18 Septembre 2023
Octobre 2008.
C’est à ce moment, lorsque je suis à nouveau au plus mal, qu’un ange tombé du ciel revient dans ma vie. Ce n’est pas dans le milieu que je le retrouve, mais dans une salle de cinéma du centre-ville. Le hasard a fait que tous deux avons choisi d’aller voir le même film, plusieurs semaines après sa sortie, dans la même salle de cinéma, et à la même séance.
C’est après deux heures passées à suivre les pérégrinations de Meryl Streep sur une île grecque tout en chantant du ABBA à tout va, après avoir attendu religieusement, lui comme moi, que le fondu au noir et le silence tombent après les titres de fin, et que les lumières se rallument, c’est au moment de quitter la salle que nous nous croisons, que nous tombons littéralement l’un sur l’autre. Je m’arrête pour le laisser passer, il insiste pour me laisser passer.
Il n’a pas changé, il est toujours aussi gentil garçon. Et soudain, mon cœur s’emplit de bonheur, comme lorsqu’on rencontre un visage familier après s’être longtemps égaré dans un désert ou dans une forêt.
Stéphane !!!!!!!!!
— Oh Nico ! il me lance, visiblement aussi surpris que je le suis.
— Stéphane ! Mais que fais-tu ici à Toulouse ?
— C’est une longue histoire. Mais viens-là, Nico !
Et ce disant, il vient vers moi, me serre fort dans ses bras et me claque deux bonnes bises bien sonores.
Sa démonstration d’affection si débordante me donne envie de pleurer.
— Ça me fait plaisir de te voir, Nico !
— Moi aussi, je suis super content de te voir !
— Tu as grandi, et très bien grandi ! T’es beau ! Ça te fait quel âge maintenant ?
— Vingt-six, depuis peu.
— Comment tu vas ?
— Ça va, ça va…
— Ça n’a pas l’air.
— Disons que j’ai déjà connu des jours meilleurs…
— Eh, ça te dit d’aller boire un verre ? On pourra discuter au calme, il enchaîne sans transition.
— Mais avec plaisir !
— T’as envie de marcher un peu ?
— Pourquoi pas.
— Alors je vais te montrer mon nouvel appart. Il est à quinze minutes de marche.
Si mes souvenirs sont bons, Stéphane avait 26 ans en 2001, il doit donc en avoir 33 aujourd’hui. Depuis notre dernière rencontre il y a sept ans, il s’est un peu épaissi, et quelques cheveux blancs se sont glissés au milieu de sa belle chevelure brune, notamment au niveau des tempes.
Mais il n’a rien perdu de son charme. Bien au contraire, ces quelques années lui ont apporté une virilité nouvelle, encore plus intense qu’auparavant. Stéphane est maintenant un homme très séduisant.
Le temps n’a pas changé sa profonde gentillesse, son sourire est toujours aussi attachant. Sept ans, et il n’a rien perdu de ce côté nounours tout doux qui m’a attiré vers lui en cette journée de printemps de 2001. Et ces lunettes qu’il porte désormais en permanence ajoutent un charme studieux à ses yeux toujours aussi charmants.
Nous remontons les allées Jean Jaurès, nous traversons le pont sur le Canal et nous longeons ce dernier.
— Je suis revenu à Toulouse il y a quelques semaines, il m’explique pendant que nous marchons. J’ai changé de job, maintenant je travaille à Blagnac, je suis gestionnaire de compte pour les clients allemands.
— Et tu t’y plais ?
— Je suis revenu chez moi, je suis content.
— Et Gabin ?
— Il est toujours là, avec quelques années de plus, mais toujours fidèle au poste.
— C’est cool !
— Voilà, c’est ici, il m’annonce, en s’arrêtant devant un immeuble à proximité de celui où habitait Thibault avant d’aller jouer au Stade Toulousain.
— Dès que j’ai été installé, j’ai eu envie de prendre de tes nouvelles, il continue pendant que nous traversons un couloir qui nous mène dans l’arrière-cour de l’immeuble. Mais je ne savais pas comment te retrouver. Je n’avais plus ton numéro. Et puis, je ne savais même pas si tu étais toujours à Toulouse…
— Je suis désolé de pas t’avoir donné de nouvelles pendant tout ce temps, je profite pour m’excuser.
— J’imagine que tu avais plein de choses à vivre, et tu as eu raison de les vivre. Et puis, moi non plus je ne t’en ai pas vraiment données. Mais maintenant, on va rattraper le temps perdu !
Stéphane tourne la clé dans la serrure et, dès la porte d’entrée ouverte, la fougue de Gabin nous déborde comme une tornade. Le labranoir a pris du poil blanc sous le menton et sur le bas des babines, il a un peu changé, la tête, le corps, mais sa mignonnerie naturelle demeure intacte, il est toujours ce puits à câlins que j’ai connu à l’époque de notre première rencontre sur la pelouse de la cathédrale de Saint Etienne. Et je jurerais, ou du moins j’ai envie d’y croire, qu’il m’a reconnu, malgré les années passées.
— Allez, rentre, tu vas te mettre à l’aise et tu vas me raconter ce que tu as fait pendant ces sept années !
— Tu as des RTT à poser ? je blague, car ça risque de prendre du temps !
— Je pense qu’on va faire ça par épisodes, il plaisante à son tour.
— Ça me va…
— Tu bois quoi ? Une bière blanche ? Il me semble que tu aimes la bière blanche…
— Tu te souviens de ça ?
— Je me trompe ?
— Non, pas du tout, quelle mémoire ! je lâche, passablement impressionné.
Pendant que Stéphane prépare les boissons, Gabin me souhaite la bienvenue à sa façon. Il bondit vers un coin de la pièce, il se saisit d’un « pouic pouic » en forme de ballon de rugby et il vient le laisser tomber sonorement à côté de moi comme pour me dire : « Ça fait des heures que je suis seul, maintenant, on joue ! ». Ou encore : « Ça fait des années que tu n’as pas daigné venir me voir, alors, maintenant, joue ! ».
Le Labranoir me fixe avec sa bonne bouille, avec son regard d’une douceur désarmante, il me toise avec insistance, l’air joueur, impatient.
J’attrape le jouet et je le lui lance à l’autre bout du couloir. Gabin détale aussitôt, si vite qu’il patine sur le carrelage, il glisse, puis il part enfin le récupérer en bondissant, avec une attitude de chiot fougueux qu’il n’a pas perdue malgré les années passées.
Lorsqu’il saisit le ballon, au bout d’un dernier bond très calculé, il commence à le mâchouiller vigoureusement, provoquant des « pouic pouic » d’intensité variable, comme volontairement modulés. On dirait qu’il essaie de communiquer, sa joie, son plaisir du jeu, son envie de continuer. Il est vraiment adorable et il dégage une tendresse, une innocence, une douceur qui me font fondre.
Gabin revient vers moi, mais il ne me tend pas la balle. Il me regarde avec un air canaille, prêt à démarrer pour m’empêcher de lui prendre son jouet, tout en me mettant au défi d’arriver à le lui attraper.
— Ce qu’il aime, c’est que tu lui coures après pour la récupérer ! m’explique Stéphane en déposant les boissons sur la table basse.
