de ce petit lac, et je crois que je pourrais y passer des heures, surtout en compagnie de mon beau brun.
Je quitte le site à contrecœur, et je suis Jérém dans le chemin du retour vers le Pont d’Espagne. Nous repassons devant les cascades, par-dessus les cascades, et leur vrombissement imposant m’impressionne toujours autant.
Cette fois-ci, c’est moi qui prends le volant. Pendant la descente en voiture vers Campan, je me prends de plein fouet le retour de bâton du bonheur que je viens de vivre. Je pense à Ruben, et je réalise que je ne lui ai pas donné de nouvelles, alors que je lui avais promis de lui en donner « dès que j’arriverais à Toulouse ». Je me dis qu’à l’heure qu’il est, il doit trouver mon silence bizarre, s’inquiéter et se poser des questions.
Je sais, ça ne fait même pas longtemps que je suis parti. Hier matin encore, quelques heures avant de partir pour Pau, je me suis réveillé à ses côtés. Mais notre relation s’est ainsi bâtie depuis le début. Nous nous voyons presque chaque jour, et nous nous donnons des nouvelles très souvent. En amour, un brusque changement des habitudes peut très vite apparaître suspect. Aussi, lorsqu’on se vautre dans le mensonge, on imagine toujours les pires scenarii.
Je dois absolument trouver un moment pour l’appeler. J’ai besoin de le rassurer, et aussi de me débarrasser non pas de ma culpabilité, car je n’y arriverai pas, mais au moins de mon inquiétude. Mais pour cela, il faut que deux conditions soient réunies : que mon téléphone capte, et ce n’est pas évident dans la montagne, et que je puisse être loin de Jérém. Autant dire, un alignement d’astres particulièrement difficile à obtenir.
Oui, je culpabilise à bloc. Vis-à-vis de Ruben, évidemment. Mais aussi vis-à-vis de Jérém. Je m’en veux de lui mentir. Mais avant de prendre une éventuelle décision irréversible vis-à-vis de Ruben, j’ai encore besoin d’être rassuré par Jérém. Avant de quitter le bateau « Ruben », que je sais stable et confortable, car il navigue en des eaux calmes, je dois être certain que le voilier « Jérém », que je sais plus mouvementé car il navigue dans des eaux plus turbulentes, ne chavire pas à nouveau à la première tempête.
Soudain, je réalise que je commence à envisager cette option. Je ne veux pas faire souffrir Ruben. Mais si Jérém a vraiment envie d’aller au bout du monde avec moi, comme il vient de me le dire devant le lac de Gaube, comment pourrais-je renoncer à le suivre ?
Là encore, c’est mon bobrun qui se charge de me tirer de mes cogitations. Et d’une façon totalement inattendue.
« Ça va ? il m’interroge.
— Oui, ça va… et toi ?
— Tu sais de quoi j’ai envie ?
— Non, dis-moi…
— J’ai envie de jouir…
— Quoi ? Là… maintenant ?
— Ouais…
— Tu veux qu’on cherche un endroit ?
— Non, roule… »
Et là, le bogoss dézippe son pull à capuche, il s’en débarrasse et dévoile son beau t-shirt blanc.
« Là, tu me donnes envie de te sucer…
— Je sais…
— Petit con, va ! »
Jérém ouvre sa braguette, il sort sa bite et commence à se branler.
« Mais ça va pas ?
— Pense à conduire ! » il me lance, alors que je suis obligé de freiner brusquement à l’entrée d’un virage serré.
Mon regard est happé par les mouvements du bas de son t-shirt qui monte et descend au gré de ses va-et-vient, mouvements qui dévoilent, puis dissimulent sans cesse le bas de ses abdos et les petits poils qui descendent de son nombril en direction de son pubis.
Jérém continue de se caresser comme s’il était seul dans son lit, tout en me jetant des regards lubriques de temps à autre. La route est étroite et sinueuse, je ne vois aucun endroit pour m’arrêter et m’occuper de lui. En fait, je suis tellement happé par sa branlette inopinée, que je raterais une place d’armes au bord de la route. Je me vois contraint de conduire, alors que Jérém se fait du bien tout seul juste à côté. C’est terriblement frustrant et furieusement excitant.
« Tu peux pas attendre qu’on arrive à Campan ?
— Non, j’ai envie maintenant. J’ai envie de me branler et te regarder avoir envie de me sucer…
— Petit salaud !
— Tu as envie de la prendre en bouche, hein ?
— Très envie !
— Très, très trèèèèèèèèèès envie, je pense, il me chauffe.
— Putain, c’est peu de le dire ! »
Une voiture arrive en face et Jérém cache sa queue raide sous son pull qui était stratégiquement positionné sur le côté pour parer à cette éventualité. La voiture croisée, il ressort aussitôt son bel engin fièrement tendu.
« Et tu penses à moi ? je le questionne, excité comme un fou, alors que ma queue presse sauvagement contre ma braguette. Tu t’imagines comment c’est dur de te voir te branler sans pouvoir te prendre en bouche ?
— Je sais… c’est ça qui est excitant !
— Je bande comme un âne !
— Hummmmm ! » fait le bogoss, en tâtant brièvement ma braguette rebondie et brûlante.
Jérém accélère ses va-et-vient sur sa queue et frémit de plaisir. Fou d’envie, j’allonge ma main droite vers son entrejambe. Immédiatement, sa main lâche l’affaire et laisse la mienne s’en saisir, et apporter quelques caresses rapides. Le bobrun frissonne.
« Tu t’es trompé de levier… celui des vitesses est plus proche de toi ! il me cherche.
— T’es vraiment qu’un petit con ! Mais putain, qu’est-ce que j’ai envie de toi !
— Hummmmmm » il commente, de plus en plus excité.
J’ai du mal à quitter sa main du regard, cette main qui est en train d’amener sa queue vers la jouissance, me privant ainsi d’un bonheur certain.
« Attention à la route ! me lance sèchement Jérém, alors que je manque de peu une bite de signalisation.
— T’as envie d’avaler ? il enchaîne, le regard et l’intonation de ses mots de plus en plus lubriques.
— Mais évidemment que j’ai envie d’avaler ton jus. Ça fait tellement longtemps que je n’y ai pas gouté !
— Ça te manque, hein ?
— Oh putain, que oui !!! J’ai envie que tu m’étouffes avec ta queue et que tu gicles direct dans ma gorge ! »
Et là, après un dernier puissant frisson accompagné d’un ahanement prolongé, j’entends mon bobrun grogner son orgasme. Je le vois lâcher un certain nombre de bonnes giclées qui atterrissent sur son t-shirt blanc. Ah, putain, qu’est-ce que c’est beau ! Et en même temps, quel immense gâchis !
