24 Août 2019
« 2001… »
… sur le lit dans le studio de rue de la Colombette… les corps musclés des deux garçons…
« Dimanche premier juillet… »
… en train d’approcher tout doucement de l’orgasme…
« 4h02… après la soirée au KL… »
… les regards se cherchent, se croisent… le contact avec la peau de l’autre, douce, chaude, moite, est très excitant… les épaules nues se frôlent encore, encore et encore… les cuisses se touchent, les genoux se frottent, les doigts s’effleurent…
… troublés par la découverte de leurs nudités excitées (car en ce qui est de leurs nudités tout court, ils connaissaient cela très bien grâce aux vestiaires du rugby)…
… la tension érotique entre les deux coéquipiers est palpable…
… la sodomie, voilà une pratique complètement inédite pour ce gentil Thibaut, une pratique qu’il a accepté d’expérimenter pour ne pas déplaire à son pote… une pratique qu’il finira par aimer assez rapidement… c’est si serré un petit trou, ça fait des sensations si différentes par rapport à une chatte… … dès les premiers coups de reins… les corps musclés sont parcourus par des frissons puissants… sous la vague d’un plaisir qui est autant sexuel que sensuel… les deux coéquipiers se cherchent, les regards … s’aimantent, le plaisir monte, la jouissance approche…
Le corps et l'esprit secoués par ce plaisir inédit et intense, Thibault frissonne, en tremble presque… Jérém le regarde faire… il trouve ça incroyablement excitant et beau… devant son pote en nage, la respiration profonde et rapide, en train de découvrir ce plaisir jamais expérimenté, à la fois conquis et dérouté… Jérém ressens un truc nouveau pour Thibault... son plaisir le touche… plus que ça, presque ça l’émeut…
Et c’est autant pour le rassurer… que pour une irrésistible envie de contact avec sa peau… qu’il a l’idée d’un geste inattendu… tendre…
A un moment, son bras de lève, sa main se pose sur son cou… comme une caresse douce, sensuelle et excitante a la fois, un geste qui… avait précipité la jouissance des deux garçons, la faisant survenir presque au même moment…
Hélas, la jouissance masculine est un oiseau qui s’épuise dans son envol… l’ascension vers le plaisir est tellement puissante et rapide qu’on a du mal à réaliser que le retour au sol nous guette instantanément…
… les boxers recouvrent vite des nudités devenues soudainement gênantes…
Le silence devient rapidement gênant pour Thibault…
Plus tôt, cette semaine là…
J’hésite toujours… j’ai honte de m’être fait gauler par Thibault en train de me cacher dans l’abribus à coté de la brasserie où Jérém travaille…
Le beau mécanicien me balance un nouveau sourire et un nouveau geste de la tête pour que j’aille le rejoindre… au point que j’en suis, je n’ai plus le choix… ne pas y aller semblerait étrange, un aveu de « culpabilité »… je n’ai plus le choix, non… et puis, je dois admettre que l’idée de me retrouver à la même table que Thibault, ne me déplait pas du tout… d’abord car elle donne un début de légitimité ou d’excuse à ma présence vis-à-vis de Jérém… ensuite car, même si ce dernier va mal prendre le fait que je me trouve là, il ne va pas oser me jeter devant son pote… enfin, le fait de copiner avec le meilleur pote du mec qu’on aime, est un plaisir qu’on ne peut pas bouder… quand on copine avec le meilleur pote de la personne qu’on aime, on a l’impression de rentrer un peu dans sa vie, cette vie inconnue, par une porte dérobée…
Oui, j’aime la compagnie de Thibault, j’aime discuter avec lui… d’abord car jusqu’à là nos échanges ont tourné essentiellement autour de mon sujet préféré… mon beau brun ! Et puis, ce qui me touche énormément chez lui, c’est cette profonde bienveillance à l’égard de Jérém qu’on lit en filigrane dans chacun de ses mots lorsqu’il parle de lui… et vraiment, il ne se fait pas prier pour cela… c’est vrai que l’on ne se connaît pas assez pour avoir d’autres sujet de conversation que cette « connaissance » commune…
Mais au delà de ces considérations, je sens que Thibault parle très volontiers de son meilleur pote… je sens qu’il l’aime beaucoup…
Je finis par céder à l’invitation du beau mécano… j’avance en direction de sa table en essayant de me donner une contenance que je n’ai pas… et tant pis si ma présence va mettre le beau brun en pétard…
« Re… » me lance-t-il. Je note dans ma tête que le jour où j’aurai une voiture, c’est au garage où il travaille que je vais l’amener, en espérant que ce soit lui qui s’en occupera. Non seulement car je le trouve vraiment craquant, mais parce que ce mec m’inspire la confiance.