Stéphane se joint à nous, nous nous mettons à ses trousses. Nous finissons par le coincer en le cernant des deux côtés de la table. Je récupère enfin le ballon d’entre ses mâchoires et je le relance. Le contact avec son poil doux est comme une caresse, sa spontanéité est touchante.
Nous continuons à jouer pendant un petit moment, tous les trois, et c’est vraiment marrant. Gabin finit par se lasser et par se caler sur un grand tapis qui est son coin de repos dédié.
— Ce chien, est vraiment « le chien de ma vie », m’explique Stéphane. Quand je pense qu’il a déjà onze ans, j’ai un pincement au cœur. Chaque soir, au moment de me mettre au lit, je me dis que c’est un jour de plus qui me rapproche du jour où sa bonne bouille ne sera plus là pour m’apporter du bonheur. Car il m’apporte tellement de bonheur ! Alors que j’ai l’impression de lui consacrer si peu de temps !
Oui, Gabin est toujours aussi adorable. Tout comme son maître, adorable et touchant garçon.
Aussitôt installés sur le canapé, ce dernier me lance :
— Et maintenant, parle-moi de toi.
En quelques mots, je lui parle, de mes études à Bordeaux, de mon travail à Montaudran. En quelques autres mots, puis en quelques sanglots, je lui parle de mon histoire avec Jérém, de notre bonheur, de notre agression, de notre séparation, de ce garçon anglais qui a pris ma place dans son cœur. Je lui parle du fait que, malgré cette année écoulée depuis notre séparation, je l’aime toujours, j’attends toujours son retour. Je lui parle de ma difficulté à accepter cette rupture, à m’en faire une raison, à aller de l’avant.
— Une rupture est une épreuve difficile à endurer quand on est amoureux. Voir un autre prendre notre place, « voler » notre bonheur, ça, ça ne passe pas. Ça m’est arrivé aussi, quelques années avant que nous nous croisions. A vingt ans, j’ai rencontré un gars qui était animateur d’une radio locale. Il avait quelques années de plus que moi, et c’est lui qui m’a fait découvrir l’amour entre garçons. C’est lui qui m’a appris à m’aimer et à m’assumer. Ce garçon, je l’ai aimé comme un fou. Au bout de quelques mois de relation, il a rencontré un autre gars qui travaillait aussi dans la radio, il en est tombé amoureux et ils sont partis travailler pour une antenne nationale à Paris. Il m’a quitté presque du jour au lendemain. J’ai cru que j’allais en crever.
J’apprends ainsi que Stéphane a également connu l’abandon, la perte de l’être aimé, la séparation, il a vu l’être aimé partir avec un autre.
— Bref, je sais à quel point c’est dur, il enchaîne. On se retrouve seuls, désemparés, désorientés et on a l’impression que nous ne pourrons plus jamais faire confiance, plus jamais connaître la moindre joie, le moindre bonheur. La douleur qu’on ressent nous renferme dans une bulle qui nous éloigne des autres et des belles rencontres que nous pourrions faire. On a l’impression de vivre sous une chape de plomb qui ne se lèvera plus jamais.
— C’est tellement ça, tellement ça ! je sanglote.
— Et pourtant, il faut rebondir, il faut réapprendre à vivre, même si on a l’impression qu’on nous a arraché le cœur, et que, sans le cœur, on ne peut pas vivre.
Stéphane me prend dans ses bras. Sa présence bienveillante me fait un bien fou. Mes sanglots s’estompent peu à peu. Gabin, intrigué par la scène et/ou jaloux que son maître délivre des câlins ailleurs que sur son poil, approche en trottinant et vient chercher son dû de tendresse. C’est tellement mignon !
— Ça ne sert à rien de ressasser le passé, il continue, de rester coincé dans le souvenir du bonheur qui n’est plus. Hier n’est plus, et il ne reviendra pas. Et demain, on ne sait pas de quoi il sera fait. Seul compte aujourd’hui, l’instant présent, le seul sur lequel on a une quelconque prise. La vie est trop courte, il ne faut pas la gâcher avec des regrets, il ne faut pas vivre dans le passé, et il ne faut surtout pas laisser le bonheur perdu nous empêcher d’en vivre d’autres !
Je suis profondément touché par ses mots, son vécu, sa maturité, son empathie. Nous continuons à discuter pendant une bonne partie de la nuit, de lui, de moi, de choses et d’autres. Je retrouve la complicité qui a été la nôtre dès le premier instant, celle que nous avons connue pendant les quelques rencontres avant son déménagement en Suisse, et que les années n’ont pas effacée. Il y a des Êtres comme ça, avec qui on est relié par un fil invisible qui traverse l’espace et le temps, des êtres avec lesquels on est connectés à tout jamais. Ça fait sept ans que nous ne sommes pas vus, que nous ne nous sommes pas donnés de nouvelles, et j’ai l’impression que nous nous sommes quittés la veille.
Novembre 2008.
Ces retrouvailles inattendues tombent à point nommé. Avec Stéphane, je retrouve un ami au moment où j’en ai le plus besoin.
Je le revois dès la semaine suivante. Nous allons prendre un verre, manger une pizza, nous balader sur la Garonne. Entre deux sorties, nous échangeons par SMS. Il n’y a pas un jour où je n’ai pas de ses nouvelles, où il ne prend pas de mes nouvelles. Peu à peu, nos échanges deviennent un rendez-vous incontournable du matin, et du soir, et à chaque fois que nous en avons envie.
La présence et l’écoute de Stéphane me font un bien fou. Nous avons des longues discussions sur les sujets les plus disparates, toujours dans la bienveillance et le respect mutuel. Nous partageons des moments de franche rigolade, d’autres plus profonds. Comme toujours, la maturité de Stéphane m’impressionne.
Puis, un soir, je manque de peu de tout faire capoter.
Nous passons un bon moment à discuter à bâtons rompus sur son canapé autour d’une bière.
Au fur et à mesure que la soirée avance, que la deuxième bière enivre mon esprit, et que la douce bienveillance de Stéphane cajole mon cœur meurtri, je repense à nos belles conversations d’il y a sept ans, à notre balade au Jardin des Plantes, à son risotto, au DVD d’Aladin.
Mais également à sa douceur pendant l’amour, à sa sensualité. Si Jérém est le garçon qui m’a dépucelé et qui m’a fait connaître le plaisir de baiser, Stéphane restera à tout jamais pour moi le garçon qui m’a montré ce que c’était de faire l’amour. A une époque où Jérém ne voulait que me baiser, me refusait le moindre geste de tendresse, et cachait notre relation à la Terre entière comme quelque chose de sale et honteux, Stéphane m’avait montré que le sexe ne devait pas forcément ressembler à un rapport de force entre soumis et dominant, qu’on pouvait s’assumer en tant qu’homo et être heureux, et que je n’avais pas à avoir honte de qui j’étais.
Je me souviens de son torse délicatement velu, tiède, doux.
Je me souviens de ses jambes poilues et plutôt musclées.
Je me souviens de ses caresses, de sa façon de m’apporter un plaisir fou et inconnu, de me faire découvrir une nouvelle sexualité.