Jérém vient de jouir et il tire aussitôt le pull sur sa queue. Il gît nonchalamment abandonné, enfoncé dans le siège passager, les yeux fermés. Je regarde le coton blanc bombé par les pecs saillants, parsemé des traces brillantes de sa jouissance, je le regarde onduler au rythme de sa respiration rapide après l’effort. Je regarde sa pomme d’Adam s’agiter nerveusement, son petit grain de beauté frémir dans le creux de son cou, juste au-dessus du col du t-shirt. Les yeux fermés, mon bobrun profite de la plénitude des premiers instants après l’explosion du plaisir, un état de grâce absolu dans lequel le corps et l’esprit connaissent un bonheur intense.
« Alors, t’as bien joui ? je le questionne quelques instants plus tard, lorsqu’il rouvre les yeux.
— Ah, c’était terrible ! En fait, une bonne branlette c’est aussi bon qu’une baise !
— Et moi je me la mets sur l’oreille… »
Le bobrun sourit, et son sourire est si beau et coquin qu’il me donne envie de l’embrasser et le gifler tout en même temps.
Et lorsque je le vois en train de vouloir essuyer ses doigts pleins de jus dans le t-shirt blanc, je ne peux m’empêcher de lui balancer :
« Attends ! »
Non, je ne peux pas lui laisser faire ça.
« Quoi ?
— Attends… » je lui répète, plus calmement, alors que je viens de repérer l’embranchement d’un chemin qui me paraît prometteur.
C’est lorsque je mets le clignotant que Jérém comprend enfin mes intentions.
« Tu veux goûter ? il me glisse, en portant sa main à hauteur de mon nez.
— Evidemment que je veux goûter ! » je souffle, étourdi d’excitation, alors que l’odeur forte de son jus saisit mes narines et provoque un feu d’artifice dans mon cerveau.
Le chemin tient ses promesses, et je trouve rapidement un endroit pour me garer à l’abri des regards. J’arrête la voiture, j’ouvre ma braguette. Je saisis en même temps sa main et ma queue et je commence à me branler tout en allant chercher entre ses doigts et dans le creux de sa main son délicieux nectar de mec. Je prends le temps de tout explorer, de tout nettoyer. Et lorsque je ne trouve plus son goût entre ses doigts, c’est sur son t-shirt que je vais le chercher, tache brillante après tache brillante. Sa main qui se faufile sous mon t-shirt et qui part à l’assaut de mes tétons finit par précipiter mon orgasme. J’ai tout juste le temps de soulever son pull et de prendre enfin sa queue dans ma bouche pour retrouver une dernière fois son goût de mâle, et je perds pied.
Je jouis, et c’est incroyablement bon.
« T’as aimé ? il me demande.
— C’était dingue !
— Moi aussi j’ai kiffé un max.
— Mais ne me fais plus jamais ça ! Je ne peux pas supporter de te voir te branler à côté de moi sans pouvoir m’occuper de ta queue ! je lui lance, en parfaite mauvaise foi, alors que je sais que c’est justement ce petit jeu qui a rendu nos jouissances aussi intenses.
— C’était excitant, non ?
— C’est vrai, j’admets.
— Coquin, va !
— Mais c’est qui le coquin ?
— Toi, je te dis !
— Et c’est qui qui a sorti sa queue à l’improviste ? »
Jérém sourit et je l’embrasse une dernière fois avant de reprendre la route.
Nous nous arrêtons prendre un café et Jérém me remplace au volant. Il est 17 heures 30 lorsque nous traversons Bagnères. C’est là que mon téléphone se met à sonner. Je le sors de ma poche, je regarde le petit écran. Et mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
Appel entrant Ruben
Je suis pris de panique, je ne sais vraiment pas quoi faire. Si Ruben m’appelle, c’est qu’il est sur le point de s’inquiéter. Si je ne réponds pas, il va vraiment s’inquiéter. Mais je ne peux pas répondre devant Jérém. Ah, putain, qu’est-ce qu’elle est compliquée cette situation ! Par dépit, j’appuie sur le bouton rouge pour refuser l’appel.
« C’était qui ? me questionne Jérém.
— C’était… Maman, je mens.
— Et tu ne lui réponds pas ?
— Si je lui réponds, elle va me garder longtemps. Je la rappellerai plus tard.
— Tu sais qu’une fois qu’on sera sortis de Bagnères tu ne vas plus avoir de réseau…
— C’est pas grave, je l’appellerai demain quand on sera sur l’autoroute.
— Ok… » fait le bobrun, l’air pas vraiment convaincu.
Ce coup de fil improviste m’a complètement déstabilisé. La peur que Jérém commence à se douter de quelque chose me tétanise. Un malaise persistant m’envahit, m’empêchant de lancer une quelconque conversation. Jérém demeure silencieux lui aussi, ce qui fait encore grandir mon malaise. Je cherche dans ma tête un sujet à lancer, mais je bugge. Mais pas mon téléphone, qui se remet à sonner.
« Elle est chiante ! » je mens de façon éhontée, tout en refusant une nouvelle fois l’appel. Je sauve ainsi les apparences, tout en creusant mon passif vis-à-vis des explications à donner à Ruben lorsque je le reverrai.
Je ne suis pas sûr que l’excuse du manque de réseau sera une bonne idée, d’autant plus que je suis censé être sur Toulouse, et sur Toulouse il y a du réseau. Quant au fait de refuser ses appels, va expliquer ça !
« Tu devrais peut-être répondre, elle a peut-être un truc à te dire…
— Il n’y a pas trop de réseau, je prétexte, on ne va même pas se comprendre. »
Je finis par éteindre mon téléphone, pour éviter de nouvelles sonneries et de nouvelles questions. Je m’en veux de mentir à Ruben, tout comme je m’en veux de mentir à Jérém. J’ai peur d’être découvert, et de perdre la confiance de l’un et de l’autre. J’ai peur de faire du mal à tout le monde, j’ai peur de perdre tout le monde. Avoir le cul entre deux chaises, c’est une situation particulièrement inconfortable.
Nous passons chez Martine pour récupérer les boissons, nous passons à la petite maison pour nous doucher, nous changer et nous filons au relais. La grande salle est encore déserte et Jérém se dépêche d’allumer le feu. Une fois une belle flamme lancée, il s’allume une cigarette et il la fume face au feu, en silence, l’air pensif.
« A quoi tu penses, Jérém ? je l’interroge pour tenter d’apaiser mes inquiétudes.
— Je pense que je t’ai tenu à distance trop longtemps.
— Pourquoi tu penses à ça ?
— Parce que je m’en veux d’être aussi con !
— L’important c’est que nous nous sommes retrouvés, et qu’on ne se quitte plus, ok ? »
Jérém demeure pensif, l’air triste.
« Eh, Jérém ! je lui lance, tout en le saisissant par les épaules et en l’obligeant à se tourner vers moi. J’en ai bavé, oui, mais je n’ai jamais cessé de t’aimer, tu entends ? Tu n’as jamais cessé d’être mon P’tit Loup, tu entends ? »
Jérém m’embrasse, et me serre très fort dans ses bras.