« Oui, re… » je lui réponds en souriant. Le sourire est une arme de défense imparable, comme me l’a si bien rappelé le petit vendeur de la boutique de téléphones tout à l’heure.
« Allez, vas-y, assieds-toi, Jérém va être content de te voir… »
[Bah, moi j’en suis pas si sur…]
Pas un mot sur le fait de me retrouver là quelques minutes après m’avoir croisé et m’avoir balancé l’info du taf de Jérém… pas de réflexion sur le fait que j’ai accouru comme un petit chien… il fait comme si je tombais là par hasard, je trouve son comportement gentil comme pas permis, son attitude me met à l’aise… il est vraiment adorable ce garçon…
« Tu veux boire quoi? Je t’invite… faut juste attendre que le serveur se libère… »…
Est-ce que j’ai déjà dit qu’il est vraiment adorable ?
Quelques instants plus tard, le serveur finit par débouler en terrasse avec un nouveau plateau chargé de verres, de boissons et de biscuits apéro… Jérém est le genre de mec beau de loin mais… magnifique de près… il est à croquer…
Tout y est… ses cheveux plus courts sur les cotés et derrière la nuque, plus longs sur le haut de la tête et fixés au gel, sans trop, juste ce qu'il faut… la barbe qui recommence à pousser [la aussi, arme de séduction massive], sa chaînette de mec coincée entre le coton noir et sa peau mate mais dont quelques mailles pointent à la lisière de l’échancrure bénie de son t-shirt… son tatouage pile au dessous du bord de la manchette…
Je le regarde voltiger entre les tables serrées… ses mouvements ont une vitesse, une élégance, une assurance que je trouve étonnantes, comme s’il avait fait ça toute sa vie… putain de putain de mec… habile de ses pieds et de ses jambes pour le rugby, adroit de ses mains, de ses doigts, tout lui réussit… et ça c’est pas normal… non, c’est pas normal d’être aussi beau et aussi doué à la fois, c’est pas juste, pas juste !!!
Tout dans son allure respire une fraîcheur à faire craquer un chêne… tout est plaisant, séduisant, élégant chez lui… je me surprends à fixer à nouveau ses oreilles fines, bien collées avec qui je me suis bien amusé la veille… et ça me fait toujours et encore un de ces effets…
Pendant qu’il approche d’une table à l’opposé de la terrasse pour y déposer les boissons, je regarde son biceps tendu, gonflé dans l’effort de tenir en équilibre le plateau, déformant carrément la manchette de son t-shirt noir moulant… ah, c’est à tomber dans les pommes… et rien que ça c’est une provoc’, dangereuse qui plus est, surtout dans la mesure où elle est nonchalamment lâchée devant un public si nombreux…
Et puis, à un moment, il se passe un truc… le genre de truc à cause duquel on frôle carrément l’émeute… la table qu’il est en train de servir est dans un coin de la terrasse saturé de monde… les chaises sont vraiment les unes sur les autres… ainsi, pendant qu’il distribue les conso, à un moment Jérém se trouve coincé… et là, tout en gardant son plateau en équilibre dans sa main gauche, il se contorsionne pour arriver à poser les verres sur la table… dans ce mouvement, son torse se bombe, ses pecs ressortent, toute sa musculature se met en tension... tout est beau chez lui, toujours… mais cette attitude de son corps est carrément une œuvre d’art éphémère, son geste est un pur instant d’éternité, insoutenablement beau car justement passager, un instant unique que j’aurais voulu fixer à jamais avec un appareil photo… hélas, à cette époque les smartphones n’existent pas encore…
On passe à deux doigt du cataclysme… j’ai une envie furieuse de bondir de ma chaise et de lui sauter dessus… de plus, je crois qu’on doit être nombreux dans la salle à avoir ce genre d’envie… oui, le risque d’émeute est palpable…