Je me souviens de sa façon de me renvoyer une nouvelle image de moi, l’image d’un garçon désirable et non pas seulement d’un trou à bite, sensation qui était à ce moment-là totalement nouvelle pour moi, et si agréable.
Je me souviens de la douceur de son physique qui n’était pas façonné à la salle de sport, mais nature et assumé.
Plus la soirée avance, plus je le trouve séduisant, plus encore qu’il y a sept ans. Et je sens monter en moi une envie de plus en plus débordante de sensualité.
Je n’ai pas envie de rentrer, j’ai envie de me sentir désiré et aimé, compris et rassuré. J’ai envie de faire l’amour avec Stéphane comme au bon vieux temps. J’ai envie de cet amour des sens et de l’esprit, j’en ai furieusement envie cette nuit, avec Stéphane.
J’ai envie de penser que lui aussi se souvient de nos moments de sensualité. J’ai envie de tenter ma chance. Je m’approche de lui et je l’embrasse.
Ses lèvres sont toujours aussi douces, mais elles demeurent immobiles. Stéphane ne me repousse pas, mais son manque de réaction en dit long.
— Excuse-moi, je regrette à haute voix, soudain gêné par mon geste.
— Ne t’excuse pas.
— Je n’aurais pas dû.
— Ne te méprends pas, Nico. Tu es vraiment beau garçon, et je te trouve très attirant. Mais en ce moment, tu n’as pas besoin de ça. Tu n’es toujours pas guéri de ta séparation, et tant que tu ne te seras pas reconstruit, tu ne seras pas prêt, tu ne seras pas assez solide pour te lancer dans une nouvelle histoire. Et même le sexe, ça ne t’apporterait pas grand-chose. Aujourd’hui, tu n’as pas besoin d’un amant, mais plutôt d’un pote.
C’est difficile d’entendre ces mots lorsqu’on aspire plus que tout à retrouver au plus vite un amour et une sensualité que l’on croit, à tort, capables de nous faire oublier ce qu’on a perdu.
Lorsque le manque d’amour est déchirant, on a envie de brûler les étapes, de retrouver le bonheur d’avant, au plus vite. Mais Stéphane a raison, il a terriblement raison.
— Tu veux qu’on soit potes ? il me questionne.
— Je ne demande pas mieux.
— Je crois que ce sera plus simple d’être potes si on ne couche pas ensemble.
— C’est pas faux.
Un peu plus tard en novembre.
Depuis que nous sommes officiellement potes, un nouveau sujet de conversation et de débat s’est invité entre Stéphane et moi et occupe désormais une partie importante de nos échanges. Ce sujet, ce thème majeur de l’existence est, je vous le donne en mille, le Masculin. Assis à une terrasse ou en marchant dans la rue, nous partageons nos impressions au sujet des spécimens qui nous font nous retourner sur leur passage ou sur leur présence. C’est marrant, c’est libératoire, c’est jouissif.
Je n’ai jamais eu ce genre de partage et de complicité avec qui que ce soit, pas même avec Jérém. Je l’ai eu un peu avec Elodie, au bon vieux temps où nous avons fait « les quatre cents coups » ensemble, mais jamais à ce niveau de partage. Entre mon pote Stéphane et moi, il n’y a pas de place pour les tabous. Si on trouve un mec bandant, on se le dit, on se dit pourquoi et comment, et on se dit ce qu’on aurait envie de lui faire, ou de le laisser nous faire. On se raconte nos expériences, on revient sur nos erreurs, sur nos bonheurs, sur nos échecs.
Je découvre l’humour de Stéphane, souvent mordant, parfois égrillard, ou encore polisson, mais jamais vulgaire.
Une bonne blague, une glace place du Capitole, une balade avec Gabin le long du Canal, un resto, un bon film à regarder au cinéma ou en DVD, un bon CD à faire tourner en buvant du Jurançon frais et moelleux, un mot réconfortant toujours prêt à être dégainé lorsque, parfois, la mélancolie me saisit encore sans prévenir.
Tout ça, c’est mon pote Stéphane.
On a du mal à l’admettre quand on va mal et qu’on a qu’une envie, celle de se rouler en boule et de crever, mais l’amitié est vraiment l’un des rares remèdes contre les peines de cœur.
Un pote, un vrai, c’est un trésor inestimable.
Toujours en novembre 2008.
Un an déjà que Jérém m’a quitté. Il y a un an, je montais à Londres pour savoir. Il y a un an, je découvrais Jérém amoureux d’un autre garçon. Triste anniversaire. Heureusement, Stéphane est là pour me sortir et me changer les idées.
Toujours et encore en novembre 2008.
En cette fin d’année, quelque chose d’impensable se produit dans l’une des plus grandes nations du monde. Le premier président noir des Etats-Unis d’Amérique s’installe à la Maison Blanche, suscitant un engouement populaire sans précédent depuis Kennedy. Qui l’eût cru encore quelques mois plus tôt ?
Début décembre 2008.
Au fil des semaines, je vais mieux. Sans doute parce qu’il estime que je suis prêt, Stéphane me propose une sortie un peu différente de nos classiques resto/ciné.
— On se fait une sortie au B-Machine ce week-end ? il me propose un mercredi soir après m’avoir encore battu au Scrabble.
— Je ne sais pas si j’en ai envie. Je suis pas mal sorti cet été, et les coups d’un soir, j’ai donné. En ce moment, ça ne me botte pas vraiment.
— Je ne te parle pas d’aller lever un mec, je te parle d’aller boire un coup, danser, nous amuser. Le reste viendra en temps et en heure. No stress, mon pote !
Oui, no stress. Ça pourrait être la devise de Stéphane. Avec lui, tout semble si naturel, si simple, si apaisant. Alors, j’accepte sa proposition.
Le samedi suivant, je franchis une nouvelle fois le seuil de la boîte où j’ai retrouvé Romain quelques semaines plus tôt, et d’autres mecs par la suite, je retourne dans ce milieu par lequel j’ai été dégoûté à un moment. Je le franchis accompagné de Stéphane.
C’est bon d’aller en boîte avec un pote. C’est beaucoup moins glauque que d’y aller tout seul en espérant lever un type. On a quelqu’un à qui parler, avec qui partager un verre. Mais aussi des impressions, des commentaires, des avis, des classements, des blagues au sujet de la faune masculine circulant dans cet écosystème si particulier.
Stéphane ne rechigne pas non plus devant la « piste de danse ». Quand un morceau lui plaît, il n’hésite pas à se « jeter » dans le flow, et à y rester parfois des heures durant.
Décembre 2008.
Depuis mes retrouvailles avec Stéphane, je vais mieux, beaucoup mieux. Je retrouve le sourire, l’envie d’écouter de la musique, de sortir, je reprends goût à la vie.
Puis, la période de Noël arrive, les magasins et les rues se chargent de décorations, les chaînes de télé des films de Noël dont le seul intérêt est le bogoss de service au casting, et la morosité me cueille à nouveau. Noël, c’est une période chargée de souvenirs, notamment celui de 2003. Ça va faire déjà cinq ans que Jérém était venu me chercher à la maison de mes parents, qu’il m’avait amené à l’hôtel, qu’il m’avait fait l’amour, c’était un Noël magique.