« On ne se quitte plus, ok ? il me lance, la voix cassée par l’émotion.
— Non, on ne se quitte plus, plus jamais. »
Nous sommes toujours enlacés lorsqu’un bruit de conversation nous parvient de l’extérieur. Nous avons tout juste le temps de quitter les bras de l’autre et d’essuyer notre émotion, lorsque la porte s’ouvre et qu’un petit groupe de cavaliers débarque dans la salle. Jean Paul et Carine sont là, ainsi que Satine, visiblement accompagnée par un mec, la cinquantaine, inconnu au bataillon.
« Et voilà le champion ! » s’exclame Jean Paul, les bras ouverts, en s’avançant d’un pas décidé vers Jérém. Il enveloppe mon beau brun dans ses bras rassurants et lui claque deux bises affectueuses. Sa barbe a pris quelques poils blancs de plus, mais sa profonde amabilité demeure intacte.
« Super heureux de te revoir, Nico, tu vas bien ? Les études ? »
Jean Pierre me prend dans ses bras à mon tour, et me claque deux bonnes bises. Je n’arrive toujours pas à réaliser à quel point les gens d’ici sont vraiment simples et chaleureux. Nous échangeons la bise avec Carine et Satine et nous serrons la main du monsieur inconnu que cette dernière nous présente comme étant son nouveau compagnon.
« Alors, champion, raconte-nous ta nouvelle aventure dans le club le plus glamour du top 14…
— Champion, champion… attends quelques mois pour en être sûr ! fait Jérém, modeste.
— Mais moi j’ai pas besoin d’attendre des mois pour savoir que tu es un champion. Je t’ai vu jouer quelque fois à Toulouse et je sais que tu l’es !
— Ça n’a pas vraiment été le cas l’année dernière.
— Le passé c’est le passé, et il n’y a que l’avenir qui compte. Je sens que tu vas faire des merveilles dans cette nouvelle équipe.
— J’espère être à la hauteur…
— S’ils t’ont engagé, c’est qu’ils ont vu du potentiel en toi. Tu crois qu’une équipe comme le Stade embauche des ânes pour en faire des chevaux de course ? Moi je ne le crois pas…
— L’an dernier j’ai vraiment morflé.
— Il faut que tu retrouves confiance en toi, et la confiance que t’accorde cette nouvelle équipe est un bon point pour repartir du bon pied et de mettre toutes les chances de ton coté.
— En vrai, je me sens beaucoup mieux dans cette équipe que dans l’ancienne.
— Tu vois ? La rencontre entre un joueur et une équipe, c’est comme la rencontre entre un homme ou une femme. Ou entre un homme et un homme, d’ailleurs. L’un et l’autre peuvent être des êtres formidables, parfois il y a l’étincelle, et parfois pas. Ce n’est la faute à personne, si aucune affinité ne se manifeste. Il faut alors savoir se séparer avant de se déchirer, il faut savoir se séparer pour pouvoir chercher et trouver celui ou celle qui nous correspond.
— C’est une jolie façon de voir les choses, admet Jérém.
— D’ailleurs, il enchaîne, merci pour le feu dans la cheminée et le pain. »
Au fil des minutes les autres cavaliers arrivent les uns après les autres. Martine arrive en fanfare et salue les présents avec sa gouaille habituelle, en remplissant la salle de ses rires et de sa voix à la fois fine et grave. Marie Line et Bertrand les suivent de très près, talonnés par Daniel et Lola.
A son tour, Daniel félicite chaleureusement Jérém pour son nouveau recrutement, puis l’interroge sur ses premières semaines dans la nouvelle équipe. Le grand passionné de rugby et entraîneur d’équipe amateur veut tout savoir des coulisses de cette institution rugbystique. La curiosité passionnée de Daniel est sans limites, et Jérém répond à toutes ses questions.
Ginette et Éric débarquent en portant une grande marmite en fonte à quatre bras. La fameuse potée est là et elle atterrit au coin du feu. Ce n’est que lorsque JP réclame au nom des présents le début de la troisième mi-temps, que Daniel consent à interrompre la conversation avec Jérém pour lancer l’apéro.
« Reste par-là, jeune homme, j’ai encore des trucs à te demander » fait Daniel.
Charlène arrive en compagnie de Nadine, au rire toujours aussi sonore, ainsi que d’une autre nana d’une trentaine d’années qu’elle me présente comme étant sa fille Stéphanie. Cette dernière commence aussitôt à me questionner sur mes études, et sur ma relation à distance avec Jérém. Elle est curieuse, mais plutôt sympa. Florian, l’ex de Loïc, se pointe avec son adorable Victor. Les deux garçons ont l’air de bien s’entendre et ils semblent heureux. Ça me fait vraiment plaisir.
La petite bande de cavaliers est là, bruyante et anarchique, joyeuse et bonne vivante, accueillante et chaleureuse. La retrouver à côté de la grande cheminée, d’un beau feu, autour d’une table généreusement garnie, en plus avec Jérém à mes côtés, c’est un bonheur inouï.
L’apéro bat son plein, les tournées s’enchaînent, on trinque à la réussite de Jérém. Les conversations partent dans tous les sens, des petits groupes se forment, les joyeux décibels des mots et des rires remplissent le grand espace jusqu’au haut plafond.
« On peut commencer à passer à table ! La potée va être prête ! lance Ginette en levant sa voix pour se faire entendre.
— On n’attend plus personne ? demande Martine.
— Si, on attend encore Maxime… fait Jérém, l’air soudainement inquiet.
— Il devrait déjà être là ? demande JP.
— Il m’a dit qu’il serait là à 19 h…
— Et il est… 20h45… ah oui…
— Il a dû être retardé, lance Satine. Tu as essayé de l’appeler ?
— Je n’ai pas de réseau…
— Quelqu’un a du réseau ? » lance Martine en mode sirène d’ambulance.
Les propriétaires de portables sortent leurs appareils et vérifient leur couverture.
« J’ai du réseau, un peu, s’exclame Martine, elle-même, les yeux rivés sur son appareil.
— C’est cool, je te donne mon numéro. »
Martine est en train de tapoter sur le clavier de son téléphone, lorsque la porte du relais s’ouvre une nouvelle fois. Le petit brun apparaît dans l’embrasure, encore plus beau et assurément plus « mec » que dans mon souvenir. Mais la porte ne se referme pas de suite derrière lui. Car Maxime est venu accompagné. Dans son sillage, voilà qu’un autre garçon, un tantinet plus costaud, et très beau lui aussi, fait son apparition.
Jérém m’a dit que toutes les personnes qui comptent seraient présentes à cette soirée, alors ça me paraît normal qu’il soit là. Je trouve juste étonnant qu’il n’ait pas pensé à me l’annoncer. Est-ce qu’il voulait m’en faire la surprise ?