Le beau brun n’a toujours pas capté ma présence… mais moi, putain, comment je l’ai captée la sienne, admirée, adorée… non, le beau brun n’a toujours pas vu ma tronche affichée à la terrasse de son taf… je sais que cela ne va pas tarder… j’appréhende sa réaction… je me sens de plus en plus inquiet, je me sens comme quelqu’un qui a perdu pied et qui sait qui va commencer à couler… je regarde autour de moi en cherchant n’importe quoi pour m’accrocher et ne pas sombrer… je commence à paniquer… et puis mon regard rencontre le regard de Thibault… je lui souris timidement, un peu embarrassé… il me sourit à son tour… voilà la « bouée de sauvetage » qui m’empêchera de couler…
Car son sourire me fait un bien de fou… c’est peut être que dans ma tête, mais ce sourire me semble exprimer tellement de choses, du genre « Je sais que tu t’attends à une possible réaction contrariée de Jérém, mais il ne faut pas t’inquiéter… tout va bien se passer… je suis là… je suis de ton coté… je vais t’arranger le coup… »…
Oui, on peut parfois lire tant de choses dans certains regards… à moins que ce ne soit toujours mes rêves qui se prennent pour des réalités…
Jérém arrive à se décoincer d’entre les chaises et, sans regarder dans notre direction, il trace vers le comptoir à l’intérieur. Une autre table attend d’être servie. Il revient une minute plus tard avec un nouveau plateau, beaucoup moins chargé… pendant qu’il traverse une nouvelle fois la terrasse en diagonale, je ne peux toujours pas le quitter des yeux… ainsi, ce qui devait arriver arriva… nos regards s’accrochent…
Un instant plus tôt j’appréhendais sa réaction, l’instant d’après je suis super heureux de la découvrir… car, à l’instant même où il réalise que c’est moi, il marque presque un arrêt net dans son élan rapide et assuré… ça ne dure qu’une demi seconde… son sourcil gauche se relève, marquant un étonnement… amusé… déjà ce simple geste est d’une beauté à me faire craquer… et, top du top, j’ai l’impression que finalement ça lui fait plaisir de me voir là le premier jour de son travail… j’ai presque l’impression qu’il me balance un petit sourire du coin de l’œil tout en reprenant son allure vive…
Jérém pose les boissons sur la table et encaisse la note… après quoi, il se dirige dans notre direction…
Vite, un truc à dire à Thibault…
« Ca se passe bien ton travail ? »
Thibault a tout juste commencé sa réponse, que j’entends la voix du beau brun derrière mes épaules.
« Eh, ben, il y en a qui se la coulent douce pendant que d’autres travaillent »
Je suis soulagé, il est de bon poil. Il est même d’humeur à faire de l’humour. Je me dis que ça doit être la présence de Thibault. J’ai l’impression que Jérém est plus détendu lorsque Thibault est dans les parages…
« Cause toujours, va… » déconne le beau mécano « pour une fois que tu mets la main à la pâte, il faut que tu te la pètes… »
Et il continue, cherchant mon regard comme pour me prendre à témoin et me rendre complice de sa déconnade, petit geste qui me rend fou d’excitation… rien que ce regard, et j’ai l’impression de faire un peu partie de « leur monde », de « leur meute » :
« Il est vraiment incorrigible ce mec »…
Je souris, amusé et touché.
« Tête de con » lui balance Jérém.
« Branleur… » lui répond Thibault du tac au tac.
J’adore les voir déconner. J’adore leur complicité. J’adore leur amitié. Je n’ai jamais vécu quelque chose de tel de ma vie. Je suis jaloux de leur relation, de leur histoire, de leurs vies.