Je sais qu’il ne viendra pas me chercher, mais au fond de moi, « All I want for Christmas » c’est toujours lui, lui, lui !
Heureusement Stéphane est là. Toujours et encore. Un jour, au détour d’une conversation, je lui ai dit que Tchaïkovski était l’un de mes compositeurs classiques préférés, si ce n’est carrément mon préféré. Et que le fait qu’il ait été du bon côté de la force à une époque et dans une nation où cela était sévèrement réprimé le rendait encore plus cher à mon cœur. Nous avons passé un vendredi soir à écouter du Tchaïkovski sur sa super sono, avec mes CD, tout en parlant de « Tribunal d’honneur », le livre de Dominique Fernandez épousant une théorie troublante autour de la mort prématurée du grand compositeur, théorie liée justement à son homosexualité.
Stéphane n’a ni oublié que j’aime la bière blanche, ni que j’aime Tchaïkovski. Quelques jours avant Noël, il m’annonce qu’il a acheté deux places pour le Casse-Noisette qui se joue au théâtre du Capitole. Si ce n’est pas adorable, ça !
Il ne me reste qu’à le remercier. Je ne peux me retenir de le prendre dans mes bras et de lui dire, venant du plus profond de mon cœur :
— Merci d’être là ! Je suis tellement chanceux de t’avoir comme ami !
— Moi aussi je suis content qu’on soit devenu de véritables amis.
— Et tu sais quoi ? il enchaîne sans transition, on va bien se saper… chemise, veste, cravate… on se fait beaux, ça te dit ?
Samedi 20 décembre 2008.
Ce soir, à quelques jours de Noël, la place du Capitole est animée par son traditionnel marché de Noël, et elle brille de mille feux. Le théâtre du même nom en impose à partir de sa façade, bâtie de pierre blanche et de briques rose. Ça continue dans l’entrée, tout y est précieux et solennel.
C’est la première fois que je mets les pieds dans ce théâtre. Et j’avoue que ça ne me serait jamais passé par la tête d’en franchir la porte si Stéphane ne m’y avait pas invité. Sacré Stéphane !
J’ai joué le jeu, j’ai sorti ma chemise blanche, ma cravate sur des tons de bleus, mon costume gris métal. J’ai voulu « innover » avec un jeans et des chaussures de ville.
Quant à Stéphane, il est super beau dans sa chemise bleu intense qui me rappelle celle de Jérém lorsqu’il était venu me voir à Bordeaux la première fois pour mon anniversaire, son nœud papillon bleu, et sa belle veste anthracite. Il est vraiment séduisant, et carrément sexy.
Parfois, il m’arrive quand même de regretter que notre statut de meilleurs potes du monde nous interdise de partager du plaisir sensuel.
Ce soir, je nous trouve très beaux, et je me sens bien, tellement bien.
Dès le premier regard, la grande salle m’en met plein la vue avec ses dorures, ses velours, son allure de théâtre à l’italienne.
Contrairement aux concerts auxquels je suis habitué, le spectacle commence pile à l’heure prévue. Et dès le lever le rideau, j’en prends encore et toujours plus plein la vue.
C’est la première fois que j’assiste à une grande représentation classique, la première fois que j’assiste à un ballet en bonne et due forme, la première fois que j’écoute du Tchaïkovski joué par un orchestre. Et j’en suis carrément enchanté. Je croyais connaître par cœur le Casse-Noisette, en fait je ne connais que la suite du Casse-Noisette. En fait, je découvre plein de musiques de raccord que je ne connais pas.
« Un conte féérique qui finit bien, une atmosphère de Noël dont on ne se lasse pas, des mélodies reconnaissables dès les premières notes » était écrit sur le programme du théâtre.
Casse-Noisette est avant tout du bonheur à l’état pur distillé sur une partition musicale. Quant à la danse et à la mise en scène, ce sont autant de sortilèges qui achèvent de nous faire basculer dans un monde où tout est grâce, harmonie, volupté.
Il est près de 23 heures lorsque la représentation prend fin. Je sors du théâtre avec des étoiles plein les yeux.
— Merci Stéphane, mille fois merci, j’ai passé une magnifique soirée.
Mercredi 24 décembre 2008.
Stéphane fête le réveillon dans sa famille, et moi dans la mienne. C’est le deuxième réveillon sans Jérém. Je sais qu’il n’y a aucun espoir qu’il vienne me chercher. Je me demande où il le passera, est-ce qu’il sera avec Rodney ? Est-ce qu’ils le fêteront chacun dans leur famille ou est-ce qu’ils en sont déjà au stade de faire des présentations et des réveillons officiels ? Ce ne serait pas impossible, car ça fait déjà plus d’un an qu’ils sont ensemble ! Et si c’est le cas, ce sera dans la famille de Rodney ou bien dans le domaine viticole Tommasi ?
Est-ce qu’ils vont faire l’amour cette nuit comme nous l’avions fait en cette fameuse nuit de réveillon que nous avions terminée à l’hôtel ? Est-ce que, de la même façon, ils vont partir à Campan dès demain ? Charlène m’avait dit que Jérém lui avait annoncé sa venue avec Rodney pendant la période de Noël…
Est-il toujours heureux avec Rodney ? J’espère que oui. En fait, non, j’espère que non. Au fond de moi, j’espère que Jérém va se raviser, que cette histoire abusive va se terminer comme un cauchemar, j’espère toujours que Jérém va revenir vers moi !
Mercredi 31 décembre 2008.
Pour le réveillon du 31, j’invite Stéphane chez mes parents. C’est l’occasion de leur présenter enfin mon nouveau grand pote, le garçon qui m’a enfin arraché de la morosité qui s’était emparée de moi depuis ma séparation d’avec Jérém. Depuis le temps que je leur parle de lui, ils sont heureux de mettre enfin un visage sur ce prénom.
L’apéro n’est pas terminé, qu’ils sont déjà sous son charme.
***
L’année 2009.
Janvier 2009.
En plus de nos sorties cinéma, resto, de nos soirées DVD/Musique/Scrabble, Stéphane et moi sortons dans le milieu presque tous les week-ends. Il nous arrive de nous faire mater, mais jamais aborder ou draguer ouvertement. Nous sommes tellement complices et tellement « tout le temps ensemble » que parfois on doit nous croire en couple. Mais ni Stéphane ni moi ne sommes pas particulièrement en quête d’aventures. Je crois que notre amitié nous est si précieuse que nous la préférons aux plans d’un soir. Je crois que nous nous faisons du bien mutuellement, et ça me fait chaud au cœur.
Stéphane est pour moi à la fois le pote et le grand frère qui m’ont fait défaut pendant mon enfance et mon adolescence.
Si j’ai envie de tirer un coup, il existe désormais des réseaux facilement accessibles depuis mon ordinateur. Je m’offre un plan de temps à autre. Parfois c’est sympa, du moins sur le moment, le plus souvent c’est décevant. Si le gars me plaît, j’ai envie de le revoir. Le plaisir des corps crée chez moi un attachement que les autres ne semblent pas ressentir. Bien au contraire, là où je ressens l’envie de remettre ça, la plupart des autres gars ressentent l’envie de surtout de ne pas remettre ça.