Maxime et Thibault sont à leur tour chaleureusement accueillis par cette bande de joyeux lurons que les apéros à répétitions ont par ailleurs mis de fort bonne humeur.
Ça fait près de six mois que je n’ai pas vu le jeune pompier. Et je trouve qu’il y a eu du changement chez lui aussi. Une nouvelle façon d’arranger les cheveux, pour commencer, un peu plus longs et un peu plus en bataille, portés avec une certaine négligence mais néanmoins maîtrisée avec une touche de gel.
Aussi, je trouve une élégance inédite dans sa façon de s’habiller. Son blouson en cuir marron lui va comme un gant, et il met bien en valeur ses épaules qui me semblent encore plus solides qu’avant. Quant à sa belle chemise à carreaux de couleur rose, blanche et bleue, avec le col qui remonte bien le long de son cou puissant, elle est du meilleur effet. Deux boutons sont laissés ouverts, permettant au regard d’entrevoir la naissance de ses pecs, et quelques poils délicieux. Au gré de ses mouvements, un petit point blanc flotte tout en bas, le soupçon de l’arrondi d’un débardeur, je suppose.
Aussi, un petit brillant vient de faire son apparition dans le lobe de son oreille droite. J’ai toujours trouvé ce genre d’accessoire rudement sexy chez un beau garçon. C’est la marque, j’imagine, d’un garçon qui fait attention à son apparence et qui veut se faire remarquer. Et chez Thibault, chez qui je ne me serai pas attendu à trouver ce genre de goût, ça me fait encore plus d’effet.
Mais au final, le changement le plus marquant semble se situer ailleurs. Au-delà de ces petites évolutions dans son apparence, j’ai comme l’impression de déceler chez le stadiste toulousain comme une envie de se mettre un peu plus en valeur, comme un début de prise de conscience de son charme, de sa sexytude. Mais pas d’une façon criarde pour autant. Plutôt d’une façon discrète. Et pourtant, bien affirmée. Thibault devient un homme, et il commence à s’en rendre compte. Aussi, le savoir papa me fait toujours un drôle d’effet. Tout cela réuni le rend à mes yeux terriblement séduisant.
« Salut frérot ! » fait Jérém, en prenant Maxime dans ses bras et en lui claquant la bise.
Puis, il réserve le même accueil chaleureux à son pote Thibault. Les deux rugbymen se serrent très fort et longuement dans les bras. L’émotion est forte.
Qu’est-ce que tu es content, Jérémie, de revoir ton Thib ! Qu’est-ce que ça t’a manqué de sentir sa présence rassurante, et ce bien être que seul savait t’apporter son amitié ! Car, avec Thib, vous aviez cette complicité unique et si particulière de ceux qui ont grandi ensemble, qui ont tout partagé et qui se connaissent par cœur. Thib savait comme personne apprécier tes qualités et pardonner tes défauts, y compris celles et ceux dont tu ne soupçonnais même pas l’existence.
Ça fait près d’un an que tu ne l’as pas vu, mais tu as suivi son parcours au Stade Toulousain tout au long de la saison précédente. Tu as été heureux que ça se passe bien pour lui. Un peu jaloux, bien sûr, mais heureux pour lui.
Ce soir, tu le retrouves plus en forme que jamais. Et ça te fait tellement plaisir !
Tu t’en es beaucoup voulu pour ce qui s’est passé ce soir-là, sur son clic-clac. Et tu t’en es encore plus voulu d’être parti, de ne pas avoir assumé. Tu t’en es voulu parce que tu sais que tu l’as fait souffrir. Pendant un temps, tu as cru avoir fichu en l’air votre amitié. Puis, tu as commencé à espérer qu’il puisse te pardonner un jour. Et ce soir, dans ces retrouvailles, tu as envie de voir cette réconciliation que tu as appelée de toutes tes forces depuis plus d’un an.
Sinon… entre son nouveau brushing, sa belle chemise, son blouson en cuir – il a encore pris de la masse, non ? – qu’est-ce que tu le trouves beau, ton pote !
« Finalement t’as pu venir ! Je suis tellement content ! finit par lâcher Jérém, en posant les deux mains sur les épaules solides de son pote, l’air heureux et fébrile comme un gosse à Noël.
— Moi aussi je suis content d’être là.
— Alors, il va mieux le petit Garcia ?
— Beaucoup mieux depuis ce matin, merci. »
Ah, d’accord. Apparemment, Lucas était malade. En fait, si Jérém ne m’a pas parlé de la venue de Thibault, c’est qu’il n’était pas certain qu’il puisse venir.
Ça fait près d’un an que tu n’as pas vu ton Jéjé, et qu’est-ce que ça te fait plaisir de le retrouver !
Pendant cette année, tu as souvent repensé au « bon vieux temps », à cette saison de votre vie où vous jouiez dans la même équipe de rugby à Toulouse. Tu as repensé aux entraînements, aux matches, aux troisièmes mi-temps, aux sorties entre potes, à la Bodega, au Shangay, au KL, vos repères de jeunes mecs célibataires. Mais, surtout, surtout, ce qui t’a le plus manqué, ce sont tous ces moments passés avec ton pote à partager ce qui fait qu’une amitié est une Amitié.
Après ce qui s’est passé ce soir-là sur ton clic-clac, tu as eu besoin de faire un point sur les sentiments que tu ressentais pour lui. Tu as eu besoin de prendre de la distance. Ça t’a pris un an pour que tout cela s’apaise peu à peu. Du moins, c’est ce que tu croyais.
Car lorsque ton pote t’a appelé pour t’inviter à cette soirée, tu as su que tu n’avais rien oublié. A l’approche de Campan, tu frémissais d’impatience. Tu appréhendais de le revoir. Dès que tu l’as aperçu, tu as su que tes sentiments n’avaient pas changé.
Maxime vient me dire bonjour et Thibault en fait de même dans la foulée.
« Eh, Nico, quel plaisir ! » il me lance en me prenant dans ses bras solides. Ce qui me donne l’occasion de découvrir qu’il a également changé de parfum, le petit coquet.
Tu admets sans difficulté, Thibault, que Nico est l’autre garçon qui te fait de l’effet. Sa timidité, sa gentillesse, sa douceur t’ont touché depuis la première fois que tu l’as croisé. Et à côté de ça, tu as toujours trouvé qu’il dégageait une intense sensualité. Ce soir, tu ressens encore plus clairement ce que tu avais déjà pressenti lors de votre dernière rencontre, six mois auparavant. Tu as l’impression que Nico est en train de prendre de l’assurance, et tu trouves que ça lui va super bien.
« Je suis content que tu aies pu venir ! je lui lance.
— J’aurais vraiment regretté de ne pas pouvoir être là.
— Alors, il paraît que Lucas était malade ?
— Hier il avait beaucoup de fièvre. La nuit dernière on a été aux urgences. Mais cet après-midi il allait mieux.