Depuis son arrivée, Jérém s’est un peu décalé, et maintenant il est devant moi… en station debout, les jambes légèrement écartées, un pied un peu avancé par rapport à l’autre, le buste et le bassin inclinés vers la droite, c'est-à-dire vers moi… la braguette ostensiblement calée vers l’avant, pile à hauteur de mes yeux, laissant entrevoir une bosse discrète mais tellement évocatrice… un regard qui me toise malicieusement de haut en bas… bref, une attitude que, là encore, plus mec tu meurs…
« Et toi tu fais quoi là, tu branles comme Thibault ? »
« Je passais par là… »
Là j’ai l’impression à la fois de me ridiculiser par rapport à Jérém et de trop me dévoiler par rapport à Thibault… me ridiculiser, car mon explication sonne faux… le fait que je puisse passer par hasard devant le resto où il ne bosse que depuis quelques heures, est très improbable… certes, il reste l’excuse « Thibault en terrasse captant mon attention », mais enfin… d’autre part, avec mon petit mensonge, j’ai le sentiment de trop me dévoiler par rapport à Thibault car, lui il le sait, je ne suis pas passé par là par hasard… il le sait, et en plus il a capté mon cirque qui consistait à mater discrètement Jérém en essayant maladroitement de me cacher derrière l’abribus… je suis carrément grillé…
S’il me balance, je vais pas avoir l’air con…
Heureusement pour moi, la discrétion est une des nombreuses qualités de ce garçon dont le physique musclé autant que le mental équilibré, sont façonnés par la pratique du rugby… beaucoup de mecs de notre âge se seraient moqué de moi… de mon penchant suspect, ou plutôt certain, pour Jérém… pas lui… à ce stade je pense qu’il a tout compris… et il fait comme si de rien n’était…
J’ai déjà dit que ce mec est adorable ?
« Alors, tu bois quoi ? Je te l’offre… »… finit par lâcher Jérém.
Bon… lui aussi veut m’offrir à boire… c’est génial… j’ai l’impression que si je reste bouffer, à la fin de la soirée je vais être un « des leurs »… si ça ne tenait qu’à cela…
Je croise à nouveau son regard. Il a l’air épanoui, presque jovial… qu’est-ce que ça contraste avec le Jérém taciturne et colérique que j’ai quitté deux soirs plus tôt devant la porte des vestiaires du terrain de rugby. Son sourire est beau, insoutenablement beau…
Et ce qui est beau aussi, c’est que, en fin de compte, ma présence ne semble étonner personne, ne semble gêner personne… ce qui est beau et qui m’énerve un peu aussi, c’est que tout le monde trouve normal que Jérém ait ce boulot, alors que je viens de l’apprendre par hasard… grâce à un rencontre fortuite, une rencontre que j’aurais ratée si j’étais reste une minute de plus à mater le beau vendeur de la boutique de téléphones…
Sans transition, Jérém est passe du jour au lendemain de bachelier à employé, d’étudiant à travailleur… de l’adolescence à l’age adulte, et cela ne semble tracasser personne… certes, tous ces contrastes de perception de Jérém ne sont que des images… des images que ma tête de jeune mec amoureux fabrique devant son impuissance à suivre les mouvements du mec que j’aime… bien sur, dans la réalité, le fait de passer d’étudiant à travailleur ne change rien au Jérém que je connais… quoi que… dans tous les cas, Jérém ce sera toujours le même petit con ultra sexy… mais enfin… sa vie change et je ne suis qu’un spectateur accidentel…
« Il faut bien fêter ça » surenchérit Thibault « Jérém qui bosse, voilà un événement… »…
« Une bière blanche, stp » je finis par répondre.
« Ca vient » lance le beau serveur à la cantonade, en détalant sur les chapeaux de roues.
Pendant que j’attends ma bière, Thibault finit de répondre à la question que je lui ai posée avant l’arrivée de Jérém. Ca fait un an, depuis son bac, qu’il bosse dans ce garage… il fait un bts en alternance… les semaines de cours se relayent avec des semaines « les mains dans le cambouis »… il m’explique en souriant qu’il essaie de s’appliquer en cours mais qu’il préfère les semaines « les mains dans le cambouis »… il aime bien ce taf… il aime la mécanique… ça c’est un vrai petit mec, voilà ce qui s’affiche dans ma tête…
Jérém se fait attendre, de nouveaux clients se sont installés en terrasse. Et la conversation finit à nouveau par revenir à lui…
« Je le taquine… ça faisait longtemps qu’il voulait bosser » m’explique Thibault « alors que, dans la théorie, il n’en a pas besoin, il pourrait glander tout l’été avant la rentrée… son père a les moyens et il l’a toujours aidé… ».
« Pourquoi il veut bosser alors ? » je finis par demander.
Thibault marque une petite pause et il enchaîne sur un ton mi sérieux, mi facétieux : « Déjà, je pense que c’est une bonne chose qu’il bosse… ça va lui faire du bien d’occuper un peu ses journées… ça va lui empêcher de faire des bêtises… il faut pas croire… c’est un sacré numéro le Jérémie… quand il se laisse aller, il a une incroyable propension à faire n’importe quoi… ».