Au début, ça me faisait me questionner à mon sujet. Je me disais qu’ils devaient percevoir ma détresse et que ça devait les faire fuir, je me disais que je n’étais pas prêt, que mon cœur était toujours ailleurs, que mon corps ne réclamait toujours que le contact de celui qui n’est plus là, que mon plaisir, et celui que je peux offrir, était toujours verrouillé au Grand Absent.
Mais au fil du temps, j’ai réalisé que dans le milieu, les aventures sont la norme, l’attachement l’exception. La relation suivie est fuie à la faveur de la multiplication des conquêtes. D’ailleurs, Stéphane en fait lui aussi l’expérience.
Puis, ce qui devait arriver arriva. Il est arrivé qu’un gars se montre plus attaché que je ne l’étais. Et ça m’a effrayé. Je suis bizarrement constitué. J’ai envie de revoir certains gars qui ne veulent pas me revoir, et quand un gars veut me revoir, j’ai envie de prendre les jambes à mon cou.
Ce qui est bien dans tout cela, c’est d’avoir un pote avec qui parler de tout ça librement, de pouvoir recueillir son ressenti, ses impressions, ses conseils.
Stéphane avait bien raison, j’avais avant tout besoin d’un pote. Si je ne l’avais pas, je serais bien mal aujourd’hui.
Lorsque le spleen m’attrape parfois, je sais que je peux trouver en Stéphane une oreille attentive. Il m’écoute, avec bienveillance, il me questionne, à la fois avec tact mais aussi avec une pertinence redoutable, me mettant parfois devant mes contradictions, sans pour autant me faire la morale, et en me livrant des analyses très intéressantes.
— Je pense que ce garçon t’a aimé sincèrement, il considère un soir, alors que la mélancolie m’a amené à verbaliser mes éternels questionnements au sujet des raisons de l’éloignement de Jérém.
— Et visiblement tu lui as apporté beaucoup de bonheur, tout comme il t’en a apporté. Mais quand je t’entends parler de son attirance pour les garçons plus âgés, plus virils, pour des garçons appartenant à son monde, au monde du rugby, je ne peux m’empêcher de penser qu’il a toujours eu besoin de quelqu’un de plus fort que lui, plus fort mentalement, je veux dire. Pour le pousser à surmonter les difficultés, que ce soit dans le rugby ou dans la vie plus en général.
— Tu as fait du mieux que tu as pu, tu as essayé de le rassurer, tu l’as aidé à s’assumer et à être heureux. Et tu as réussi, pendant un temps. Mais l’agression dont vous avez été victimes a certainement ravivé ses peurs et sa honte. Ça l’a fait se sentir vulnérable. Quand il s’est senti outé dans le milieu du rugby, il a paniqué en pensant devoir renoncer à sa carrière. Tu m’as dit qu’il était parti en Australie. En général quand on part si loin et si longtemps, c’est qu’on est vraiment perdus.
— Tu as raison, je n’ai pas su le faire se sentir en sécurité, j’admets, les larmes aux yeux.
— Parfois, même si on aime comme des fous, on n’est pas en mesure d’apporter à l’Être aimé ce dont il a besoin. Parce que la vie ne nous a pas encore équipés pour cela, ou parce que notre nature profonde fait qu’…
— … fait qu’on a tous besoin d’être rassurés, de nous sentir protégés, je le coupe, en larmes.
— Je pense que c’est ça, tu as dit le mot. Protégé. Ce garçon se sent vulnérable et il a besoin de se sentir protégé.
— Mais s’il a si mal vécu le fait de se sentir outé dans le milieu du rugby français, pourquoi il s’est remis dans la même situation inconfortable dans le rugby anglais ? Et même dans une situation encore pire, se mettre avec un coéquipier, vivre ensemble…
— On ne peut pas savoir ce qui s’est passé dans sa tête. Ce Rodney appartient à son monde, et ça a dû probablement le faire se sentir conforté à la fois sur le plan sportif et personnel. Et ça, ça a pu conquérir son cœur. Et quand on tombe amoureux, quand on se sent protégés par l’amour de l’autre, on a tendance à prendre des risques. Parfois l’amour peut nous donner l’illusion que les mêmes ingrédients peuvent donner un résultant différent…
— Je le lui souhaite, je le lui souhaite de tout cœur. Car, s’il devait vivre une nouvelle fois ce qui s’est passé après notre agression, je crois qu’il ne le supporterait pas.
Toujours janvier 2009.
Plus le temps passe, plus je me dis qu’en tombant sur Stéphane en ce jour d’automne, j’ai vraiment trouvé le meilleur des potes. Un pote à qui je dois toute la sincérité qu’il mérite.
Un soir, j’ai envie de revenir sur un moment assez crucial dans ma vie, et de lui donner une explication que je lui dois depuis longtemps.
— Je suis désolé d’avoir annulé notre dernier rendez-vous il y a sept ans…
— Tu es allé voir Jérém, ce soir-là, n’est-ce pas ?
— Oui…
— Je m’en suis toujours douté. Mais tu sais, c’est pas grave. Ce garçon, tu l’avais tellement dans la peau !
— Tu m’en veux pas ?
— Non, pas du tout. J’ai apprécié chacun des moments que nous avons passés ensemble. Mais tu as bien fait d’aller le rejoindre. Ça t’a ouvert les portes de quelques années de bonheur avec lui. Et le bonheur, il ne faut jamais le laisser passer quand il se présente à nous.
Parfois, je me demande si en cette fameuse nuit où j’avais annulé le rendez-vous avec Stéphane – parce que Jérém m’avait sommé de le rejoindre à la salle de muscu du terrain de rugby pour une de ces sublimes séances de baise dont il avait le secret – j’ai fait le bon choix. Je me demande comment aurait été ma vie si ce soir-là j’avais laissé tomber Jérém et que j’avais décidé d’aller plutôt vers Stéphane. Est-ce que j’aurais été plus heureux, est-ce que j’aurais moins souffert ? Certes, Stéphane allait partir. Mais si ça n’avait pas été le cas ? Avec les si…
Et pourtant, l’idée me trotte parfois dans la tête.
Février 2009.
Le mois de février est marqué par une rencontre inattendue. Un dimanche matin, je reçois un coup de fil de Ulysse. Le beau blond est à Toulouse pour un match Stade contre Stade, et il me propose d’aller prendre un verre ensemble en fin d’après-midi. J’accepte avec plaisir.
— Je m’en suis tellement voulu pour ce qui vous est arrivé, il me glisse de façon un peu abrupte au détour d’une conversation, comme s’il avait besoin de se délivrer d’un poids qui écrasait son cœur depuis longtemps.
— Pourquoi tu t’en voudrais ? je m’étonne.
— Si je ne vous avais pas invités chez moi, vous n’auriez pas croisé cette bande de fumiers !
— Tu as voulu bien faire, tu as voulu fêter l’anniversaire de ton pote. C’était adorable.
— Tu tiens le coup, Nico ?
— Il me manque tellement…
— A moi aussi il me manque. Sans lui, l’équipe n’est plus la même. J’avais prévu de continuer jusqu’en 2010, mais je suis tellement dégoûté que finalement je vais raccrocher les crampons à la fin de cette saison.
— Et ton projet de resto avance comme tu le veux ?