— Ah, ça me fait plaisir !
— Et Nathalie va bien ?
— Elle est un peu débordée, mais ça va…
— Mais quelle belle surprise ! Ça fait longtemps qu’on t’a pas vu, Thibault ! nous interrompt Jean Paul, impatient de dire bonjour au jeune Toulousain.
— C’est vrai, le temps passe vite, considère Thibault, tout en ôtant son blouson en cuir et en dévoilant toute l’élégance de sa belle chemise, ainsi que la perfection avec laquelle sa coupe redessine sa plastique de fou.
— A qui le dis-tu ! Au fait ! Félicitations pour ta saison au Stade Toulousain ! fait Daniel, tu t’es débrouillé comme un chef la saison dernière ! Et ça a l’air de redémarrer plutôt fort cette année, non ?
— Je ne peux pas me plaindre…
— Je vais refaire une tournée d’apéros, annonce Daniel
— Toi non plus tu ne bouges pas d’ici, il s’empresse d’ajouter, toi aussi tu vas avoir droit à un interrogatoire au sujet des coulisses du Stade !
— Ça fait combien d’années que tu n’es pas venu nous voir ? le questionne Martine.
— Depuis l’été 1999…
— Ah, quand-même, ça fait plus de trois ans…
— On t’a quitté alors que tu n’étais encore qu’un jeune garçon et là on te retrouve devenu un homme ! commente JP.
— Alors, ce soir on a deux choses à fêter, constate Daniel, le recrutement de Jérém au Stade à Paris et les exploits de Thibault pendant sa première saison au Stade Toulousain !
— Mais Thib n’a pas que ça à fêter ! lance Jérém.
— C’est-à-dire ? » fait Carine, curieuse.
Thibault sourit timidement et finit par lâcher :
« Je… je suis devenu… papa…
— Quoi ? fait Martine.
— J’ai eu un petit gars, il y a six mois. Il s’appelle Lucas.
— Mais c’est formidable ! fait Satine.
— Tu dois être heureux ! lâche Ginette.
— Je suis fou de ce petit gars ! » fait le jeune papa, tout en sortant une photo de son portefeuille et en la passant à cette dernière. La photo passe de main en main et les félicitations fusent.
« Un futur stadiste ! s’exclame Daniel. Allez, fêtons ça !
— Maintenant je peux te le dire, fait Stéphanie, la fille de Charlène, à qui les apéros à répétition ont mis des couleurs sur ses joues. J’espère que tu ne vas pas mal le prendre… de toute façon, je m’en fous… j’ai toujours été amoureuse de toi ! »
Thibault sourit, visiblement mal à l’aise. Et pendant que tout le monde rigole de la sortie inattendue de Stéphanie, j’entends derrière moi une voix masculine glisser discrètement :
« Moi aussi je peux le dire maintenant, j’ai toujours été amoureux de lui. Si seulement il n’avait pas été hétéro… »
Je me retourne, et Fabien me lance un petit clin d’œil. Je crois que je suis le seul à avoir entendu ses mots, car je crois qu’il a voulu que je sois le seul à les entendre. Victor est loin, en train de discuter avec Martine et Nadine. Je lui lance un sourire complice pour lui faire comprendre que je suis complètement d’accord avec lui, que Thibault est un garçon dont on ne peut pas ne pas tomber amoureux. Je voudrais pouvoir lui dire qu’il se trompe, que Thibault n’est pas hétéro, et qu’ils auraient fait un joli couple tous les deux. Mais ce ne serait pas correct. D’abord, parce que Fabien a l’air d’être heureux avec Victor. Aussi, parce que c’est à Thibault de choisir quand, comment et avec qui faire son coming out.
Une nouvelle et dernière tournée d’apéro est servie. L’ambiance au relais est festive. Comme d’habitude, mais plus encore que d’habitude. Les deux rugbymen sont célébrés par les cavaliers avec un enthousiasme et une bienveillance certains. Comme il l’a souhaité, Jérém est entouré de tous les gens qui l’aiment et qu’il aime, ses amis, son Thib, son frérot Maxime. Et moi, d’après ce qu’il m’a dit. Et son bonheur est vraiment beau à voir.
A table, Thibault, Jérém et Maxime s’assoient côte à côte, dans cet ordre. Je m’installe juste en face. Je peux ainsi partager leurs conversations, assister à la complicité émouvante entre les deux frères, voir les deux potes heureux de retrouver leur amitié d’avant. Je suis tellement heureux pour eux.
Je sors mon appareil, et je les prends en photo. J’ai besoin d’immortaliser leur beauté, leur jeunesse, leurs rires, leur bonheur de cet instant.
En regardant cette photo tant d’années plus tard, je me dis qu’à cet instant précis, dans cette phase de leur vie, Jérém, Thibault, et Maxime étaient sur une trajectoire ascendante vers l’accomplissement de leurs mâlitudes. Est-ce qu’ils se rendaient compte à quel point chaque jour qui passait les rendait plus sexy ? Je me pose cette question car à ce moment-là je devais être moi aussi, dans une certaine mesure, dans cette trajectoire. Mais moi, je ne m’en rendais pas vraiment compte.
La potée est enfin servie et c’est un délice.
« Quand plus personne ne parle, c’est que la bouffe est bonne ! fait JP, en soulignant la soudaine réduction de décibel concomitante au remplissage des assiettes.
— Un grand merci à Ginette et Eric !
— MERCI GINETTE ET ERIC ! fait la tablée tout entière, en cœur et en rires.
Jérém et Thibault discutent à bâtons rompus. Les deux potes sont si enthousiastes, si pleins d’énergie, si insolemment heureux, qu’ils finissent par attirer les regards.
« J’aimerais bien me souvenir ce que ça fait d’être si jeune, fait Daniel, l’air rêveur.
— On ne peut pas être et avoir été, déclame Martine.
— C’est certain. Mais quand on les regarde, avec toute leur vie devant eux, avec une belle carrière sportive en perspective, ça donne envie de remonter le temps, fait JP.
— Parce qu’on se dit qu’on n’en a pas assez profité quand on avait leur âge, abonde Daniel.
— Mais vous en avez bien profité ! s’insurge Lola. Notre génération en a bien profité ! Je vous rappelle que nous avons été jeunes dans les années ’60 et ’70, et à l’époque on s’éclatait vraiment.
— C’est vrai, fait Charlène. A cette époque, il n’y avait pas de chômage, tout le monde avait de l’argent, et la croissance semblait ne jamais devoir s’arrêter.
— Tu idéalises un peu, je crois, tempère JP.
— En plus, il y avait de la bonne musique, il y avait ABBA ! continue Charlène sur sa lancée.
— Gimme gimme gimme a man after midnight… entonne Daniel.
— On fumait à bloc, on baisait comme des lapins, et le SIDA n’existait pas !