Thibault termine sa phrase en souriant. Je crois deviner derrière son sourire, comme en crypté, comme sur un écran Canal + hors plage en clair, les souvenirs et le vécu sur lequel ses mots se basent… Thibault sait des trucs sur Jérém que j’ignore… il semble connaître mon Jérém par cœur… je suis à la fois jaloux de lui et heureux que mon beau brun ait un ange gardien comme Thibault… je me retrouve à penser avec une certaine inquiétude à cette tendance qui semble parfois transparaître derrière les mots de Thibault, une fâcheuse tendance que semble avoir Jérém à se mettre en danger…
J’essaie de sourire à ce qu’il vient de dire, car, même si ça m’inquiète un peu, ça a été dit sur un ton plutôt drôle. Drôle et mignon. Un instant après Thibault redémarre :
« Jérémie veut travailler car il est pressé de gagner sa vie pour ne plus rien devoir à personne… surtout pas à son père… je crois qu’il veut carrément couper les ponts avec sa famille… ».
Thibault n’est pas avare en confidences. Je sens qu’il va me donner des billes importantes pour comprendre un peu plus mon beau brun. De la douce musique pour mes oreilles.
« Il ne s’entend pas avec ses parents ? » j’enchaîne, la curiosité fort aiguisée.
« Ses parents… ce n’est que son père… sa mère est partie il y a dix ans et elle n’a quasiment pas donné de nouvelles depuis… »
« Ah, bon… » je m’étonne « ça a du être vachement dur pour lui… »
« Très dur, autant pour lui que pour Maxime… ».
« Son petit frère ? »
« Oui, Jérém l’adore… »
« Et alors, avec son père ça ne se passe pas bien ? »
« Jérém est en colère contre son père, il le tient pour responsable d’avoir rendu sa mère malheureuse au point de la pousser à partir… il lui en veut aussi d’avoir trop vite ramené sa copine à la maison sans se soucier du fait que cette nana n’avait aucune envie d’élever des gosses… »
« Il n’a pas essayé de reprendre contact avec sa mère ? »
« Non… il lui en veut énormément d’avoir abandonné lui et son frère dans sa fuite loin de leur père… il lui en veut, car eux ils n’y étaient pour rien dans leurs soucis de couple… »
« Ca c’est pas faux… »
« Ça fait des années que Jérém n’a presque pas mis le pied dans le domaine viticole de son père… il fuit cette maison où il a été très malheureux après le départ de sa mère… il fuit cette maison d’où cette garce de nana a tout fait pour le faire partir… »…
« Il veut vraiment couper les ponts ? » je m’inquiète.
« A part avec son petit frère, qui est tout pour lui… lorsqu’il est parti de la ferme il y a quatre ans, Jérém s’est longtemps fait du souci pour lui… il avait peur que cette pouff lui rende la vie impossible… mais apparemment, ça se passait mieux avec son frère qu’avec lui… et puis, heureusement, Maxime est une tronche… il a eu le bac l’an dernier à 16 ans, et depuis il fait des études d’ingénieur aéronautique… »
J’imagine le dépit de Jérém de voir son frère, cadet de deux ans, avoir le bac haut la main avant lui… mais Thibault enchaîne :
« Vraiment Jérém l’adore… il a été super content qu’il ait pu avoir le bac si tôt et qu’il ait pu se tirer lui aussi… »…
Je trouve très touchant le fait de m’imaginer Jérém en grand frère se souciant de son frerot.