— Il avance très bien. L’ouverture est prévue pour l’été.
— Je suis heureux pour toi.
— Tu as des nouvelles de Jérém ? je ne peux m’empêcher de le questionner. Mes bonnes résolutions de début d’année de ne plus chercher à avoir des nouvelles de Bobrun n’auront pas tenu longtemps.
— Je l’ai de temps en temps au téléphone.
— Il est parti en Afrique du Sud ?
— Il y est depuis deux mois. Le Super 14 commence dans un mois.
— Avec Rodney ?
— Oui, avec Rodney.
— Tu l’as rencontré, ce… Rodney ?
— Je le connais depuis des années, j’ai joué contre son équipe plusieurs fois, et nous nous sommes retrouvés parfois en soirée, après les matches…
— Je veux dire… tu l’as rencontré avec Jérém ?
— Je suis allé en Ecosse cet été, oui…
— En Ecosse ?
— Le frère de Rodney habite là-bas… il m’explique, l’air un brin embarrassé.
Alors, ça y est. Le temps des présentations familiales est venu. Jérém a été accepté par la famille de Rodney. J’ai l’impression qu’on arrache une nouvelle brique de mon cœur.
Quand apprendras-tu, Nico, que si tu ne veux pas avoir des réponses déplaisantes, il ne faut pas poser les questions qui sont susceptibles de les générer ?
Toujours en février 2009.
Je sais que le Super 14, ce tournoi entre équipes du Pacifique commence à cette période. Je choisis de l’ignorer. Jérém a disparu pour moi, alors il me semble que c’est inutile de tenter de suivre sa trace.
Mai 2009.
Mon amitié avec Stéphane ne connaît pas la crise. Lors de l’un des premiers ponts du mois de mai, nous allons à l’Océan, à Biscarrosse. C’est mon premier voyage de l’après Jérém.
Juin 2009.
— Cette année, j’ai envie d’aller à la Pride, m’annonce Stéphane un soir.
Sur le coup, je suis un brin réticent.
— Je ne suis pas certain de me reconnaître dans l’exubérance et la provocation de cette manifestation tape à l’œil… j’avance.
— Je te rassure, moi non plus je ne me sens pas prêt à passer une perruque et à monter sur un char les fesses à l’air. Mais il est important que cette manifestation vive, qu’elle soit nourrie, nous avons besoin de montrer que nous existons, et que nous avons des revendications, comme la lutte contre l’homophobie, les discriminations, la stigmatisation…
Samedi 20 juin 2009.
J’ai lu que cette année on célèbre le 40ème anniversaire des émeutes du « StoneWall Inn » à New York, le 28 juin 1969, une date clef dans l'histoire de la lutte contre toute forme de maltraitance liée à l'orientation sexuelle.
La marche des Fiertés démarre de la place Jeanne d'Arc à 14 heures. Il fait chaud, il y a un monde fou, c’est très coloré, c’est bruyant, c’est vivant, c’est beau. Une bande de percussions ouvre le cortège, les basses à fond la caisse, ça fait vibrer les tympans, les entrailles, la rue, jusqu’aux immeubles.
Des filles qui aiment des filles, des garçons qui aiment les garçons, des beaux, des moins beaux, des gros, des laids, des sexy, des efféminés, des vieux, des jeunes, des discrets, des démonstratifs – deux garçons qui se tiennent la main dans la rue, d’autres qui s’embrassent, comme c'est mignon – des décolorés, des maquillés, des solitaires, des bandes de potes, toutes les couleurs sont dans l’arc en ciel.
Je suis submergé par l’émotion de me trouver au milieu d’un événement important où chacun a le droit d’être celui qu’il veut, sans peur des regards, des jugements, des conséquences. Un droit qui n’a pas toujours existé et qui a été arraché il y a bien longtemps au terme d’une lutte parfois violente. A tous ceux qui ont manifesté en premier il y a quarante ans contre une police qui avait le droit de tabasser, j’ai envie de dire un immense MERCI.
Je suis heureux d’y être, et je suis heureux d’y être en compagnie de Stéphane.
Le défilé continue boulevard de Strasbourg, puis boulevard Carnot. Passer devant la rue de la Colombette éveille en moi des souvenirs et une blessure encore bien douloureux. Mais Stéphane me parle, et ça m’arrache à ma tristesse.
Les pancartes et les banderoles brandies par les manifestants sont nombreuses. Au milieu d’innombrables drapeaux arc en ciel se glissent des slogans contre les discriminations :
« Sous les paillettes, la rage ! ».
« Je suis un criminel dans 69 pays, car j’ose aimer ».
« Fatigay de se cacher ».
Certains choisissent l’humour pour toucher les esprits :
« Only Beyonce can judge me ».
D’autres encore, celle de la provocation des jeux de mots :
« Nos désirs font désordres ».
La fierté est un thème récurrent :
« Sois fier(e) de qui tu es »
« Je n’ai pas choisi d’être gay, mais putain, qu’est-ce que j’aime ça ! »
« J’ai le droit d’aimer qui je veux ».
L’homophobie en prend pour son grade :
« L’homophobie tue »
« La haine n’aura jamais le dernier mot »
« A quand le vaccin contre la haine ? ».
Et mon préféré :
Je suis de plus en plus content de participer à la Pride, j’emmerde mes agresseurs parisiens, ils ne sont que de pauvres gens. Des minables qui ont quand même réussi à détruire ma vie. Les souvenirs de cette horrible nuit remontent en flash, comme des lames qui transpercent mon cœur. Je revis les coups, la peur de ne pas nous en sortir, l’humiliation, le goût du sang dans ma bouche.
J’en ai le souffle coupé, j’ai la tête qui tourne, j’ai mal au cœur. Stéphane comprend que je ne me sens pas bien et me propose de faire une pause à l’ombre.
— C’est quoi l’homophobie ? j’entends éructer d’un mégaphone.
— Une façon de s’inscrire en faux vis-à-vis de celui qu’on ne veut pas être accusé d’être ? J’agresse les pédés, donc je n’en suis pas ?
— Une manière d’exorciser une part inacceptable de soi ? Quel hétéro ne s’est pas surpris un jour à douter un tant soit peu de l’inébranlabilité de son hétérosexualité ?
— L’homophobie est-elle un biais intellectuel qui tend à stigmatiser ou à dévaloriser celui qui est différent de soi pour affirmer par contraste sa propre « valeur » ?
— L’homophobie fait souvent appel à des valeurs religieuses. Combien d'atrocités ont été justifiées au nom des valeurs religieuses !
— Elle fait parfois appel à des valeurs morales. Est-ce que le respect de l’autre n’en est pas une ? La morale est très souvent un concept à géométrie variable, suivant comme ça arrange !
— Quels que soient les mécanismes psychologiques qui en sont à la base, l’homophobie est un marqueur incontestable de limitation intellectuelle, de faiblesse d’esprit, de mauvaise foi, d’incapacité à accepter la complexité de la Création.
— On emmerde les homophobes !
— On emmerde les homophobes !!!!!!!!!!!! reprend la foule d’une seule voix qui fait trembler la ville.
— Il est temps, il est temps, que la honte change de camp !
— Il est temps, il est temps, que la honte change de camp !!!!!!!!!!!!!!