— Ah, ça c’est vrai. Mais on ne profite jamais assez de la vie. C’est pour cela que j’aimerais avoir à nouveau leur âge, ne serait-ce que pour un jour, insiste Daniel.
— Et tu ferais quoi si tu pouvais avoir à nouveau leur âge ? le questionne JP sur un ton de défi.
— Je ferais la fête.
— Je te reconnais bien, là ! fait Lola, l’air faussement exaspérée.
— Mais pas que, il tempère, l’air plus sérieux. J’aimerais ressentir à nouveau ce sentiment d’avoir toute la vie devant moi, et de ne pas en voir la fin. J’aimerais retrouver la sensation de pouvoir tout faire, sans que mes articulations me rappellent que je suis vieux. Je voudrais réapprendre à toujours regarder en avant, sans jamais me retourner. J’aimerais retrouver l’assurance, l’insouciance, l’inconscience de ma jeunesse. J’aimerais à nouveau me sentir libre, et immortel.
— Hier ne reviendra plus, fait JP. Ce qui compte, c’est aujourd’hui.
— C’est vrai. Le fait est que plus on vieillit, plus on se met à réfléchir. Et quand on réfléchit trop, on n’a plus le temps d’être heureux, considère Satine.
— Sinon, vous comptez nous saper le moral pendant toute la soirée ? lance Martine, les décibels à fond la caisse.
— Mais pas du tout ! fait Daniel. Je vous donne mon mot de la fin : TOURNEE GENERALE !!!
— Profitez bien les gars, profitez à fond ! fait JP, en saisissant la bouteille de rouge et en servant copieusement les convives. »
Le gâteau de Charlène, une tarte aux fruits et à la chantilly faite maison, atterrit sur la table sous les applaudissements des cavaliers.
Entre le gâteau et le café, je pense à ressortir mon appareil jetable. Je fais quelques photos de la tablée, j’essaie d’immortaliser les convives, les sourires, la bonne humeur de cette belle soirée.
Je crois que j’ai réussi. Car je retrouve le souvenir vibrant de ce bonheur, bien que voilé d’une grande nostalgie et d’une certaine tristesse, en regardant ces photos près de vingt ans plus tard, alors que le temps a emporté à tout jamais certains de ces visages et de ces sourires.
Martine m’attrape l’appareil des mains et me prend en photo avec Jérém et Thibault. Elle a toujours de très bonnes initiatives, cette nana.
La soirée se poursuit sur les notes de la guitare de Daniel accompagnant le cœur de cavaliers toujours égal à lui-même. C’est à dire tour à tour dissonant, charmant, entraînant, émouvant.
Vers minuit, je profite d’une envie de pipi pour sortir du relais et rallumer mon portable. Comme je m’y attendais, il n’y a pratiquement pas de réseau. J’attends un peu, et l’écran finit par afficher « 6 appels en absence Ruben », en plus de l’icône du message vocal. Un intense malaise, doublé d’une grande inquiétude s’empare instantanément de moi. J’ai besoin d’écouter son message, mais j’ai peur de le sentir fâché, blessé, suspicieux, accusateur.
Je lance le répondeur, une, deux, dix fois, mais impossible de m’y connecter. Je lui écris un message :
Salut, Ruben. J’ai vu que tu as essayé de m’appeler, mais mon téléphone déconne depuis hier. Là je suis dans un bar avec ma cousine. Je t’appelle demain, sans faute. Bisous.
Lorsque je retourne à l’intérieur du relais, la fin de soirée s’annonce. Daniel joue toujours de la guitare, mais plus personne ne chante, mis à part lui-même. Ça me fait penser à l’histoire des musiciens du Titanic qui continuaient de jouer alors que le paquebot était en train de couler.
La plupart des cavaliers est en train de débarrasser la grande table, de ranger, de nettoyer. Thibault est en train de balayer et Jérém lui facilite la tâche en écartant les bancs sur son passage. Les deux potes font le ménage en équipe, tout en déconnant joyeusement.
Lorsque Daniel finit par arrêter de jouer, je sais que la soirée vit ses derniers instants. Les premières bises d’au revoir sont échangées. En quelques minutes, le relais se vide. Zut, alors, les bons moments passent si vite !
Jérém, Maxime, Thibault, Charlène et moi sommes les derniers à quitter les lieux.
« Maxime et Thibault, vous venez dormir à la maison, fait Charlène, en refermant derrière elle la porte du relais, ainsi que cette belle soirée.
— On avait prévu des sacs de couchage, fait Maxime.
— N’importe quoi, vous serez mieux dans un lit, quand même !
— C’est pas faux ! admet Thibault.
— Ça m’a fait vraiment plaisir que tu aies pu venir, Thib, fait Jérém.
— J’aurais aimé avoir plus de temps.
— Et… pourquoi tu ne viendrais pas à la maison ? rebondit Jérém sur un ton enjoué. On va se boire un dernier coup, fumer un pétard et discuter.
— Euh… bah… je ne sais pas…
— On a un an à rattraper, et plein de choses à se raconter !
— Tu pars à quelle heure demain matin, Maxime ?
— J’ai cours à 9 heures, je dois partir à 6h30.
— Tu passeras me chercher ?
— Pas de problème.
— C’est d’accord, alors, fait Thibault.
— Tu peux pas prendre une demi-journée ? revient à la charge mon bobrun. Je remonte à Toulouse demain avec Nico, et tu pourrais faire le voyage avec nous. Hein, Nico, il pourrait faire le voyage avec nous ?
— Mais, oui, bien sûr !
— Bah, alors, pourquoi pas ! Je dirai que ma voiture était en panne, sourit le jeune pompier.
— Maxime, ça t’embête pas de faire le voyage seul demain matin ?
— Pas du tout » fait le petit brun, adorable.
Thibault récupère son sac de couchage dans la voiture de Maxime et nous rentrons. Pendant les quelques minutes que dure le trajet entre le relais et la petite maison en pierre, les deux potes discutent de tout et de rien. Et pourtant, je sens que ces échanges à l’apparence anodins, et pourtant incessants, presque fébriles, sont l’expression d’un besoin irrépressible de continuer à « alimenter » cette complicité retrouvée. Comme si chacun des deux potes avait besoin de continuer de s’assurer de la stabilité de ce « pont de l’amitié » qui avait subi d’importants dégâts un an plus tôt et qui vient tout juste d’être remis en service. Je sens que ces mots ordinaires en remplacent d’autres plus difficiles à prononcer.
Tu as observé ton pote Jéjé pendant toute la soirée. Et ce qui t’a le plus frappé, Thibault, c’est son changement d’attitude, d’état d’esprit. Tu l’as connu impulsif, à fleur de peau, inquiet, perdu, en colère contre la Terre entière, et surtout contre lui-même. Tu l’as connu tendu et agressif lorsqu’il refoulait sa véritable nature. Et là, tu le retrouves beaucoup plus serein, apaisé, bienveillant, en phase avec lui-même.