« Sinon ça faisait des semaines que Jérém postulait un peu partout… » enchaîne Thibault « il voulait commencer de suite après le bac, alors il a pris le premier job qu’il a trouvé… il faut dire que, avec sa prestance, le job de serveur l’attendait les bras ouverts… »…
Thibault est intarissable :
« Et pour le bac… j’espère vraiment qu’il va l’avoir, car s’il ne l’a pas du premier coup, je suis sur qu’il va laisser tomber… »…
Soudainement je me sens chargé d’une responsabilité que je n’avais jamais considérée. C’est vrai qu’on était censé réviser ensemble… c’est vrai que j’étais censé l’aider à préparer le bac… alors que, dans la réalité, on n’a fait que baiser… certes, il l’a voulu, et je n’ai pas refusé… mais avec tout le temps que l’on a passé ensemble, j’aurais du trouver le temps de travailler un peu… je culpabilise un peu à l’idée d’avoir manqué à ce « devoir »… je me dis que si vraiment je l’aime comme je le prétend, j’aurais du mettre mes envies en sourdine et me pencher sur le révisions, de véritables révisions…
Je sens la culpabilité m’envahir, m’attrister… et puis, en repensant aux révisions, voilà des images remonter à ma mémoire… Jérém torse nu… Jérém en débardeur… Jérém qui bande… Jérém qui m’allume, Jérém dont le sourire coquin a le pouvoir de me tirer de mes bouquins et de mes notes pour que je me fasse tirer tout court… j’ai parfois essayé de me maîtriser, mais j’ai toujours été impuissant face à son charme, ses sourires, sa simple présence criant outrageusement « sexe ! »…
Oui, j’ai manqué à mon devoir de l’aider à réviser… mais non, définitivement je n’aurais pas pu faire autrement… résister à son charme, mission impossible… il faut te mettre le cœur en paix, Nico…
« J’espère moi aussi qu’il va avoir son bac du premier coup » je finis par répondre.
« En tout cas, ça a été très sympa de ta part de l’aider à se remettre à niveau »
« J’ai fait ça avec plaisir… »
« Cette année du bac est une période de grands bouleversements dans la vie de Jérém… je crois que depuis que vous êtes proches, ça lui fait du bien… »…
Plus je le côtoie, plus j’apprécie ce mec… car plus je le côtoie, plus mon impression se confirme… Thibault est un garçon droit, loyal, excessivement fidèle en amitié, prêt à tout pour son meilleur pote. C’est un garçon qui inspire la confiance et force le respect, très touchant dans le contraste entre la puissance de son physique et la profonde gentillesse qui lui est propre ; une gentillesse que l’on retrouve dans le ton de sa voix calme, posé, traversé par des tons graves très chauds… dans son vocabulaire, qui ne comporte jamais un mot plus haut que l’autre… dans la maîtrise de ses émotions, ce qui lui permet, comme je le découvrirai plus tard cet été là, de garder la tête froide en bien d’occasions, même les plus difficiles… chez lui, tout est dans la retenue, même les émotions les plus intenses…
Oui, ce mec dégage à la fois un calme, une force et une solidité qui donnent franchement envie de s'appuyer sur ses épaules et de se perdre dans ses bras… c’est le gars sur qui on sent de pouvoir compter à chaque instant, avec qui on se sent en sécurité… et ça c’est un truc qui n’a pas de prix…
Le jeune mécanicien vient tout juste de terminer sa dernière phrase que le beau serveur est revenu à notre table avec non pas une, mais deux bières et un petit bol de noix de pécan.
« Tu veux me saouler… » plaisante Thibault.
« T’as pas besoin d’aide pour ça, vieux pochetron… » balance Jérém sur un ton taquin.
« Merci » tranche Thibault « et à la tienne… »
« Vas-y, fous-toi de moi… je ne peux pas boire pendant le service… »
« C’est bien la seule raison pour laquelle tu es encore sobre à cette heure-ci… »
« Va te faire voir » réagit promptement Jérémie.
« A la tienne » renchérit Thibault.
Jérém est vite rappelé pour prendre une autre commande. Dans ma poche, un sms vient d’arriver. Je le consulte vite fait. C’est Elodie : « T’as trouvé ton beau serveur ? ». Je lui répondrai plus tard.
D’autres clients arrivent, un deuxième serveur fait son apparition. Il n’est pas beau, je trouve cela rassurant. Au moins Jérém ne couchera pas avec son collègue. Ni avec son patron que j’ai entrevu derrière le comptoir, bien trop âgé et bedonnant.
Thibault et moi on termine nos bières en parlant de mes projets pour l’été, de mes projets après le bac, en reparlant de la sortie au KL de ce samedi là… c’est à cette occasion là que l’on échangera nos 06… une bonne idée de sa part, cet échange de numéro de portable, une idée qui dans un avenir proche, comme dans un avenir plus éloigné, se révélera fort judicieuse.