Oui, il est temps, il est vraiment temps.
Parmi les pancartes brandies, on peut lire également des slogans au sujet des droits et de l’égalité :
« Mariage, parentalité, l’égalité, c’est pour quand ? ».
Nous sommes en 2009. Difficile d’imaginer à cet instant que dans quatre ans à peine la loi Taubira sera à l’ordre du jour, qu’elle cristallisera le débat citoyen à un niveau rarement atteint, qu’elle provoquera un immense tollé dans ce pays, qu’elle amènera des dizaines de milliers de gens dans la rue pour manifester pour voir ses droits reconnus, et des centaines de milliers pour manifester pour que les inégalités persistent.
C’est au Monument aux Morts que les chars font leur entrée en scène. Nous nous arrêtons pour les laisser passer, pour les observer. Au menu, des garçons qui dansent en petite tenue, des distributions de tracts, de capotes et de gel, et toute sorte de musique festive, de YMCA à Vogue, de Rasputine à Express Yourself, de Daddy cool à Dancing Queen, de Pokerface à Human Nature (celle de Madonna, la chanson où elle dit qu’elle ne regrette aucun de ses choix).
Tout est chaos, à côté…
Partout autour de nous la fête est dans l’air et elle semble égayer la ville tout entière de ses couleurs, de ses sons, de sa fierté.
Depuis un char me parviennent les basses d’un tube iconique de Dalida, au rythme disco et fêtard.
Dalida, Dalida. Elle n’est pas seulement la chanteuse du disco ou de « Gigi l’amoroso », elle est aussi l’interprète de « Pour ne pas vivre seul »,
Et de « Depuis qu’il vient chez nous ».
Deux chansons qui traitent chacune à leur façon du sujet pour lequel nous tous sommes venus manifester dans la rue aujourd’hui.
J’ai toujours été très touché par Dalida. J’ai toujours aimé m’identifier à des personnalités qui, forgées par les épreuves, savent sublimer leurs blessures pour créer, et devenir des stars adulées.
Dalida s’inscrit dans la lignée de stars féminines à la fois glamour, sensuelles, sombres, amoureuses et malheureuses, sensibles, fatales, qui ont su faire de leur différence, de leur singularité, ne serait-ce que celle d’être des femmes dans un monde régi par les hommes, une force de la nature. Des stars qui renvoient à la fois une image de perfection et de fragilité, de courage et de panache aussi. Soit l'exact opposé de la peur, de la honte, de l’opprobre sociale, de la mésestime et du manque de confiance en soi dont on est souvent victimes en tant que gay.
De Dalida à Madonna, en passant par Mylène et tant d’autres, nos icônes sont nos poupées cathartiques, des saintes et des putains, qu’on adore, qu’on envie, elles sont des modèles, celles que l’on voudrait être (parfois) et celles que l’on voudrait comme amies, aussi.
Et nos « icônes », sont aujourd’hui toutes réunies à Toulouse. Sur un char haut en couleur, je repère une Madonna Ultra Low Cost, une Britney Spears de recup’, une Lady Gaga avec le contrôle technique largement périmé, une Cher plus refaite que nature, une Mylène aux cheveux sur le point de s’embraser, et même une Dalida à moustaches.
Ça m’amuse. Et même si je ne me reconnais pas dans toutes les nuances de l’arc en ciel, je suis conscient que les difficultés que nous devons affronter sont les mêmes, et que si nous voulons obtenir le respect de la part des « moldus » nous nous devons avant tout du respect mutuel, nous devons montrer l’exemple, être solidaires, nous serrer les coudes, nous montrer unis, car c’est de l’union que naît la force.
Un jeune photographe au t-shirt jaune et à la belle petite gueule barbue perché sur un échafaudage aimante mon regard. Le mec capte mon désir insistant, et ça a l’air de l’amuser. Il me sourit, il pointe l’appareil vers moi et fait mine de me prendre en photo.
Nous laissons passer les derniers chars et nous nous remettons dans le flux des Fiertés. Pendant que nous parcourons la rue de Metz, je pense à Esquirol, à cette brasserie où Jérém a bossé le temps d’un été, avant de rentrer dans le monde du rugby professionnel. Je me souviens des fois où je suis passé devant la terrasse juste pour le mater, je me souviens des pauses de l’après-midi lorsqu’il venait me baiser dans ma chambre, je me souviens de cette baise qu’il m’avait offerte dans l’arrière-boutique un jour où j’avais osé me pointer pour prendre un verre.
Les souvenirs remontent, la nostalgie avec, j’ai du mal à retenir mes larmes.
Le cortège emprunte la rue Alsace-Lorraine et la rue Lafayette pour arriver place du Capitole.
Pour le mot de la fin de cette belle journée, j’aime garder celui inscrit sur fond arc en ciel sur une pancarte qui dit :
« Soyons fiers d’aimer ! ».
Le soir même de la Pride, Stéphane me parle de son cheminement personnel pour apprendre à se connaître et à s’accepter.
— Dès l'enfance on ressent quelques signaux, on a quelques indices, mais on ne les comprend pas. On se sent différent, sans arriver à s’avouer pourquoi. Au fond, on sait, mais on ne veut pas savoir. Et avant qu’on arrive à faire la paix avec soi-même, les insultes et les humiliations commencent à pleuvoir. Quand on est gay, l’insulte précède la prise de conscience de qui on est. C’est dur de se construire dans la honte et l’humiliation.
— C’est à partir du collège que j'ai véritablement compris que je m'intéressais aux garçons. Pendant des années, je me suis dit que je devais changer, que je devais essayer d’aller vers les filles. J’ai un peu essayé, mais je n’y arrivais pas. De toute façon, j’étais déjà catalogué comme le « pédé de la classe », alors, à quoi bon essayer d’être autre chose ?
— J’avais déjà connu des picotements dans le ventre à cause de certains garçons, et à cette époque j’en pinçais pour un camarade qui s’appelait Jordan. Je me branlais chaque soir en pensant à lui dans mon lit. Mais je n’ai jamais osé aller vers lui. Je n’ai jamais osé parce que j’étais certain que si j’avais osé lui dire ce que je ressentais j’aurais ramassé une beigne et une honte dont je ne me serais pas remis. A 14 ans, j’étais un ado solitaire avec pour seuls compagnons mes bouquins et mes CD de musique classique.
— C’est là qu’une sorte de « coup de tonnerre » a traversé l’horizon de mon existence. C’était au printemps 1989, c’était la dernière année de collège, et j’étais en voyage scolaire à Londres. Sylvie, une camarade de classe, avait amené la cassette et elle l’avait donnée au chauffeur. Je me souviens qu’au gré de l’autoreverse, elle avait tournée en boucle dans les enceintes du bus. A ce moment-là, je n’accrochais pas à toutes les chansons, mais surtout à la chanson « Like a prayer » qui a donné le nom à l’album, que je connaissais déjà depuis quelque temps.
— Avant le voyage, il y avait eu la pub Pepsy, avec une Madonna rayonnante, souriante, effrontée, l’air d’oser. Et cet « air d’oser » m’a beaucoup ému, à une époque où, justement, je n’osais pas, ni aimer, ni être en phase avec moi-même, ni même être franc avec moi-même.