Tu réalises que ton pote a avancé dans sa vie. Tu ressens un pincement au cœur, tu te dis que tu aurais voulu être là pour assister à tous ces changements. Mais tu es heureux qu’ils se soient produits, que ton Jéjé se débrouille seul et que ça lui réussisse plutôt pas mal.
Ça te fait plaisir de voir que Nico fait toujours partie de sa vie, et qu’ils ont l’air heureux ensemble. Ça te fait plaisir de le voir avec Nico à Campan, de le voir cesser d’avoir honte. Tu as constaté que le regard amoureux de Nico sur Jéjé n’a pas changé. En revanche, ce qui a changé, c’est le regard de Jéjé sur Nico. Il n’y a pas de doute, ces deux-là s’aiment.
En fait, Jéjé avait tout simplement besoin de tomber amoureux. Il en avait besoin pour commencer à faire la paix avec lui-même, pour dompter ses démons, pour grandir.
Depuis le début de la soirée, je ne cesse de me répéter à quel point ça me fait plaisir que Thibault et Jérém se retrouvent enfin. En revanche, à l’approche de la petite maison en pierre, je me dis que je ne suis pas convaincu qu’inviter le jeune pompier à dormir à la petite maison soit une bonne idée.
La simple idée que Jérém et moi allons dormir dans le même lit, alors que Thibault va dormir dans un sac de couchage, me met mal à l’aise. Car ça me paraît indélicat comme situation. Je ne sais pas où en est Thibault de ses sentiments pour Jérém. Mais je ne veux pas lui balancer notre bonheur à la figure. Je ne sais pas si Jérém a pensé à tout ça en invitant Thibault à rentrer avec nous. Vu son état d’ivresse, il est possible qu’il n’ait pas évalué tous les pour et les contre.
A la petite maison, le feu est éteint, et seul quelques timides braises persistent dans la cheminée. Jérém s’empresse de rajouter du bois et de refaire une belle flambée. Puis, il attrape des bières et sort un joint de la poche de sa veste. Il l’allume, en tire une longue taffe et le passe à Thibault. Ce dernier tire dessus à son tour et me le tend. Je le saisis et je tire dessus aussi. La fumée me brûle la gorge, je ne trouve pas ça agréable du tout.
Au fil des taffes, les échanges entre les deux potes glissent vers l’évocation des souvenirs de Toulouse, de leurs potes, de leur enfance. C’est tellement émouvant d’assister à ça, à deux potes en train de rattraper le temps perdu après que leurs chemins se sont séparés pendant un temps.
Le joint vient de tirer sa révérence, lorsqu’un gros morceau de bois glisse dans la cheminée. Jérém se lève pour le ranger. Thibault, toujours aussi serviable, se lève à son tour. Le regard rivé sur le feu, mon bobrun sort mécaniquement le paquet de cigarettes dans sa poche et en attrape une. Il tend ensuite le paquet vers Thibault, qui décline la proposition. La clope dans une main, le briquet dans l’autre, Jérém demeure immobile, comme s’il n’avait en réalité pas envie de fumer et que la cigarette n’avait été qu’une tentative de partager quelque chose encore avec son pote.
Preuve en est qu’un instant plus tard, il la jette dans le feu et range le briquet dans sa poche.
« Qu’est-ce que tu fais, Jé ? demande le jeune pompier, le regard amusé.
— Tu m’as manqué, Thib, fait Jérém, visiblement ému.
— Toi aussi tu m’as manqué ! »
Les deux potes se prennent dans les bras, se serrent très fort l’un contre l’autre. Dans la pénombre, je sais que les deux garçons ont les larmes aux yeux. Et moi aussi.
Lorsque leur étreinte prend fin, Jérém ôte son blouson d’étudiant.
« Je crève de chaud ! »
Le t-shirt blanc propre qui a remplacé celui qui a fait les frais de notre petit jeu coquin de l’après-midi épouse sa plastique d’une façon scandaleusement sexy.
« Ooooh, s’exclame Thibault, visiblement impressionné par la façon dont le coton immaculé dévoile malicieusement ce qu’il est censé cacher, comment t’es bâtiiiii ! T’as de ces biceps, mon pote ! »
Ses biceps, son torse, son sourire t’ont toujours rendu fou de désir. Et force est de constater qu’il te fait toujours autant d’effet. Et plus encore.
« Toi aussi, t’as pris du muscle, je crois, fait Jérém, en tâtant le biceps du jeune papa par-dessus le blouson.
— Je ne sais pas… fait Thibault, l’air un brin gêné.
— Montre ! » enjoint Jérém, visiblement désinhibé par le tarpé et l’alcool.
Thibault semble hésiter, mais il finit par tomber son beau blouson en cuir.
« Allez, montre ! » insiste Jérém, visiblement pas satisfait.
Thibault s’attèle alors à l’ouverture de sa belle chemise à petits carreaux. Bouton après bouton, le débardeur blanc dont j’avais deviné la présence se dévoile dans toute sa splendeur, magnifiquement tendu sur ses épaules solides, sur ses pecs saillants, autour du V puissant de son torse. Dans l’arrondi du col, des jolis poils soulignent une intense mâlitude. Quant à ses biceps, ce sont deux œuvres d’art plastique. C’est beau à en pleurer !
Cette vision spectaculaire me rappelle instantanément l’attirance que j’ai ressentie lors de nos dernières rencontres à Toulouse. Je pourrais culpabiliser de ressentir autant d’attirance pour un autre garçon que celui que j’aime. Mais on ne peut pas être insensible à tant de beauté masculine, sauf en mentant à soi-même. On peut se maîtriser, éviter la tentation, ne pas y céder. Mais il faudrait être de marbre pour ne pas être ému par un gars comme Thibault.
Ceci étant, je dois rester correct et vigilant dans mes regards. Je ne veux pas mettre Thibault mal à l’aise ni rendre Jérém jaloux. Nous nous sommes déjà disputés une fois à ce sujet, je ne veux surtout pas que ça recommence. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de repenser à la nuit à trois que nous avons passé ensemble un an plus tôt.
« Ah, ouais, ouais, je savais bien que ça avait bien progressé de ce côté-là, fait Jérém en tâtant à nouveau les biceps de son pote enfin dénudés.
— Pas tant que ça…
— Si, si, tant que ça, je confirme.
— Eh, sinon, ça fait longtemps que tu t’es percé l'oreille ? enchaîne mon bobrun en portant le bout de ses doigts autour du petit bijou, en caressant le lobe auriculaire du jeune pompier.