On n’aura plus l’occasion de discuter avec Jérém, désormais trop occupé avec la clientèle de plus en plus nombreuse… on lui fera juste un petit coucou en partant… Thibault et moi on repartira ensemble pour se quitter quelques mètres plus loin, pile à l’abribus derrière lequel je m’étais caché tout à l’heure… là encore, pas de commentaires sur ma manœuvre… ni sur les petits mensonges pour expliquer ma présence à Jérém…
Dans ma tête je me dis que si jusque là Thibault se doutait très fort, maintenant il sait… il sait que Jérém est bien plus qu’un camarade de classe pour moi et que le contraire est vrai aussi… j’ai trop envie de lui proposer d’aller prendre un verre ailleurs et de tout lui raconter… je sens qu’il a besoin de savoir, alors que moi j’ai envie de raconter cette histoire à quelqu’un qui connaît le beau brun mieux que personne, quelqu’un qui pourrait me raconter tellement de choses à son sujet, et peut-être m’aiguiller sur la conduite à tenir pour l’« apprivoiser »…
Evidemment, je n’ose pas. C’est encore une connerie que je ne tarderai pas à regretter. Thibault aurait pu m’apprendre tellement de choses utiles pour éviter le malheur qui attendait mon beau brun cet été là… mais on ne connaît pas l’avenir et on se dit que l’on aura toujours le temps… alors on laisse couler, on se permet de « ne pas oser »… et inch’allah…
Le beau mécanicien prendra le bus qui est en train d’arriver et qui l’amènera dans le quartier des Minimes… en me quittant, il me redira « A samedi… » et il complétera sa poignée de main avec une petite tape, presque une caresse faite de l’autre main sur mon épaule… très tactile le mec, très sensuel ce contact… je n’ai pas l’habitude de ce genre de petits gestes de complicité entre mecs…
Un geste accompagné par son regard intense, fixement posé dans le mien pendant un long instant, par son sourire doux et un peu triste, agrémenté d’un petit clin d’œil lancé pendant la fermeture de la porte à soufflet, juste avant que le bus ne démarre…
Je suis touché, troublé… car tous ces petits gestes, ces petits « riens » me semblent exprimer tant de choses non dites…
Quant à moi, l’esprit bien secoué par les événements, les rencontres, les mots, les sourires, les sensations fortes des dernières heures, je continuerai ma route jusqu’à la place du Salin pour regagner ensuite le pont St Michel et retrouver ma maison, ma chambre, mon lit, mes esprits [là c’est pas gagné]… j’ai besoin de repasser au ralenti le film des deux dernières heures, si denses en images, paroles et émotions…
En tout cas, ce soir là, en trottant vers chez moi, je suis un garçon heureux… oui, je suis un garçon heureux car j’ai l’impression que Jérém a été content de me voir… et j’ai l’impression aussi que je vais avoir un nouvel ami… je sens que Thibault va être quelqu’un d’important pour moi, et pour longtemps…
Pour une fois, mon intuition sera la bonne…
Plus tard, cette semaine là…
« J’ai aussi très envie de sentir ta queue s’enfoncer dans mon trou… j’ai envie de te sentir bien au fond de moi, j’adore quand ton manche ouvre ma rondelle et que tes couilles s’écrasent contre mes fesses… j’ai envie de me faire défoncer… j’ai envie de te voir prendre ton pied comme un malade, j’ai envie de me sentir fourré par ton jus… »
« Et quand tu aura fini de jouir, je veux bien me mettre à genoux devant toi et goûter à ta queue moite… »
Pendant toute ma tirade, il n’a pas dit un mot… je n’ai pas vraiment accès à son regard, ce qui me met à l’aise pour me lâcher… mes lèvres, positionnées à quelques centimètres de son oreille, se sont délectées à lui chuchoter des mots osés, grivois, limite graveleux… pendant toute ma tirade, je n’ai pas arrêté de mater son oreille, avec une envie grandissante de le lui lécher, mordiller, tellement je trouve ce détail de son anatomie beau et sexy…
Pendant que je lâchais les vannes de mes mots pour les laisser exprimer les plus profonds de mes désirs, j’avais remarqué à plusieurs reprise que ses sourcils semblaient se soulever soudainement sur l’effet de certains de mes mots, sous l’effet de l’excitation… son visage se tournait alors légèrement vers moi… c’est dans ces moments là qu’il m’arrivait de croiser un petit regard en biais, émoustillé mais limite incrédule par ce qu’il entendait… je crois que j’aurais été incapable de soutenir son regard pendant que je lui balançais tous ces trucs de dingue… je pense que j’aurais pas osé, que la honte aurait coupé mon élan… pourtant, au vu de ses réaction au fil de mes phrases, j’avais eu l’impression que mes mots le rendaient fou…