— Le deuxième extrait de l’album a été Express Yourself. Quand je l’entendais chanter qu’« on mérite tous le meilleur dans la vie », « qu’on ne doit jamais se résigner à être rabaissé », « qu’on doit pouvoir s’exprimer librement », j’en avais des frissons. Alors, oui, cette chanteuse si effrontée, avançant tout droit sur son chemin, l’air de dire « personne ne va me dire ce que je dois faire » forçait l’admiration chez moi.
— En plus, ce titre a été illustré par un clip bluffant, inspiré de l’ambiance du film « Metropolis ». On y voyait une flopée de mâles musclés bosser puis danser dans une grande usine. Madonna y était sublime.
— Cet album contenait également pas mal de ballades, et quelles ballades ! Des chansons aux mélodies empreintes de mélancolie. Une mélancolie qui épousait bien la mienne, une tristesse d’ado solitaire et mal dans sa peau.
— Et puis, il avait le tract…
— Ah, oui, celui au sujet du SIDA ! je réalise.
— Exact ! Je suis tombé dessus en feuilletant le livret, et ça a été un choc. Quand j’ai lu le mot « AIDS », j’ai été interpellé. A l’époque, on entendait de tout au sujet du Sida, mais en même temps pas assez, et surtout pas mal de choses inexactes, car cette nouvelle maladie était à la fois ignorance, tabous et stigmatisation. Alors, quand j’ai lu ces quatre mots :
« Regardless of sexual orientation »,
— Je crois bien que j’ai pleuré. J’ai pleuré parce que ces quatre mots me disaient qu’il y avait d’autres gars comme moi, que je n’étais pas le seul pédé de la planète. J’ai pleuré parce que dans ce texte il n’y avait pas de jugement, pas de condamnation, il y avait juste des faits. Ça peut paraître banal en 2009, mais en 1989, pour un garçon de 14 ans qui se découvrait différent, ces quelques mots sonnaient comme une révélation.
— Dans ce tract il était également question d’« anal sex », et de « putting on a condom ». Là non plus il n’y avait pas de jugement, juste un constat et du bon sens. Ce petit texte était d’une clarté exemplaire, et il a fait exister pour moi une réalité que je n’arrivais même pas à concevoir auparavant. AIDS is no party ! J’avais enfin l’impression que quelqu’un me parlait franchement, qu’il me mettait en garde avec une bienveillance qui me touchait immensément.
— A cette époque je ne suivais pas encore Madonna, je savais tout juste qu’elle existait. Cet album m’a carrément explosé à la figure, une chanson après l’autre. Il s’est étalé sur cette période de ma vie, il en a aimanté les souvenirs. Et il me les rend à chaque écoute.
Cet album est indissociablement lié à l’époque de mes 14 ans, l’époque de mes humiliations et de ma solitude au collège. Sa musique, sa « présence » me donnaient de la force de tenir bon, d’attendre que ça passe. Son impertinence, son effronterie m’inspiraient. Ses mélodies, sa voix et sa présence suffisaient à mon bonheur.
« Like a prayer » est l’album par lequel tout a commencé. Ma vie d’adolescent, ma prise de conscience de qui j’étais. Mon éveil à la vie.
C’est émouvant de découvrir à travers son récit que Stéphane n’a pas toujours été le garçon bien dans ses baskets que j’ai connu en 2001, qu’il a traversé des moments difficiles, que nous avons vécu les mêmes frustrations et les mêmes humiliations au collège. Et c’est bon de constater que malgré tout ça, il a su avancer la tête haute et devenir l’homme terriblement séduisant qu’il est aujourd’hui.
Je découvre également que nous partageons une admiration commune vis-à-vis de cette figure emblématique de la pop culture. Notre différence d’âge fait que son histoire de fan a commencé quelques années et quelques albums plus tôt que la mienne. Mais elle est jalonnée des mêmes ressentis, des mêmes frissons, des mêmes prises de conscience.
Jeudi 25 juin 2009.
Ça faisait longtemps qu’on le voyait dépérir dans les médias. Mais, perso, j’ai toujours cru, espéré qu’il rebondirait un jour. L’annonce de ses concerts londoniens semblait avoir relancé la machine après toutes les frasques des dernières années. Le destin et le propofol en ont décidé autrement.
Il est des événements qui nous marquent au fer rouge. Je me souviens parfaitement où j’étais et ce que je faisais lorsque j’ai appris que le 11 septembre était devenu à tout jamais le 11 septembre, ou lorsque le 21 septembre était devenu lui aussi une date marquée d’une pierre blanche pour la ville de Toulouse.
Et je me souviens très bien où j’étais et ce que je faisais lorsque ce jour-là, entre midi et deux, Stéphane m’a annoncé au téléphone que Michael Jackson n’était plus. La plus grande des stars contemporaines, l’un des piliers de la Trilogie Fantastique du cru 1958 avec Prince et Madonna, venait de disparaître.
J’ai toujours aimé sa musique, et ses sorties d’album, notamment celle de l’album « History », ont marqué mon adolescence. Il faisait partie du paysage de mon existence. Ainsi, un monde privé de Michael Jackson me paraît inconcevable.
Je ressors mon CD de « Dangerous », mon album préféré de Mickael, et je l’écoute en boucle.
Eté 2009.
En juillet, je pars deux semaines sur la côte méditerranéenne avec Stéphane. Du Cap d’Agde à Saint Tropez, nous changeons de camping presque chaque jour. Nous sortons dans une boîte gay et je me fais draguer. J’ai une aventure, et ça réveille mon envie d’aventure.
De retour à Toulouse, le vent d’Autan souffle sur les braises de mes envies de baises. Je recommence à chercher des garçons.
Je prends goût aux frissons de la séduction, aux regards d’abord timides et puis téméraires, aux frissons des manœuvres d’approche, à la surprise des premiers mots échangés, à la découverte du son d’une voix, des attitudes de l’autre, à la promesse de nouveaux bonheurs inscrite dans toute rencontre. J’adore cet instant entièrement empli par le désir inspiré par un parfait inconnu, sexy et mystérieux, un être dont on ne connaît pas les fêlures et que l’on peut encore croire différent de tous ceux que nous avons connus, un mystère mâle qui fait tout son attrait.
Ces rencontres m’apportent une certaine satisfaction sur le moment, mais elles me laissent toujours cet arrière-goût amer des baises sans tendresse et sans suite.
Toujours pendant l’été 2009.
C’est en rentrant à Toulouse qu’un immense coup de tonnerre déchire mon horizon. Il s’annonce par le biais du vent d’Autan qui souffle dans les rues de Toulouse.
Toute la presse en parle. Rodney Williams vient d’annoncer son retrait définitif du rugby professionnel à la veille du coup d’envoi de la Currie Cup, le tournoi de rugby d’Afrique du Sud auquel il devait participer au sein des Sharks.
Mais la nouvelle de son retrait soudain et « inexplicable » de la scène rugbystique est totalement éclipsée par une autre info bien plus croustillante pour la presse à scandale. Rodney Williams vient de faire son coming out dans un talk-show sur une grande chaîne de télévision anglaise. Et, de ce fait, devant la Terre entière.