— Quelques semaines…
— Ah ouais… »
Les épaules solides de ton pote Thib aimantent ton regard et tes doigts. Ses gros bras, comme ceux d’Ulysse, te donnent envie de t’abandonner dedans. Quant à ce brillant à l’oreille, tu ne sais pas bien pourquoi, mais il t’excite grave. Tu ne veux pas mettre Thibault mal à l’aise, ni rendre Nico jaloux. Et pourtant, tu ne peux t’empêcher de repenser à la nuit à trois que vous avez passée ensemble un an plus tôt. Et à celle que vous avez partagée tous les deux…
« Ça ne me va pas, c’est ça ?
— Tu rigoles ? T’es bandant ! »
Bandant, oui, c’est le mot.
« Tu parles !
— C’est vrai, je confirme à nouveau.
— Merci… »
Jérém s’allume une clope. Puis, il se rassoit contre la cheminée. Thibault en fait de même. Après avoir expiré une longue traînée de fumée, mon bobrun passe le bras derrière le cou de son pote et attire délicatement sa tête contre son épaule.
Les regards sont traînants, voluptueux, caressants. Les gestes sont lents. Ils traduisent la fatigue, l’ivresse, la désinhibition, la primauté, provisoire mais toute-puissante, des sens sur l’esprit.
L’ancien mécano prend une inspiration profonde, et passe à son tour son bras autour du cou de Jérém. Qu’est-ce qu’ils sont beaux, tous les deux !
Le bobrun pointe son regard de braise vers moi, il me vise droit dans les yeux et me lance :
« T’as pas chaud avec ton pull ?
— Si ! j’admets, tout en m’en débarrassant.
— Viens là, Nico, viens avec nous. »
Qu’est-ce que tu kiffes, Jérémie, le petit torse de Nico que tu devines sous ce t-shirt noir ajusté ! Sans parler de son beau petit cul enserré dans le jeans, et de sa gueule d’amour !
Qu’est-ce qu’il te fait de l’effet, Thibault, le joli corps élancé de Nico ! Tu ressens pour lui une attirance très différente de celles que tu ressens pour Jéjé, mais pas moins intense.
A chaque fois que tu l’as revu, tu as repensé à cette fameuse nuit à trois. Au plaisir que tu as pris avec lui. Mais aussi, et surtout, à sa tendresse, à son besoin d’affection, au bonheur de le tenir dans tes bras.
Jérém m’invite à m’asseoir entre ses cuisses. Puis, il passe sa main sous mon t-shirt, il plaque sa paume chaude sur mon nombril et me colle contre son torse. Un instant plus tard, je sens son nez décrire des frottements légers à la base de ma nuque. Ce sont des petites caresses à la fois douces et sensuelles, et elles provoquent en moi une tempête de frissons. J’ai terriblement envie de l’embrasser, mais je suis toujours et encore gêné par la présence de Thibault. Je ne veux pas qu’il ait l’impression de tenir la chandelle.
Mais Jérém ne me facilite pas la tâche. Son nez s’aventure jusqu’à ma joue. Ses lèvres s’approchent dangereusement de la commissure des miennes. Je crois qu’il a lui aussi très envie de m’embrasser, mais que, comme moi, il se retient par respect pour Thibault.
Lorsque nos lèvres finissent par se frôler, Jérém a un brusque reflexe de recul.
« Eh, vous pouvez vous embrasser les gars, il n’y a pas de problème ! » fait Thibault.
Et qu’est-ce qu’il est beau le petit sourire, mi-gêné et mi-amusé, que Jérém lui envoie en retour !
Jérém m’embrasse enfin, doucement, longuement. Et lorsque nos lèvres se séparent, une surprise de taille m’attend. Car elles atterrissent dare-dare sur celles de Thibault !
L’ancien mécano est pris au dépourvu, et il a l’air complétement perdu.
Tu as passé un an à te dire que tu ne dois plus interférer avec leur histoire. Que tu dois rester correct avec ton pote Jéjé par respect de Nico, et avec Nico par respect de Jéjé.
Mais il suffit d’une certaine proximité, d’un peu d’intimité, d’un câlin, d’un baiser, et tout reflambe en toi ce soir. Et ce baiser fait voler en éclat toutes tes résolutions. Tu n’aurais pas dû accepter l’invitation de ton pote. Et pourtant, tu es heureux d’être là.
Mais Thibault finit par lâcher prise très vite. Les deux potes s’embrassent, et c’est très beau à voir, et très excitant.
Puis, c’est à mon tour de découvrir la douce sensualité des lèvres du stadiste toulousain, alors que Jérém pose d’incessants baisers dans mon cou. Pendant un long moment, le crépitement du feu se mélange aux doux claquements de nos baisers incessants.
Je suis conscient que nous sommes en train de nous engager dans une voie dangereuse. Car cet instant où tout est en train de basculer entre nous, me rappelle une autre nuit où tout a basculé. Et je me souviens des conséquences de cette fameuse nuit, de la gueule de bois qui nous attendait le matin suivant. Je ne veux surtout pas commettre les mêmes erreurs, notamment vis-à-vis de Thibault.
Et pourtant, je continue à embrasser les deux potes, sans pouvoir m’arrêter. Je sens que nous allons très bientôt passer le point de non-retour. A moins que nous l’ayons déjà passé…
Jérém est le premier à se retirer de ce jeu délicieux. Thibault arrête à son tour de dispenser des bisous. Est-ce qu’ils regrettent déjà d’être allé trop loin ? Est-ce qu’ils se sont arrêtés juste à temps, avant que ce ne soit trop tard ? Est-ce que nos retrouvailles sensuelles vont s’arrêter là ?
Je me retrouve dans les bras de Jérém, et je me sens un peu con. Mais, très vite, le bobrun recommence à poser des bisous dans mon cou, ce qui m’apporte de nouveaux intenses frissons. Des frissons qui montent en puissance de façon exponentielle lorsque d’autres lèvres commencent à poser d’autres bisous dans mon cou, sur ma joue, sur mon oreille.
Mon cœur s’emballe, et mon excitation avec.
Evidemment, je pense à Ruben, évidemment je culpabilise. Evidemment, je pense à Thibault, et je ne sais pas si c’est une bonne idée de remettre ça.
Et pourtant, je me laisse transporter par l’appel du bonheur qui semble s’annoncer.
Notes de l’auteur.
1/ Les échanges entre Jean Paul et Daniel au sujet de la jeunesse sont largement inspirés de la chanson « ¿Qué Se Siente Al Ser Tan Joven? » du groupe espagnol « La Casa Azul ».
2/ Ce texte est une pure fiction. Les noms des équipes citées ont été choisis uniquement pour illustrer les prestigieuses carrières professionnelles des personnages. Ainsi, les échanges entre ces mêmes personnages ne décrivent en aucun cas des faits avérés dans les équipes citées à l’époque du récit.
3/ Le prochain épisode, le dernier de l’année, est prévu pour le 31 décembre 2021.
Merci à FanB pour son travail de correction et de révision des épisodes.
Merci à Yann pour les images animées de vœux sur le site.
Merci aux lecteurs/trices, aux tipeurs, à ceux qui laissent des commentaires.